La Presse Anarchiste

Argents dérisoires

La typo­gra­phie offri­ra tou­jours des res­sources infi­nies pour la mul­ti­pli­ca­tion des zéros et des queues à ceux-ci ! Jamais d’ailleurs elle n’est aus­si pro­digue que quand il s’agit d’affaires de cor­rup­tion ou de véna­li­té. Les gens qui se ven­dirent ou plus exac­te­ment qu’on ache­ta le firent tou­jours à des prix fabuleux.

Il en va de même dans les esti­ma­tions de vols ou d’escroqueries. Sou­vent des délin­quants sont mis au béné­fice de sommes détour­nées abso­lu­ment colos­sales, qui n’eurent en fait qu’une por­tion fort congrue des mal­ver­sa­tions alléguées.

C’est qu’il est plus facile de pui­ser dans les casses que dans les caisses !

Cette dis­pa­ri­té clas­sique entre les sommes pré­ten­dues et celles effec­ti­ve­ment per­çues nous appa­raît encore évi­dente dans l’Affaire en cours !

Les feuilles, dès le pre­mier ins­tant, ris­quèrent des affir­ma­tions pré­cises. Ouf­kir pour mener à bien son entre­prise contre Ben Bar­ka avait consti­tué un bud­get, disait-on, qui n’était pas moindre de cent mil­lions d’anciens francs. Or jus­qu’a­lors le seul manie­ment d’espèces qu’on ait pu entre­voir ne va pas au-delà d’une ché­tive « uni­té », ancienne tou­jours ! Et remise encore après qu’on eut beau­coup insisté.

Un misé­rable mil­lion, à peine de quoi s’acheter des ciga­rettes ! Encore a‑t-il fal­lu que ces mes­sieurs, et ils sont pour le moins quatre : Le Ny, Palisse, Dubail et Figon, dépê­chassent un des leurs pour qu’impatientés on leur consen­tît un aus­si piètre denier !

Soit, en sup­po­sant que l’émissaire n’ait pas « repas­sé » les cama­rades, comme se fût expri­mé Figon, un via­tique de 250 000 F cha­cun ! Véri­table déri­sion quand on songe aux jours noirs qui s’ouvraient néces­sai­re­ment devant eux.

250 000 F ! mais le moindre Corse qui truande entre Pigalle et Cli­chy n’irait pas du car­re­four Fon­taine-Douai, tant la marche lui fut tou­jours pénible, jusqu’au square de Vin­ti­mille, pour un aus­si ridi­cule dédommagement.

Côté Figon, et bien qu’il fût frot­té d’intelligentsia ger­ma­no­pra­tine, il ne semble pas que la jugeote fût de meilleure qua­li­té que chez ses acolytes.

Il avait omis de pré­voir la séquence ter­mi­nale de son fameux film, celle où à la pre­mière requête les Maro­cains lui répon­draient Basta !

Disette qui l’entraîna pro­ba­ble­ment aux sca­breuses négo­cia­tions avec les feuilles de toute nature. Certes, il y avait aus­si exhi­bi­tion­nisme incoer­cible de sa part et désir d’occuper la « une » en per­ma­nence, mais mieux pour­vu, il se fût peut-être davan­tage retenu.

Tou­cha-t-il pour se prê­ter aux inter­views qu’on sait les piges qu’on pré­tend ? Ce n’est pas tel­le­ment sûr ! Nous res­tons per­sua­dés que le plus infime rédac­teur d’un quel­conque Paris-jour qui ne sut jamais mettre plus de trois lignes bout à bout, touche comme indem­ni­té de licen­cie­ment après six mois de pré­sence, plus qu’on ne lui offrit.

D’ailleurs Figon dénon­çait lui-même ses fabu­la­tions quand il racon­tait à pro­pos de sa pré­ten­due arres­ta­tion par le com­mis­saire Bou­vier qu’on l’avait relâ­ché avec 500 000 F (anciens) pour prix de sa sagesse future.

Rien que ce détail mon­trait que tout le récit était inven­té, car pour ridi­cules que puissent être nos hommes d’État et pour chiche que soit le gou­ver­ne­ment, per­sonne, s’avisant d’un tel scé­na­rio, n’eût réduit ses pro­po­si­tions à un pareil brocantage.

On fût allé au moins jus­qu’à 500 000 nou­veaux qui seraient encore res­tés une baga­telle, puis­qu’on nous assure que le sort de la Ve Répu­blique était en cause !

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