La Presse Anarchiste

Soit dit en passant

Non, non, ce ne sont ni des poètes, ni des roman­ciers, ni des artistes : ces pos­ti­cheurs et ces fai­seurs qui se contor­sionnent à qui mieux mieux, fai­sant parade et gri­maces en plein les gale­ries dans les­quelles la badau­de­rie dégé­né­rée fait chorus.

Ce sont tout juste des mer­can­tis qui offrent leur sata­née came­lote aux cher­cheurs de moindre secousse et qui font pirouettes sur pirouettes à même les estrades et plan­chers de l’ar­ri­visme com­plet afin de bien satis­faire leur appé­tit et soif de galette : ce qui nous vaut d’as­sis­ter à la pra­tique fré­né­tique du faux mon­nayage du Sen­ti­ment, de la Pen­sée et de tous les Arts.

Bien sûr, pas besoin de verres gros­sis­sants ; c’est visible à l’œil nu : c’est ça, tout ça qui comble les chaires d’é­coles, d’é­glises, d’u­ni­ver­si­tés, de sor­bonnes et d’a­ca­dé­mies ; c’est encore et tou­jours ça qui fait for­tune et donne dans la gloire en per­pé­tuant un confor­misme banal, mes­quin, laid et de très mau­vais aloi, en cumu­lant places, pré­bendes et hon­neurs : toute la sara­bande qui consti­tue ce pauvre pan­théon de l’en­vie et de l’am­bi­tion, devant ser­vir à entre­te­nir cette pos­té­ri­té qui a tout juste per­mis à l’Hu­ma­ni­té entière de sans cesse pié­ti­ner en plein le marais boueux et fan­geux de la cra­pu­le­rie, sot­tise et bêtise.

Quand vien­drez-vous et répon­drez-vous pré­sent…, ô vous, les fiers, intègres et intré­pides vol­ti­geurs de la vive et altière Aven­ture, afin que nous puis­sions cal­mer nos peines, nos angoisses et nos tour­ments avec l’aide de ce baume sur­pre­nant que vous seuls savez extraire de vos purs accents et agis­se­ments lyriques, joyeux, fécon­dants, dra­ma­tiques et pathétiques ?

Ce jour-là, ce serait Grande Fête au pays de la recherche et de l’in­quié­tude. Au lieu d’as­sis­ter à ces pitre­ries gui­gno­lesques qui font si fort vacarme en rem­plis­sant à plein bord les caisses de tous les par­tis, les clans, bou­tiques et cha­pelles pul­lu­lant à satié­té dans la Cité ; nous ver­rions alors poindre au fir­ma­ment de l’es­poir régé­né­ré, ces tro­phées éblouis­santes, mer­veilleuses et édi­fiantes, por­tées par les incom­pa­rables et infa­ti­gables pion­niers de la croi­sade insur­rec­tion­nelle à jamais terminée.

Au lieu de s’en tenir à ce tout fait de confec­tion géné­ra­li­sée, l’Es­prit en vogue vers le sublime tien­drait évi­dem­ment à tailler lui-même avec per­sis­tance et pré­ci­sion ses impres­sions, trans­for­ma­tions et actions, en vue de réunir ses pro­fi­tables conquêtes pour com­po­ser un Flam­beau qui éclai­re­rait la Com­pré­hen­sion jus­qu’au point de pro­duire un Éclat contre lequel le fac­tice, le faus­sé, l’i­gnoble et le mons­trueux ne pour­raient plus grand-chose,

Et, pour que cette Richesse soit ordon­née, toni­fiante et rayon­nante au pos­sible, l’In­tel­li­gence pren­drait comme prin­ci­pale col­la­bo­ra­trice, cette Sen­si­bi­li­té qui n’en fini­ra cer­tai­ne­ment jamais d’ap­por­ter à la lumi­nai­son créa­trice de quoi la bien entre­te­nir jus­qu’à l’u­sure des temps.

C’est alors que nous ver­rions appa­raître sur la scène de l’u­ni­ver­sa­li­té, cette force sans pareille pro­ve­nant des élé­ments les plus puis­sants et les mieux réa­li­sa­teurs du com­por­te­ment logi­que­ment et cli­gne­ment non conformiste.

[/​Aimé Bailly/​]

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