La Presse Anarchiste

Printemps !

[/​À Mona Dol et René Collamarini./]

La terre dort.
La terre cou­leur de mort.
La terre encore endolorie
par les rages rudes d’hiver,
la terre nue comme la mer
attend le bai­ser de la vie.

Ses mille bras, ses mille seins
en leur dérou­le­ment vermeil
et toute sa force latente
s’offrent aux flèches du soleil
avec l’a­ban­don d’une amante.

Déjà dans la nuit de son cœur
renaît une occulte puissance
et la plus légère semence
porte la pro­messe des fleurs. 

Que de germes involutés
dans le pré­sent et l’avenir !
Que de bour­geons veulent éclore !
Que de rameaux veulent grandir
et de tré­sors s’épanouir
sous l’embrasement des aurores !

Et moi sœur de l’arbre
fervente
je bois à la coupe d’azur
jus­qu’au zénith où le souffle créateur
chante ! 

Quelle ambroi­sie
se dis­tille et glisse en mes lèvres
et se confond avec mon sang ?
Mon cri d’es­pé­rance et de fièvre
est le cri de tout le- printemps !
J’en­tends l’été
j’en­tends l’automne
répondre en chœur à cet appel
car tout ce qui mûrit au miracle du ciel
les fruits,
les épis qu’on moissonne
et même en la douleur :
l’a­mour et la beauté
par ce clair matin fécondé
rayonnent déjà sur le monde. 

Et les bras étendus,
les che­veux dans le vent,
ivres de rêves et de sèves,
mes doigts, mon corps, mes sens recherchent,
captent dans le zéphir
le rythme intense du désir
qui, sou­ve­rai­ne­ment, orchestre les sommets,
les val­lons et les plaines,
et je sens reten­tir et mon­ter en mes veines
le can­tique de l’avenir !

[/​M. C. Mague­lonne/​]

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