La Presse Anarchiste

Syndicalisme et autonomie ouvrière

La période qui vient de débu­ter en Espagne est inté­res­sante à plu­sieurs titres :
  • par rap­port à l’Es­pagne spé­ci­fi­que­ment, bien enten­du, où 40 années de fas­cisme n’ont pu rayer de l’es­pace poli­tique la classe ouvrière, et où la tran­si­tion vers la « démo­cra­tie par­le­men­taire » n’est pas évi­dente à cause des troubles-fête… et de la crise économique ;
  • par rap­port à l’Eu­rope, où depuis une dizaine d’an­nées, se suc­cèdent en des lieux dif­fé­rents des moments de mon­tée des luttes (les luttes étu­diantes et ouvrières des années 67, 68, 69, en France et en Ita­lie, les « expo­si­tions » dans les pays de l’Est : Tché­co­slo­va­quie puis Pologne, et main­te­nant la contes­ta­tion ram­pante en U.R.S.S. même, la « crise » por­tu­gaise, la remon­tée du mou­ve­ment ouvrier en Angle­terre et aux Pays-Bas…). Toute une série d’ex­pé­riences qui, si elles n’a­bou­tissent évi­dem­ment pas à la « révo­lu­tion », ne se tra­duisent pas par un « écra­se­ment » de ceux qui ont lut­té. Chaque lutte, dans la période actuelle, laisse des traces dans la sui­vante, et celles qui sont en train et vont se pro­duire en Espagne peuvent réus­sir là où les autres ont échoué pour l’ins­tant : récon­ci­lier plus ou moins les luttes « clas­siques » de la classe des exploi­tés avec les nou­velles formes de contes­ta­tion qui ont émer­gé et qui pro­viennent des nou­velles ten­dances du capi­ta­lisme à conju­rer ses crises en accen­tuant cer­taines formes de domination ;
  • par rap­port enfin au cou­rant spé­ci­fique anar­chiste qui nous inté­resse : la C.N.T. est un lieu pos­sible de cette ren­contre entre une tra­di­tion révo­lu­tion­naire et ces nou­veaux aspects (vécus par les gens comme de nou­veaux aspects) de la domination.

Nous pen­sons en effet qu’un grand nombre de cama­rades espa­gnols sont capables de déve­lop­per un mou­ve­ment enri­chi de « luttes spé­ci­fiques » mais qui ne se coupe pas de la classe ouvrière ; cela est fon­da­men­tal pour que les pre­mières ne se carac­té­risent pas, comme trop sou­vent en France, comme des luttes réfor­mistes et même petites-bour­geoises, et que le mou­ve­ment de la seconde ne s’en­ferme pas dans une vision « dog­ma­tique et anti-uto­pique » de la lutte de classe.

Bref, un peu d’op­ti­misme et de triom­pha­lisme tous les 10 ans ça ne fait pas de mal, sur­tout chez nous qui ne le sommes guère en géné­ral. Nous conti­nuons donc à accor­der une large place au débat à l’Es­pagne ; c’est dans cet esprit que nous publions une grande par­tie des inter­views publiées dans le nº du 7 – 2‑77 de A rivis­ta anar­chi­ca ; le choix de tra­duire en tota­li­té cer­tains textes et d’autres en par­tie seule­ment nous sera cer­tai­ne­ment repro­ché ; nous devons dire sim­ple­ment que le choix n’a pas été le fruit d’une déci­sion col­lec­tive et réflé­chie, mais l’ins­pi­ra­tion pre­mière du tra­duc­teur des textes com­plets. Nous avons ensuite adjoint les extraits des autres textes, en nous ser­vant du tra­vail qu’un cama­rade avait fait paral­lè­le­ment. Le décou­page numé­ro­té de l’en­semble per­met­tra de suivre plus faci­le­ment cer­tains com­men­taires et ser­vi­ra aus­si à ceux qui certainement 

Au centre de ce débat, l’a­nar­cho-syn­di­ca­lisme, le syn­di­ca­lisme tout court sont-ils pos­sibles et sou­hai­tables ? L’ar­ticle de Nico­las tente de don­ner une réponse en la fon­dant his­to­ri­que­ment ; par ailleurs, nous ren­voyons aus­si à l’in­ter­view d’E­do dans « Libé­ra­tion » du 15 – 4‑77 où notre cama­rade apporte des réponses pra­tiques au pos­sible dépas­se­ment du tri­angle : syn­di­ca­lisme-par­ti spé­ci­fique-rien du tout (atten­tisme élitiste).

Dans ce cadre aus­si la consti­tu­tion de « Mujeres Libres » est très impor­tante : c’est le pre­mier mou­ve­ment de femmes (dans ces der­nières années en Europe) qui se situe à contre-cou­rant tant de l’in­té­gra­tion de la ques­tion fémi­nine dans les orga­ni­sa­tions machistes (groupe femmes de telle ou telle orga­ni­sa­tion), que du fémi­nisme bour­geois et réfor­miste qui pré­tend jeter la lutte de classes aux orties. Cela ne signi­fie pour­tant nul­le­ment que nous n’ayons rien à dire ou à redire : une cama­rade de la « Lan­terne Noire » entame le débat sur quelques points à la suite de la publi­ca­tion de textes et d’in­ter­views de « Mujeres Libres ».

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