La Presse Anarchiste

L’acte d’amour

Tout est subor­don­né à cet acte. S’en éloi­gner ou le dépré­cier, c’est capi­tu­ler devant la Vie en même temps que renon­cer à ce qu’elle contient de plus beau et de plus noble. L’acte d’a­mour est le baume des mau­vais jours, le plus sûr conso­la­teur, et s’il ne fait pas atteindre l’i­nac­ces­sible, il per­met de s’é­va­der de temps à autre de la pri­son humaine. On peut dire qu’il est la seule véri­table liber­té dont l’in­di­vi­du puisse jouir plei­ne­ment. Car l’hu­ma­ni­té est un réseau com­pli­qué de mailles où l’in­di­vi­du le plus avide d’es­pace cherche en vain le fil qui doit l’a­me­ner à la lumière pure d’un monde uto­pique. Mon ima­gi­na­tion est impré­gnée de la Femme, l’u­nique par­te­naire dans la vie qui nous révèle la Volup­té ; source d’un bon­heur proche du divin. Sans Elle qui est un don mer­veilleux, l’in­di­vi­du se ver­rait som­brer dans le plus pro­fond maté­ria­lisme et rien ne pour­rait reflé­ter ni ses affi­ni­tés ni ses aspi­ra­tions. Car il ne peut être Unique sans Elle qui com­plète et har­mo­nise sa vie ins­tinc­tive et spirituelle. 

L’acte d’a­mour, phy­sique dans ses mou­ve­ments, est la pour­suite vers une fina­li­té qui se renou­velle sans cesse et que les sexes veulent tou­jours plus intime et plus intense et sur­tout plus intense pour se déga­ger de l’emprise sociale. C’est bien dans cette pour­suite que réside la clé d’un bon­heur débar­ras­sé de sots pré­ju­gés et de fausses morales. L’a­mour n’est pas seule­ment un sen­ti­ment mais aus­si une force libé­ra­trice. Il fait décou­vrir à l’in­di­vi­du à tra­vers toutes ses fibres le but réel de son pas­sage ter­restre. Mais l’Hu­ma­ni­té a pris l’ha­bi­tude de déni­grer l’acte d’a­mour. Elle l’a dési­gné au vul­gaire comme un acte dégra­dant quand il est sa seule fin, elle lui a été toute sa poé­sie par des lois stu­pides et contra­dic­toires, en l’en­ve­lop­pant d’un voile fait de la matière gros­sière d’une morale sans com­men­ce­ment ni fin, d’une morale enne­mie de la Nature libre et indépendante. 

Grecs et Romains com­pa­raient l’acte d’a­mour à un acte des Dieux et en fai­saient leur rai­son de vivre. À l’A­mour sans pudeur, nu et superbe, ils éle­vaient des temples. Il gui­dait leurs actions et ouvrait la voie aux meilleures ins­pi­ra­tions de l’Art. Des siècles ont pas­sé et c’est un immonde maté­ria­lisme flan­qué d’i­dées étroites et puri­taines qui a rem­pla­cé le paga­nisme éman­ci­pa­teur. Et la pri­son humaine s’est répar­tie en infi­nies cel­lules où les indi­vi­dus gémissent et déses­pèrent, n’ayant plus pour voir qu’un filet de lumière cou­pé par des barreaux.

[/​Daniel Natal/​]

La Presse Anarchiste