La Presse Anarchiste

Le viol et les assises

Il ne s’a­git pas là d’un texte éla­bo­ré, mais de la mise en forme d’un cer­tain nombre de notes et de remarques faites depuis quelques temps à pro­pos du viol et de la cam­pagne que mènent quelques fémi­nistes à ce sujet.

Ceci avait déjà été abor­dé dans le numé­ro 4 de La Lan­terne Noire->rub36] sous la forme de deux articles ([« Jus­tice popu­laire, jus­tice bour­geoise, mêmes pri­sons » et « Un cer­tain ras’l’­bol ») qui s’é­le­vaient vio­lem­ment contre cette cam­pagne tout en dénon­çant la manière dont la socié­té bour­geoise et sa « jus­tice » défi­nis­sait le viol, et qui mon­traient aus­si qu’une cer­taine manière de dénon­cer la cam­pagne pou­vait cacher une volon­té de gom­mer ce pro­blème et de le réduire à quelque chose « dont on s’oc­cu­pe­ra après la révo­lu­tion » ou « qui dis­pa­raî­tra avec la modi­fi­ca­tion des rap­ports de pro­duc­tion et la dis­pa­ri­tion des classes sociales ».

Agathe, dans son article, qua­li­fiait cette cam­pagne de « réfor­miste », l’as­si­mi­lant par là même à la cam­pagne du M.L.A.C. « pour la léga­li­sa­tion de l’a­vor­te­ment » ou par exten­sion à toute lutte syn­di­cale ou poli­tique qui « demande quelque chose », une amé­lio­ra­tion, au pou­voir en place (et qui sera bien­tôt repris par ce même pou­voir). Par rap­port à ces luttes, notre atti­tude est très claire : on y par­ti­cipe ou pas sui­vant les cas, mais, quand on y par­ti­cipe, c’est pour essayer de faire com­prendre à ceux qui les mènent et qui s’y limitent qu’elles ne changent rien au fond des pro­blèmes, et qu’il est pos­sible de tout chan­ger en s’at­ta­quant aux causes réelles.

Or depuis cette époque, soit que la cam­pagne menée a chan­gé, soit que nous l’a­vions mal éva­luée, il semble que le qua­li­fi­ca­tif de « réfor­miste » soit mal adapté.

Au départ et en prin­cipe, une cam­pagne sur le thème du viol pré­sen­tait toute une série d’as­pects par­ti­cu­liè­re­ment intéressants.

D’a­bord en fai­sant sor­tir le concept même de « viol » de son sens juri­dique et bour­geois, c’est-à-dire limi­té à ce qui se passe fina­le­ment assez rare­ment, c’est-à-dire un acte « franc et direct », une vio­lence ouverte, pour l’é­tendre à toute sorte de viols, les plus fré­quents et que subissent très cer­tai­ne­ment des mil­lions de femmes : celui qui se pro­duit dans la famille, dans cer­tains rap­ports conju­gaux, dans une cer­taine forme de drague, dans la publi­ci­té, etc.

Ensuite, et grâce à cette non-limi­ta­tion de la défi­ni­tion, per­mettre à ce genre de pro­blèmes (les rap­ports hommes-femmes, la domi­na­tion, la vio­lence, la sexua­li­té) de ne pas être une nou­velle fois niés, éva­cués au nom d’une « lutte de classe mal comprise ».

Il s’a­gis­sait bien là de quelque chose de sub­ver­sif ; ça devait donc être détour­né et réin­té­gré et ce le fut assez vite.

Un cou­rant poli­ti­cien com­po­sé de poli­ti­ciennes s’en est char­gé en rédui­sant de nou­veau le viol à son accep­tion extrême, donc limi­tée, donc bourgeoise.

Ceci est dans la nature des choses et nous y sommes habi­tués, mais le plus grave cepen­dant c’est la consé­quence : de cam­pagne contre le viol, la cam­pagne s’est trans­for­mée en cam­pagne pour la puni­tion des cou­pables. Elle a donc per­du son carac­tère « réfor­miste » pour gagner celui de « réactionnaire ».

Or ce glis­se­ment de sens, pour logique et évident qu’il nous paraisse, ne l’est pas pour tous y com­pris pour des gens qui par ailleurs nous sont très proches, et qu’on ne peut soup­çon­ner « de faire le jeu du pou­voir même inconsciemment ».

Cette incom­pré­hen­sion est d’au­tant plus forte qu’il s’a­git d’un « sujet » cen­tral, très char­gé émo­tion­nel­le­ment, et dont on ne peut par­ler objec­ti­ve­ment. À cause de ces carac­té­ris­tiques ces poli­ti­ciennes jouent donc sur du velours d’au­tant plus qu’elles ont en face d’elles le plus sou­vent les poli­ti­ciens les plus tra­di­tion­nels (leurs concur­rents) qui veulent à tout prix éva­cuer ces problèmes.

À titre d’exemple je vou­drais citer les docu­ments sui­vants parus dans Bas­ta n° 6.

Dans un pre­mier temps, Bas­ta avait publié ses posi­tions par rap­port à cette cam­pagne, et au pro­blème des rap­ports hommes-femmes ; à cette posi­tion redé­fi­nie dans le docu­ment n° 1, avait répon­du une copine par une lettre repro­duite dans le docu­ment n° 2.

Je me pro­pose, avant de pour­suivre mon argu­men­ta­tion, de répondre à cette lettre.

Document n°1 ; position de Basta

— N’é­tant pas par­tis pour une lutte d’es­claves contre esclaves (femmes contre hommes, enfants contre parents, jeunes contre vieux, malades contre bien-por­tants, et ain­si de suite), nous cri­ti­quons toute forme de regrou­pe­ment qui fige dans des reven­di­ca­tions caté­go­rielles des situa­tions par­ti­cu­lières et n’a­mène qu’à un ren­for­ce­ment, voire à un amé­na­ge­ment des ins­ti­tu­tions en place (cf. syn­di­ca­lisme de la vie quo­ti­dienne). Nous nous éton­nons que la cri­tique de cette démarche ne sou­lève des pro­tes­ta­tions que quand elle s’ap­plique aux mou­ve­ments fémi­nistes, parce que nous avions fait la même que ce soit par rap­port aux comi­tés de sol­dats, aux comi­tés de pri­son­niers, aux mili­tants éco­lo­gistes, aux fas­cistes contre la peine de mort, aux syn­di­ca­listes ouvriers, aux comi­tés de quar­tiers, etc.

— Nous refu­sons glo­ba­le­ment et par­ti­cu­liè­re­ment les rôles sociaux que nous impose le pou­voir, celui de femme en étant un aus­si, dans les rap­ports sociaux orga­ni­sés par le sys­tème capitaliste.

 — Nous ne nous recon­naî­trons jamais, sous pré­texte que c’est une femme, dans une Gisèle Hali­mi, ou dans un Séguy, parce qu’il parle au nom des ouvriers, parce qu’a­vant tout, ils sont des exploi­teurs, avo­cats, bureau­crates, et que notre réa­li­té, notre expres­sion ne peuvent aller que contre eux et le pou­voir qu’ils repré­sentent et qu’ils essaient d’é­tendre par tous les moyens.

 — Nous ne nous met­tons ni du côté des « vio­leurs », ni de celui des « femmes », puisque pour nous cette pro­blé­ma­tique est celle du pou­voir et en l’oc­cur­rence, des juges.

 — Nous n’a­vons pas l’ha­bi­tude, par rap­port à des évé­ne­ments qui nous touchent par­ti­cu­liè­re­ment, de délé­guer nos déci­sions à des struc­tures éta­blies, consé­cu­ti­ve­ment, nous n’a­vons de solu­tion pour personne.

 — En bref, nous n’a­vons pas plus de rai­sons d’être fémi­nistes que syn­di­ca­listes, huma­nistes ou natio­na­listes, etc.

Document n° 2 : Réponse d’une camarade

Je me suis tou­jours défi­nie comme fémi­niste et liber­taire, aus­si j’ai lu avec conster­na­tion et colère l’ar­ticle sur le fémi­nisme dans le Bas­ta n° 5.
 — Oui, les femmes indi­vi­duel­le­ment et col­lec­ti­ve­ment ont pris conscience de leur oppres­sion spécifique.

 — Oui, elles ont com­pris qu’il leur fal­lait cher­cher, lut­ter seules, entre femmes sou­vent, avec les hommes aus­si, contre eux quel­que­fois, et ça vrai­ment, ça n’a pas tou­jours col­lé avec la lutte de classes et c’é­tait bien embê­tant pour les esprits épris de clarté.

 — Oui, l’ex­pres­sion de leur révolte a don­né lieu à des prises de posi­tion jugées « exces­sives », mais une révolte mesu­rée, qu’est-ce que c’est ?

La ques­tion du viol main­te­nant : elle est expé­diée en une phrase cin­glante dans l’ar­ticle de Bas­ta. Les femmes n’ont pas le droit d’u­ti­li­ser la répres­sion légale pour se ven­ger d’un viol, nous dit-on. Eh bien moi, ça ne m’in­té­resse pas des dik­tats pareils. Les prin­cipes je m’en fous. Ce qui m’in­té­resse est d’a­na­ly­ser un pro­blème à par­tir du vécu des gens. Des femmes ici. Qui mieux qu’une femme sait quelle rage impuis­sante on éprouve devant le scep­ti­cisme, l’i­ro­nie, l’in­dif­fé­rence qui accom­pagne les récits de viol. Bien sûr, ce n’est pas une solu­tion « d’en­voyer un frus­tré au trou ». Mais qui a dit qu’une femme qui dans sa colère et son impuis­sance a recours au moyen auquel les bons démo­crates pensent spon­ta­né­ment, le dépôt d’une plainte au com­mis­sa­riat pense qu’elle va régler le pro­blème de la frus­tra­tion sexuelle ? Elle n’a­dopte pas une solu­tion qu’elle juge la meilleure, elle réagit à une vio­lence par une autre vio­lence. En l’ab­sence de moyens directs de défense elle attend de l’ap­pa­reil répres­sif qu’il se venge à sa place. Atti­tude peu construc­tive et fort condam­nable en bonne morale liber­taire, soit.

Mais pour­quoi les femmes seraient-elles les seules à ne pas avoir le droit de se ser­vir de ce moyen de défense ? Ce déchaî­ne­ment de condam­na­tions le laisse sup­po­ser. Ou bien déchaî­nez-vous avec la même vio­lence contre toutes les autres plaintes (vols, meurtres…).

Quant à moi, je n’ai pas de solu­tion, je n’ai pas de réponse satis­fai­sante au pro­blème du viol, de la répres­sion légale et de la frus­tra­tion sexuelle et je n’en­vie pas ceux qui en adoptent une si facilement.

Refu­ser aux femmes cette défense sans leur pro­po­ser autre chose, c’est la lais­ser à son déses­poir soli­taire, c’est se mettre du côté des indif­fé­rents, si ce n’est des violeurs.

Des positions « excessives » ?

Il ne s’a­git pas de cela. L’« excès », le « trop de », le « pas assez de » sont de l’ordre d’une pen­sée libé­rale, et nous essayons de nous situer en dehors de cette pro­blé­ma­tique. Condam­ner une cam­pagne pour faire pas­ser quel­qu’un en Assises (quel que soit ce qu’il a fait), n’est pas condam­ner une posi­tion exces­sive, mais une posi­tion « réac­tion­naire » [[Je reviens sur ce que j’af­fir­mais plus haut, à savoir que cette cam­pagne n’est plus (ou n’a jamais été) réfor­miste : le réfor­misme, c’est quand on obtient quelque chose de non-répres­sif d’un pou­voir exis­tant sans ren­ver­ser ce pou­voir (aug­men­ta­tion de salaire, léga­li­sa­tion de l’a­vor­te­ment, droit de réunion…). À l’in­verse, quand on demande le ren­for­ce­ment ou l’ex­ten­sion d’une forme de pou­voir lié à l’É­tat, il s’a­git bien là de quelque chose de réac­tion­naire.]] qui tend d’une part à ren­for­cer les ins­ti­tu­tions éta­tiques et d’autre part à croire que l’on peut s’at­ta­quer aux effets sans s’at­ta­quer aux causes et même en s’ap­puyant sur les causes. Ce que nous dénon­çons, ce n’est pas que telle ou telle femme porte plainte pour viol, mais l’é­lé­va­tion du « por­ter plainte en stra­té­gie poli­tique », en pra­tique col­lec­tive, en ins­tru­ment de propagande.

Nous sommes en pré­sence d’un simple « remake » de la tra­di­tion­nelle poli­tique mar­xiste-léni­niste, qui consiste à mettre sur la scène de la poli­tique spé­cia­li­sée un savant mélange, com­po­sé à la fois de la révolte et de l’a­lié­na­tion des gens. C’est là ce qu’ont fait ces groupes du M.L.F., en uti­li­sant une révolte légi­time, en ins­ti­tu­tion­na­li­sant les moyens indi­vi­duels de lutte de cer­taines femmes, sans en faire la cri­tique. Or ces moyens (por­ter plainte quelque soit le domaine et le motif) sont jus­te­ment ceux de l’i­so­le­ment, un simple recours indi­vi­duel, et ne peuvent être repris quand il s’a­git, comme on le pré­tend, d’une lutte qui doit s’é­tendre et deve­nir collective.

Pire, dans ce domaine il arrive même, par­fois, que le « gau­chisme » devance et entraîne cer­tains réflexes réac­tion­naires des gens. On avait déjà connu cela avec le Front de Libé­ra­tion des Jeunes qui exa­cer­bait la vio­lence pour la vio­lence, avec la Gauche Pro­lé­ta­rienne et ses Tri­bu­naux Popu­laires. Le M.L.F. (celui-ci au moins) prend le relais, ce qui est fina­le­ment assez logique dans la mesure où la filia­tion mili­tante est la même (maoïsme, spon­ta­néisme, popu­lisme …). Bien enten­du, plus lar­ge­ment, la voie fut lar­ge­ment tra­cée par la droite clas­sique (pour la peine de mort et les Tri­bu­naux d’Ex­cep­tion), par la gauche clas­sique (pour la peine de mort aux mili­tants O.A.S. [[Je me rap­pelle à ce pro­pos quel dégoût avait pro­vo­qué en moi cette odieuse cam­pagne sui­vie de l’exé­cu­tion de Doue­car, Piegt, Bas­tien Thier­ry et Degueldre, ces assas­sins de l’O.A.S., et ce, en pleine guerre d’Al­gé­rie, alors même que ces « sol­dats per­dus » tuaient en pleine rue et réin­tro­dui­saient le fas­cisme en France.]], Com­bien, par­mi ces femmes qui font sem­blant d’a­voir rom­pu avec ce gau­chisme-là, ont, par le pas­sé, déjà appar­te­nu à des comi­tés-jus­tice, des comi­tés-véri­té, pour que Tra­mo­ni passe en Assises, pour que le notaire Leroy soit incul­pé, etc … Un cer­tain nombre, bien sûr … et la fête continue…

Cette cama­rade pense que nous lut­tons contre cette cam­pagne parce qu’elle est menée par des femmes, et que nous ne lut­tons pas avec la même éner­gie contre les autres plaintes.

Cela est par­fai­te­ment inexact : nous nous sommes tou­jours éle­vé, au sein du mou­ve­ment révo­lu­tion­naire, contre ce type de glis­se­ment vers un nou­veau fas­cisme ; et plus récem­ment, à pro­pos de la peine de mort, il semble bien que la cam­pagne, et les manifs aient été en grande par­tie menées et sou­te­nues par des anar­chistes. Ceci est d’au­tant plus évident pour le jour­nal Bas­ta qui a consa­cré très lar­ge­ment ses colonnes à cette lutte, plus en tous cas qu’à la condam­na­tion de cette cam­pagne fémi­niste. Alors, ne serait-ce pas le contraire : N’au­rait-on pas le droit de cri­ti­quer sous pré­texte qu’il s’a­git d’une lutte de femmes, comme jadis il ne fal­lait cri­ti­quer ni les ouvriers, ni les émi­grés, ni les viet­na­miens au nom du fait que la « guerre du peuple est tou­jours juste ? »

Tuer un petit enfant n’est pas moins affreux que vio­ler une femme ! Or per­sonne ne reproche (sauf nos enne­mis) de lut­ter contre la Peine de Mort, con­re les Pri­sons, contre les Tribunaux !

Quand nous lut­tions contre les Tri­bu­naux Popu­laires nous n’en sou­te­nions pas pour autant le Notaire Leroy. Mais ce qui est clair pour nous c’est que Leroy — juge Pas­cal même com­bat, juge rouge — juge clas­sique même com­bat, avo­cat blanc — noir — ou rose même combat.

Bien enten­du, comme le dit cette cama­rade, lors­qu’une femme porte plainte pour viol, il s’a­git de « rage impuis­sante », bien sûr qu’elle réagit à la vio­lence par une autre forme de vio­lence. Il n’y a là rien à juger, rien à condam­ner, mais rien non plus à approu­ver, à institutionnaliser.

Le faire est déjà un acte poli­ti­card, même si l’acte s’ac­com­plit au nom d’une soit-disant « redé­fi­ni­tion », au nom d’une « nou­velle gauche libertaire ».

Ce que je vou­drais main­te­nant, c’est essayer de com­prendre Pour­quoi et Com­ment cette cam­pagne a pu fonctionner.

Dans « Libé­ra­tion » du 24 mars, Nicole répon­dait à ceux qui pré­ten­daient que la cam­pagne pour les assises fai­sait le jeu du pouvoir :

Lorsque on reproche à des femmes qui dénoncent le viol de faire le jeu du pou­voir en favo­ri­sant soi-disant un accrois­se­ment de la répres­sion, j’ai envie de crier que ce sont les vio­leurs qui font le jeu du pou­voir et pour de mul­tiples raisons :

— Le pou­voir est fas­ciste et les vio­leurs sont fas­cistes ; car si CRS est pour vous, comme pour moi syno­nyme de SS, vio­leur est pour moi éga­le­ment syno­nyme de SS, même si la rime n’y est pas : c’est la même vio­lence du plus fort, du plus armé sur l’autre qu’il peut frap­per sans risque …

Cette réponse illustre bien le type de rai­son­ne­ment qui étaye toutes ces argu­men­ta­tions : deux choses qui s’op­posent ne peuvent être du même côté ! C’est bien évi­dem­ment sim­pliste, mora­liste, le bien d’un côté, le mal de l’autre. Il est clair pour­tant que les deux pro­po­si­tions se com­plètent ; sont com­pa­tibles : bien sûr que les vio­leurs font le jeu du Pou­voir. Mais cela n’empêche pas cer­tains de ceux qui luttent contre les vio­leurs de par­ti­ci­per du même pouvoir !

Par ailleurs, ces poli­ti­ciennes ne sont pas des « poli­ti­ciens tra­di­tion­nels », mais moder­nistes et ceci pour trois raisons :

 — ce sont des femmes ;

 — elles se pré­tendent révo­lu­tion­naires et par­fois libertaires ;

 — le conte­nu de leur lutte cor­res­pond à des choses que les femmes « sentent ».

Com­ment s’y sont-elles prises pour s’emparer d’une telle lutte et la détourner ?

1) en limi­tant de nou­veau le viol à sa défi­ni­tion « légale », « juri­dique » étroite donc extrême, donc en éva­cuant le pro­blème de la domi­na­tion dans la sexualité ;

2) en enfer­mant la lutte dans une piteuse cam­pagne juri­dique qui demande la pro­tec­tion de l’État.

Beau­coup de ces femmes sont des Avo­cats, des Artistes, des Uni­ver­si­taires, bref appar­tiennent à l’in­tel­li­gent­sia, c’est-à-dire la même couche sociale qui, en son temps, fut fas­ci­né par le maoïsme. Ce sont de avo­cates qui mènent la danse de mort : Gisèle Hali­ni, Monique Antoine, Josyane Moutet…

Cette der­nière, en réponse à P. Gold­man, a écrit dans « Libé­ra­tion » les phrases suivants :

« … le gau­chisme est mort pour les femmes qui n’y trouvent pas la réson­nance de l’es­poir… » « … tu crois à la réha­bi­li­ta­tion par nous de cette Cour d’As­sises que nous avons hon­nie avec toi. Tu oublies que nous ne récla­mons aucun châtiment… »

« … D’ailleurs sais-tu seule­ment ce que nous ferons en Cour d’Assises ? »

« … tu nous fais un pro­cès d’in­ten­tion en ima­gi­nant d’a­vance notre com­por­te­ment poli­tique aux Assises … »

Tout y est : le pseu­do-dépas­se­ment du gau­chisme, mais aus­si cette idée sau­gre­nue qu’on n’a pas de compte à deman­der aux avo­cats sur ce qu’ils vont faire aux Assises ! Si nous le savons bien : cau­tion­ner la jus­tice ! faire les pitres dans les allées du pou­voir. Pour­quoi ne se contentent-elles pas de faire leur métier sans bruit, de défendre ceux qui le leur demandent ? Il faut encore Qu’elles prennent la tète d’un Mou­ve­ment en uti­li­sant le pou­voir d’avocat !

Ce gang d’a­vo­cates, d’in­tel­lec­tuelles, par­vient à mener impu­né­ment cette cam­pagne parce qu’elles ont déjà un pied dans le pou­voir par le biais d’une par­tie des médias qu’elles contrôlent, mais pas seule­ment par cela.

L’autre aspect de ce pro­blème c’est que leur pou­voir s’ap­puie sur :

1) la culpabilité :

― des autres femmes, fémi­nistes ou non, qui n’osent pas s’op­po­ser à d’autres femmes au nom de la soli­da­ri­té (voir l’af­faire d’un autre gang, celui de psy et pol).

 — Des hommes qui, s’ils cri­tiquent, sont ren­voyés à leur sta­tut d’homme et n’ont donc pas la parole.

2) l’ac­quies­ce­ment de la bour­geoi­sie éclai­rée qui accepte par­fai­te­ment cette revendication.

Le pro­blème est, de toutes les manières, tel­le­ment dif­fi­cile à par­ler et à agir, il sou­lève tel­le­ment d’as­pects émo­tion­nels, qu’on ne pour­ra effi­ca­ce­ment lut­ter contre ce genre de cam­pagne que lorsque nous aurons, nous-mêmes, les idées plus claires sur le viol et les moyens de lut­ter contre.

Mar­tin.

La Presse Anarchiste