La Presse Anarchiste

Réponse III

Même si, pour une grande part, je ne suis pas d’ac­cord avec bon nombre des cri­tiques que fait Belial aux textes de Nico­las, je dois dire que sa lettre m’a paru opportune.

En effet, Belial fait par­tie des gens qui ont quit­té La Lan­terne Noire et c’est le seul qui ait cher­ché à en par­ler d’une façon publique (même s’il recon­naît lui-même, par ailleurs, le carac­tère « pro­vo­ca­teur » et « non-ache­vé » de sa lettre).

Ce qui me gêne assu­ré­ment dans cette lettre, c’est que, pour poser un cer­tain nombre de pro­blèmes (pro­blèmes qui me semblent impor­tants et que je vais essayer d’ex­pli­ci­ter plus loin), Belial se jette à pieds joints dans une mau­vaise que­relle : cita­tions tron­quées, contre-sens [[Cita­tion sur l’u­to­pie.]], a prio­ri [[Inter­pré­ta­tion abu­sive du départ des autres copains.]] révé­lant un désir de polé­mique qui risque d’ex­clure tout débat de fond au pro­fit de ce qui peut sem­bler n’être qu’un conflit de personnes.

Plus grave encore : empor­té par son dis­cours, Belial tombe à son tour dans ce qu’il reproche à Nico­las, à savoir la défi­ni­tion de ce que sont les vrais anar­chistes [[Sur le choix des cita­tions faites par Nico­las.]] (que­relle d’« écoles » !…).

Quoi­qu’il en soit, il me semble que si Belial a pu mal inter­pré­ter les deux articles de Nico­las, c’est aus­si parce que ceux-ci n’é­taient pas par­ti­cu­liè­re­ment « clairs ». Je m’ex­plique : même si, dans le fond, je ne peux être que d’ac­cord avec ce que dit Nico­las sur la « néces­si­té de l’or­ga­ni­sa­tion » et le pro­blème de la domi­na­tion, ces deux articles me semblent par­ti­cu­liè­re­ment abs­traits et idéologiques.

Cela dit, j’en arrive aux pro­blèmes qui me semblent impor­tants et que je me suis pro­po­sé d’expliciter :

À savoir :

  • le pro­blème du départ des copains,
  • le pro­blème de l’as­pect « auto­ri­taire », « poli­ti­cien » de la néces­si­té de réfé­rence idéo­lo­gique pour être un vrai anar­chiste, par oppo­si­tion à l’at­ti­tude plus inter­ro­ga­tive, plus cri­tique, repo­sant sur une ana­lyse moins dog­ma­tique et plus concrète du vécu.

Je pense effec­ti­ve­ment que le fait de ne pas avoir men­tion­né le départ des copains dans ce numé­ro est d’au­tant plus grave que ce numé­ro est le pre­mier fait après leur départ et qu’il aborde le pro­blème de l’organisation.

Et cela n’est pas parce que Belial est le pre­mier (et sans doute le der­nier) des par­tants à évo­quer l’é­vé­ne­ment que nous-mêmes n’a­vions pas à en infor­mer les lec­teurs et à en débattre entre nous !…

De même que dans le numé­ro sur la vio­lence il y avait une intro­duc­tion au pro­blème fai­sant état des dis­cus­sions dans le groupe, il aurait sem­blé natu­rel que, dans le numé­ro sur l’or­ga­ni­sa­tion, il y ait une intro­duc­tion men­tion­nant le départ des copains et posant les pro­blèmes de fonc­tion­ne­ment propres au groupe : pro­blèmes idéo­lo­giques, pro­blèmes inhé­rents au pro­jet ini­tial (revue et/​ou groupe), pro­blèmes organisationnels…

Cepen­dant, je ne pense pas comme Belial que La Lan­terne Noire ait été réel­le­ment « la pre­mière vic­time du débat sur l’or­ga­ni­sa­tion », mais plu­tôt (ce qui n’en­lève rien à la chose !) des pro­blèmes liés à l’or­ga­ni­sa­tion du groupe :

  • orga­ni­sa­tion tech­nique du tra­vail : divi­sion et rota­tion des tâches (peu réa­li­sée dans les faits), inéga­li­té devant l’é­cri­ture et la parole ;
  • fonc­tion­ne­ment de La Lan­terne Noire en tant que « groupe » : manque de dis­cus­sions réelles tant sur les articles que sur la réa­li­té même du groupe (impos­si­bi­li­té d’as­su­mer une vie de groupe véri­table et les contraintes liées au fait de faire une revue) ;
  • pro­blèmes du dis­cours idéo­lo­gique anar­chiste qui, par son aspect « dog­ma­tique », met entre paren­thèses les ques­tions qu’on peut se poser dans la réa­li­té quo­ti­dienne en géné­ral et à la Lan­terne en par­ti­cu­lier. L’ar­ticle de Nico­las sur l’or­ga­ni­sa­tion anar­chiste spé­ci­fique illustre bien ce que je veux dire par là : la seule men­tion qu’il fait des pro­blèmes exis­tant au sein de la Lan­terne Noire est en effet com­plè­te­ment anni­hi­lée du fait qu’elle ren­voie au pro­blème de la « Domi­na­tion » (avec un grand D) ; le pro­blème spé­ci­fique et concret du fonc­tion­ne­ment du groupe est alors com­plè­te­ment noyé dans un pro­blème géné­ral et abs­trait. À quoi ser­vait-il donc de nom­mer La Lan­terne Noire si c’é­tait pour en faire une illus­tra­tion aus­si pâlotte !…

Tous ces pro­blèmes, entre autres, ont été abor­dés par de nom­breuses per­sonnes, au sein du groupe (Claude cf. n° 2) et à l’ex­té­rieur (cf. lettre de Serge dans ce n°). Mais on peut dire qu’ils n’ont jamais été réel­le­ment pris en consi­dé­ra­tion jus­qu’à présent.

Il y a donc un « état de fait » (j’al­lais écrire une « ligne ») à La Lan­terne Noire, et de ce fait des « cen­sures »… quoi qu’on en dise !

Chan­tal

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