La Presse Anarchiste

Chansons de route et de déroute

Au frère Poucheton

Femme au jar­din s’apprête à coudre,
Fille à pei­gner ses longs cheveux,
Lorsque sou­dain tonne la foudre.
Eh ! quoi, là-haut, tu leur en veux ?

Or, nous étions dans les parages,
Et c’était plu­tôt contre nous.
Te sou­viens-tu des gros orages
Qui s’en pre­naient aux deux voyous ?

Inquiets, sous le ciel qui crève,
Des hori­zons, des lendemains,
On l’aura pro­me­né ce rêve !
Mais qu’a‑t-on fait de nos chemins ?

Toi, la dou­leur qui te déhanche,
L’allure d’un colimaçon,
Moi, sans ton bras, quand l’espoir flanche
Je m’en irais à reculons.

Deux pas­sants, que la faim tenaille,
Exci­tant la haine des chiens.
Ah ! pou­voir dor­mir dans la paille
Comme des rois mérovingiens !

Et puis les peines sans salaire,
Le pain dur des moins mau­vais jours,
Les yeux méchants du sédentaire,
Cloches son­nant aux alentours.

Femme au jar­din ne vient plus coudre,
Fille pei­gner ses beaux cheveux,
Car, plus à craindre que la foudre
Ont pas­sé près deux malheureux.

La Presse Anarchiste