Coalgate — Voyant la misère faire ses ravages avec une rapidité réellement foudroyante, on pourrait se demander si l’ouvrier est mort ou bien s’il a conscience de son état de misère. Si, comme moi, vous aviez fait la tournée que j’ai commencée, ainsi que plusieurs compagnons, et passé dans la majeure partie des pays miniers « de cette grande et libre république américaine », vous auriez pu constater l’avachissement et la bassesse dans lesquels la classe productrice est plongée. Ainsi, à Weir-City, la Durkee Coal Co., ainsi que la Hamilton and Braidwood Co. (je cite seulement les plus grosses compagnies), ont mis en demeure, le mois dernier, leurs salariés de louer une maison appartenant à la Compagnie et de prendre absolument toutes leurs marchandises dans ses magasins. Or ces magasins vendent 25 % plus cher que les autres. L’huile de mine, par exemple, vaut, prise à la Compagnie, 80 sous le gallon, prise ailleurs 40 et 50 sous. Le beurre coûte 25 sous les deux livres, mais, pris à la Compagnie, il coûte 20 sous la livre, et tout à l’avenant. Qui dira que ce n’est pas un vol et non pas un vol légal, qu’ils ne prennent même pas la peine de déguiser ? Leur rapacité, leur égoïsme les absorbent tellement, qu’ils n’entendent pas les sourds grondements encore indistincts aujourd’hui, mais qui, demain peut-être, éclateront en un orage d’autant plus violent que l’attente aura été plus longue et l’espoir plus longtemps déçu !
P. G.