La Presse Anarchiste

Lectures

G. Wright Mil­ls : « Les causes de la 3e guerre mon­diale (Ed. Calmann‑Lévy).

Voi­ci un
livre qui ne ménage per­sonne. Tout le monde devrait donc le
lire, même et sur­tout les res­pon­sables de l’im­mense pagaille où
nous sommes et qui, par leur élé­phan­tesque imbécillité,
nous pré­parent la plus for­mi­dable héca­tombe de
l’Histoire.

Quand
MM. Khroucht­chev, de Gaulle, Eisen­ho­wer, Mac­Mil­lan et tut­ti quanti
auront pris la peine de com­pul­ser cet ouvrage et de subir — en
dépit de l’or­gueil aveugle qui les carac­té­rise — la
sévère volée de bois vert que leur administre
l’au­teur ; quand ils auront com­pris que l’au­teur n’exagère
rien, lors­qu’il qua­li­fie leur poli­tique de « réa­lisme de
têtes fêlées », l’hu­ma­ni­té qui
sombre pré­sen­te­ment dans l’an­goisse… ato­mique aura peut-être
quelque chance de respirer.

De
toutes les ana­lyses que nous avons pu lire au cours de ces dernières
années, rela­tives à la poli­tique inter­na­tio­nale, aucune
n’est allée aus­si loin que celle-ci, aucune n’a énoncé
avec plus de lucide viru­lence les condi­tions d’un inévitable
cata­clysme mon­dial, ren­du pos­sible par le cré­ti­nisme des
mili­taires, la pas­si­vi­té des intel­lec­tuels, la vanité
insen­sée des chefs d’É­tat, la mons­trueuse apa­thie des
peuples.

Mais
après avoir bros­sé le tableau de toutes nos faiblesses,
Wright Mil­ls, dans les cent der­nières pages de son ouvrage,
nous indique, sous les titres : « Que devrions-nous
faire ? » et « Le rôle des intellectuels »,
le che­min qu’il convien­drait de prendre pour entrer dans une ère
où les condi­tions de la guerre se mue­raient en condi­tions de
la paix.

Son
pro­gramme com­porte « l’a­ban­don de la métaphysique
mili­taire et des dis­po­si­tifs pseu­do-défen­sifs en faveur d’un
véri­table esprit de négo­cia­tion », ain­si que
des « échanges cultu­rels, scien­ti­fiques et techniques ».
Il demande aux savants et aux repré­sen­tants des cultes de
« refu­ser publi­que­ment de par­ti­ci­per aux pré­pa­ra­tifs de
guerre et de faire connaître lar­ge­ment les répercussions
du pro­grès scien­ti­fique et tech­nique, etc. »

Mais la
besogne à accom­plir est tel­le­ment monu­men­tale qu’elle dépasse,
nous le crai­gnons, les moyens de l’es­pèce à laquelle
nous avons le triste pri­vi­lège d’ap­par­te­nir. Au reste, il y
aurait à dire sur les pro­po­si­tions de l’au­teur chez qui un
cer­tain esprit « pro­gres­siste » aurait ten­dance à se
mani­fes­ter. Cela l’en­traîne à des contra­dic­tions peu
com­pa­tibles — à nos yeux — avec la logique que réclame
une légi­time sau­ve­garde de nos libertés.

Nous
pen­sons néan­moins que ce livre vient à son heure et que
c’est une rai­son pour le lire, le faire lire et enga­ger à son
pro­pos d’u­tiles discussions.

Robert
Proix

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