Primum vivere
Pour ceux de nos lecteurs qui comptent encore parmi les quelques obstinés indéfectiblement attachés à la fortune des organes de diffusion de nos idées, il convient de préciser quelles sont les conditions d'existence de celui-ci.
Il était de tradition jusqu'à présent de subordonner la vie d'un organe semblable aux libéralités périodiques de ses lecteurs les plus convaincus et les plus dévoués. Tradition détestable qui obligeait à tendre continuellement la main et faisait du directeur de la publication une sorte de moine mendiant.
Nous, rompons délibérément avec cette tradition. Nous n'importunerons pas nos meilleurs amis en plaçant constamment sous leurs yeux, comme un reproche permanent, la situation toujours déficitaire de ces sortes d'entreprises d'idéal, où les contingences matérielles, envisagées comme de pures abstractions avant le premier numéro, prennent d'ordinaire dans les numéros suivants une importance grandissante à mesure qu'augmente l'inévitable déficit.
Nous avons fait une chose très simple. Nous nous sommes groupés, quelques-uns, en très petit nombre, qui mettions déjà en commun nos idées, pour mettre en commun nos ressources, celles du moins dont nous pouvons sûrement disposer en nous serrant un peu par ces temps de vie chère. Nous réunissons ainsi une somme suffisante pour faire paraître économiquement tous les mois huit pages, quelquefois davantage, tirées d'abord à cinq cents exemplaires. La modestie des moyens explique la modestie du tirage et aussi la simplicité de la présentation typographique.
Ces cinq cents exemplaires seront envoyés aux adresses que nous nous procurerons par l'intermédiaire obligeant des lecteurs; c'est là l'aide que nous sollicitons.
Nous pensons trouver des abonnés dans des milieux considérés jusqu'alors réfractaires par définition à la diffusion de nos idées. Nous sommes maintenant bien certains qu'elles n'ont de chance d'être absorbées avec profit que par des gens capables de les examiner. Comme nous croyons aussi qu'il n'y a pas de valeur humaine négligeable, la situation sociale du lecteur importe peu, selon nous, pourvu qu'il soit apte à nous comprendre. Voilà jusqu'où nous osons nous dire égalitaires.
Donc, Plus loin est payé d'avance. Inutile de s'inquiéter. Pour la première fois, ce fait inouï se produit: une revue consacrée à ces idées, revue petite, il est vrai, est assurée de vivre sans le secours des lecteurs. Et les abonnements qui viendront serviront uniquement à grossir le tirage.