Recherches sur une méthode de travail

Fragments d’une étude de notre
camarade René Pax, dont nous
donnerons la suite dans le numéro 2.

… En conséquence je crois que nous pouvons donner le «respect de l’individu» à la fois comme base de départ de notre organisation et comme principe de toute notre action future.

Par ce principe du «respect de l’individu», chaque moyen devenant une fin en soi, nous possédons une pierre de touche nous permettant d’affirmer qu’«aucune pensée, ni aucun acte ne pourront relever de notre Mouvement s’ils n’atteignent au respect immédiat de l’individu et à sa revalorisation.»

Forts de ce moyen d’autocontrôle, et de notre bonne volonté, sommes-nous maintenant en mesure de mener une action efficace tendant à la revalorisation de l’homme, et par conséquent tendant à un rapport des hommes entre eux, ou, ce qui revient au même, tendant à une conception sociale absolument différente de ce qui existe actuellement?

Nous rendons-nous bien compte de la tâche que nous abordons?

Nous condamnons la forme actuelle de la société, c’est facile, mais si nous ne savons rien des grands courants qui régissent les sociétés humaines, comment osons-nous aspirer mener notre ouvrage à bonne fin?

Ce qui m’a le plus surpris quand j’ai commencé à naviguer dans les milieux militants divers c’est, précisément, le manque de préparation des éléments de base, et l’effarant c’est que personne ne doute, un seul instant, de la compétence de ses propres vues en matière sociale.

Il faut un apprentissage et des années de pratique pour former un bon professionnel, il faut de longues études pour assimiler une science; dans le même ordre d’idées il ne fait pas de doute que nous devons, préalablement à toute action extérieure, faire notre propre éducation sociologique.

Là, une nouvelle question se pose:

Ne pouvant tout apprendre, que devons-nous connaître des grands courants qu’ont formé les humains pour faciliter, ou, hélas!, pour compliquer leur vie?

Pour ma part, je discerne deux grands courants: l’un, d’ordre intellectuel, l’autre d’ordre matériel. Dans l’ordre intellectuel et par ancienneté, il y a:

  • les religions;
  • Les philosophies et les théories d’ordre social avec leurs conséquences: luttes d’ordre abstrait (pour la liberté, l’égalité, etc.);
  • enfin, les sciences d’ordre social.

Dans le grand courant d’ordre matériel nous avons l’économie qui comprend:

  • La production
    • intellectuelle et artistique;
    • agricole;
    • industrielle.
  • La consommation,
    • par l’intermédiaire
    • par la libre consommation;
    • par un système monétaire.

En résumé, six sujets: religieux, philosophique, scientifique, production, échanges, luttes sociales.

Nous savons de mieux en mieux ce que nous voulons, mais, nouvelle question, quelle sera l’ampleur de l’étude des six sujets que nous croyons indispensable à la formation des militants.

Si nous voulons que cette étude mène à une formation de base, il faut qu’elle soit à la portée de tout le monde, donc:

  • ne dire que l’essentiel du sujet en fonction d’une formation militante intelligente;
  • le dire clairement et le plus simplement possible.

Voyons le premier sujet: la religion.

Voici comment je conçois non pas le contenu, mais l’orientation de l’étude:

S’il reste vrai que «la religion est l’opium du peuple», il est non moins vrai, à mon sens, que l’esprit religieux, lorsqu’il est large, donc compréhensif, et non sectaire, s’accompagne presque toujours d’une moralité supérieure.

L’Église et le clergé sont certainement une plaie sociale; la nécessité de les combattre ne fait pas de doute, mais ils ont encore une telle importance dans notre société qu’une amputation brutale de l’Église (en supposant que cela soit possible), risquerait fort, je crois, de créer un mal pire que celui de son existence.

En fait, le mal en soi, c’est l’exploitation, le sectarisme religieux, en un mot l’usage qui est fait du sentiment religieux.

Respectons ce sentiment, élargissons-le à toutes les religions en recherchant ce qu’il peut y avoir d’humainement valable dans chacune d’elles.

Deuxième sujet: les philosophies et théories d’ordre social; le socialiste utopique, scientifique, marxiste, etc.; les théories de Proudhon, Bakounine, Kropotkine, etc. L’Étatisme.

En fait, je suis incapable de m’étendre ni de voir clair sur ces questions que, pour l’instant, je ne connais pas suffisamment, et je sens combien cela me manque.

Troisième sujet: les sciences d’ordre social. Toutes les sciences étant d’ordre social, nous nous trouvons devant la nécessité de n’étudier que ce qui petit apporter quelque chose d’immédiatement valable à une action militante.

Dans ce sens, il me semble que l’étude de la genèse de l’humanité soit d’une très grande valeur pour le débourrage des crânes pour tout ce qui se rapporte à la légende biblique de la création (autre forme de la lutte contre l’Église).