La Presse Anarchiste

Le bouddhisme (2)

4. L’éthique du Bouddha 

    Le Boud­dha a dit « Soyez à vous-mêmes votre propre lumière, votre propre refuge, ne cher­chez pas d’autre refuge. » Pour s’as­su­rer un pro­grès véri­table, notre effort doit être basé sur la connais­sance, et une inten­tion droite. La confiance dans la valeur morale des croyances et des rites est un gros han­di­cap et celui qui cher­che­rait un refuge dans de telles concep­tions serait fort éloi­gné du droit che­min, car nos pro­grès ne sont que la consé­quence de notre tra­vail inté­rieur. La croyance dans le culte et les rites conduit à l’ir­ri­ta­bi­li­té, l’in­to­lé­rance, le fana­tisme, la cruau­té et la guerre. ― Ce ne sont pas les besoins du corps qui rendent impurs, mais ce sont l’al­coo­lisme, la cruau­té, l’hy­po­cri­sie, le men­songe, la jalou­sie, l’or­gueil, le mépris, l’ar­ro­gance et les pen­sées futiles. Par cela un homme est impur. 

    Le Boud­dha a dit aus­si : « Ne pas s’a­don­ner à une vie déré­glée, vul­gaire, inutile, et non plus ne pas s’a­don­ner aux aus­té­ri­tés qui sont inutiles et inef­fi­caces. Il faut reje­ter ces deux extrêmes et prendre la voie du milieu qui seule est juste » 

    Ces quelques phrases de l’en­sei­gne­ment ori­gi­nal du Boud­dha montrent bien l’es­prit de tolé­rance de sa doc­trine et le tra­vail stric­te­ment indi­vi­duel qu’elle impose. Elle est basée sur la rai­son et non sur la foi. 

    D’autre part, la doc­trine de l’im­per­ma­nence de l’e­go conscient, n’est pas seule­ment la plus impor­tante de la phi­lo­so­phie boud­dhique ; c’est aus­si, mora­le­ment, une des plus remar­quables. La valeur éthique de cet ensei­gne­ment n’a peut-être jamais encore été esti­mée jus­te­ment par aucun pen­seur occi­den­tal. Une grande par­tie du mal­heur des hommes a été cau­sée direc­te­ment et indi­rec­te­ment par des croyances oppo­sées, par l’illu­sion de la sta­bi­li­té, par l’illu­sion que les dis­tinc­tions de carac­tères, de condi­tions de croyances sont fixées par une loi immuable — et par l’illu­sion d’une âme inchan­geable, immor­telle, sen­sible, qu’un caprice divin des­ti­na à des éter­ni­tés de béa­ti­tude ou d’enfer. 

    Tant que s’at­tar­de­ront ces croyances, nul esprit de tolé­rance, nul sen­ti­ment de fra­ter­ni­té humaine ne sau­ront exis­ter. Le Boud­dhisme ne recon­nais­sant nulle per­ma­nence, nulle sta­bi­li­té défi­nie, nulle dis­tinc­tion abso­lue de carac­tère, de classe ni de race, sauf en tant que phé­no­mène tran­si­toire, est essen­tiel­le­ment une doc­trine de tolérance. 

    Tous les êtres sont sou­mis à une loi immuable ; celle par laquelle le plus bas doit s’é­le­ver jus­qu’à la place du plus éle­vé — celle par laquelle le pis doit deve­nir le mieux et le plus vil deve­nir le Meilleur. Pareil sys­tème ne sau­rait conte­nir ni pré­ju­gé, ni haine. L’i­gno­rance seule est la source du mal et de la dou­leur et toute igno­rance doit fina­le­ment se dis­si­per par la décom­po­si­tion du Moi. 

5. Conclusion

    Une conclu­sion ne s’im­pose pas aux lignes trop brèves qui pré­cèdent. Leur but ne sau­rait dépas­ser un éveil de curio­si­té chez le lec­teur, pour cette doc­trine orien­tale qui, s’il ne nous convient pas de l’a­dop­ter com­plè­te­ment, peut néan­moins nous aider gran­de­ment dans la recherche de « Nous-mêmes », recherche que nous savons si dif­fi­cile par expérience. 

    Qu’il me soit per­mis de signa­ler, pour ter­mi­ner, d’autres points très inté­res­sants du Boud­dhisme, que je ne puis déve­lop­per ici : 

    Tout d’a­bord la redé­cou­verte par la phi­lo­so­phie et la science moderne de prin­cipes clai­re­ment énon­cés dans la doc­trine du Boud­dha. — Citons les noms de Von Hart­mann, Scho­pen­hauer, Ost­wald, et plus près de nous : L. de Bro­glie avec sa « Méca­nique ondu­la­toire » ; Hei­sen­berg, avec ses « Rela­tions d’in­cer­ti­tude » et Ein­stein, avec sa « Théo­rie de la Rela­ti­vi­té », qui ne font rien moins qu’af­fir­mer scien­ti­fi­que­ment, mathé­ma­ti­que­ment et expé­ri­men­ta­le­ment, l’im­per­ma­nence du monde phénoménal. 

    En psy­cho­lo­gie, David Hume, John Stuart-Mill, Lich­ten­berg et nos modernes beha­viou­rists nous enseignent la non-sub­stan­tia­li­té du « moi » et sa dépen­dance com­plète vis-à-vis du corps phy­sique et des organes sensoriels. 

    Je n’ai pu par­ler non plus de la « Médi­ta­tion » qui consti­tue le tra­vail de base indi­vi­duel du boud­dhiste ; ni des règles de vie dans les com­mu­nau­tés boud­dhistes ; sujets par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sants pour des indi­vi­dua­listes asso­cia­tion­nistes ou non, mais, dont la vie, comme l’a si bien énon­cé E. Armand, doit tendre à se réa­li­ser telle une oeuvre d’art, épu­rée du vul­gaire, du com­mun et constam­ment en marche vers une per­fec­tion dans tous les domaines. 

Nex­pos


    N.-B. Si quelques cama­rades dési­raient se docu­men­ter plus avant sur le boud­dhisme, je me tiens à leur dis­po­si­tion pour leur indi­quer des livres inté­res­sants et leur évi­ter la lec­ture de trop nom­breux ouvrages trai­tant cette ques­tion d’une façon tout à fait erronée.


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