Mais la pensée intime du grand mouvement qui se traduit par ces manifestations, ― celle qui l’a fait et qui lui donne sa vie ― ne sera pas dans ces discours. Elle sera ailleurs.
Le mouvement est né à Chicago, dès 1886, de l’idée d’une grève générale. Et c’est parce que nos frères, les anarchistes de Chicago, s’étaient lancés corps et âme dans ce mouvement, que la bourgeoisie américaine leur a voué une haine si terrible et les a fait périr sur l’échafaud.
Mais l’idée n’est pas morte. Elle n’a cessé de faire son chemin. Elle continue à travailler les esprits des masses ouvrières.
D’autant plus que l’expérience de ces dernières années a prouvé qu’une grève générale est possible. Il suffit qu’une grande grève frappe une des principales industries de transport ― chargeurs de navires, ouvriers des chemins de fer, ou qu’une grève assez grande éclate dans les mines ― pour que toutes les industries soient paralysées : le chômage fait tâche d’huile et la marche des usines, des manufactures s’arrête.
La cessation générale du travail n’est plus ainsi une simple vision, une fantaisie. À trois reprises on en a été bien près : aux États-Unis, en Angleterre, en Belgique. Et les liens qui, chaque jour, se resserrent aujourd’hui entre travailleurs des deux mondes, la rendent de plus en plus possible.
En Amérique, en Belgique, les travailleurs ne se cachent pas. Ils veulent la grève générale ; et ils préparent l’entente nécessaire. Et l’entente s’établit par-dessus et en dehors, souvent même contre la volonté des vieilles unions de métiers, plongées dans la routine traditionnelle.
Ainsi, les manifestations du 1er mai ne sont pas des mouvement politiques ; encore moins sont-elles l’oeuvre des partis ouvriers. Elles sont nées du travail spontané des masses ouvrières, qui ont entrevu qu’une grève générale sera le commencement de la fin pour le régime bourgeois, et qui cherchent à préparer par ces manifestations du 1er mai, le sentiment de solidarité internationale, nécessaire pour le succès de la grève.
Et les travailleurs ont raison. Si ce mouvement se produit un jour, s’il se répand et se généralise, alors, les masses ouvrières, se sentant unes et puissantes ne se contenteront pas de quelques lambeaux de réformes. Elles se sentiront à même de faire la révolution sociale.
Que les politiciens cherchent à profiter de ce mouvement, ― c’est leur affaire. D’autres qu’eux travailleront à ce qu’il en ressorte la solidarité révolutionnaire internationale. Le travail à faire pour cela est grand ; mais il se fait ― et il se fera !
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