La Presse Anarchiste

Mouvement social

Paris. — Le 1er mai. La célé­bra­tion du 1er mai dimi­nue d’in­té­rêt tous les ans. La classe bour­geoise, à qui cette mani­fes­ta­tion de soli­da­ri­té inter­na­tio­nale cau­sait, au début, une si grande épou­vante, se tra­dui­sant les pre­mières années, par des mesures de pré­cau­tions outrées, constate avec sou­la­ge­ment ce relâ­che­ment, et, reve­nue de sa frayeur, elle en raille pater­nel­le­ment la classe ouvrière. 

    Cepen­dant la situa­tion est tou­jours la même, et le sen­ti­ment qui ins­pi­ra cette mani­fes­ta­tion est loin de s’être éteint. La cause de cette appa­rente indif­fé­rence est ailleurs. 

    Lorsque sur­git, en 1886, cette idée, par­tie on ne sait d’où, d’un repos géné­ral et simul­ta­né de toute l’hu­ma­ni­té tra­vailleuse, elle fut accla­mée uni­ver­sel­le­ment, parce qu’on y voyait comme l’es­sai d’une grève géné­rale d’un jour. C’est ce carac­tère de grève géné­rale qui cau­sa l’en­thou­siasme des tra­vailleurs. Mais depuis, les poli­ti­ciens socia­listes se sont empa­rés de ce mou­ve­ment et en ont réduit la por­tée à la reven­di­ca­tion mes­quine de la jour­née de huit heures. Comme si, parce qu’ils ne tra­vaille­raient que huit heures par jour, les ouvriers n’en conti­nue­raient pas moins d’être esclaves et exploi­tés ! Aus­si, cet idéal rétré­ci, ne leur parut-il pas suf­fi­sam­ment exal­tant, et l’en­thou­siasme tom­ba peu à peu. Les pon­tifes du socia­lisme élec­to­ral, ont dû, à leur grand regret, renon­cer à ces pro­ces­sions solen­nel­le­ment démo­cra­tiques de la Mai­son du Peuple à celle des Dépu­tés, où cha­mar­rés de leur sacer­do­tale écharpe, ils offi­ciaient, che­min fai­sant, le culte des Trois-Huit ; l’un, péné­tré du légi­time orgueil de tout repré­sen­tant du peuple, irra­diant au soleil prin­ta­nier l’é­ven­tail capil­laire d’une toi­son et d’une barbe gali­léennes, tel autre, vivant sym­bole et per­son­ni­fi­ca­tion du char­la­ta­nisme poli­ti­cien, lais­sant, sous sa blouse pro­lé­ta­rienne, émer­ger le bout d’une oreille mal dis­si­mu­lée, sous la forme d’un pan de son invio­lable et bour­geoise redingote. 

    Les ouvriers, vite las­sés de cette comé­die aban­don­nèrent peu à peu ces pitres à leur parade qui, dès lors, ces­sa faute de badauds. 

    Bobèche et Gali­ma­fré se consolent à la cui­sine en pun­chant sec et ferme à la san­té des meurt de-faim. 

    Le peuple recueilli, lui, attend son heure. 

— O — 

ÉPILOGUE DE LA GRÈVE DES OMNIBUS. – Mer­cre­di 1er mai, ont com­pa­ru devant te tri­bu­nal cor­rec­tion­nel plu­sieurs gré­vistes arrê­tés pour « atteinte à la liber­té du tra­vail » et, avec eux, le pré­sident et le secré­taire du syn­di­cat, Proust et Deville, incul­pés d’a­voir, durant la grève,. pris par­ti pour leurs cama­rades. Ce crime leur a valu à cha­cun six mois de pri­son ; c’est pour rien ! Les gré­vistes assa­gis, ren­trés bien sou­mis au ber­cail Cuvi­not, peuvent main­te­nant voir à quoi ser­vit de lâcher ain­si leurs cama­rades, après seule­ment trois jours de chô­mage. La « Jus­tice bour­geoise » n’a su aucun gré à ceux-ci du manque de soli­da­ri­té de ceux-là. 

     Àno­ter encore, les contra­dic­tions qui se sont pro­duites entre les réponses à l’au­dience, de tous les pré­ve­nus, et celles qu’ils avaient été cen­sés faire au juge d’ins­truc­tion. Tous ont pro­tes­té contre le lan­gage qui leur a été attri­bué par ce der­nier. Voi­là, certes, un magis­trat qui nous parait tout dési­gné pour ins­truire des pro­cès d’anarchistes. 

André Girard (Max Buhr)

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