La Presse Anarchiste

La lutte contre la guerre

    Au cas où la Suède serait atta­quée par une puis­sance tota­li­taire, les syn­di­ca­listes liber­taires seraient dis­po­sés à par­ti­ci­per dans le com­bat, décla­ra il y a quelques jours un col­la­bo­ra­teur de l’or­gane socia­liste Mor­gen­tid­nin­gen à Stock­holm après une confé­rence de presse orga­ni­sée par notre quo­ti­dien. « Mais on n’a point expli­qué jus­qu’à quel point on est prêt à aller pour la pré­pa­ra­tion de la défense », ajou­ta l’or­gane socia­liste et déclare qu’on espère une réponse à cette ques­tion de la part de Dag­stid­nin­gen Arbe­ta­ren l’Or­gane de la SAC syn­di­ca­liste liber­taire. Nous tâche­rons de don­ner une réponse. Il peut tou­jours être utile de dis­cu­ter la posi­tion de la SAC vis-à-vis des pro­blèmes de la défense militaire. 

    L’ac­ti­vi­té de la SAC pour la cause de la paix est aus­si vieille que l’Or­ga­ni­sa­tion elle-même. Pro­ba­ble­ment, il n’y a aucun mou­ve­ment dans notre pays qui, pro­por­tion­nel­le­ment, a fait un si grand tra­vail pour la paix et la fra­ter­ni­sa­tion inter­na­tio­nale que la SAC. Cet inté­rêt conti­nue d’exis­ter dans le même degré. La base actuelle pour la lutte de la SAC en faveur de la paix est don­née par la décla­ra­tion de prin­cipes votée en 1952. Dans celle-ci il est consta­té que le mou­ve­ment lutte pour un ordre de droit inter­na­tio­nal fédé­ra­liste qui sup­prime le natio­na­lisme et rend le mili­ta­risme super­flu. Il y est dit en outre que la SAC consi­dère la lutte contre le mili­ta­risme et la guerre comme une des taches cultu­relles les plus impor­tantes, et il est aus­si sou­li­gné que les syn­di­ca­listes membres de la SAC sont par­ti­sans d’ac­tions com­munes des mou­ve­ments popu­laires libres contre la guerre. 

    Dans la réso­lu­tion de tac­tique accep­tée par le congrès de 1953, qui défi­nit et inter­prète le conte­nu de la Décla­ra­tion de prin­cipes dans ce point, que la SAC fait appel à la soli­da­ri­té popu­laire par­tout où il est pos­sible de la mobi­li­ser pour assu­rer la paix entre les peuples par moyen de négo­cia­tions. Au cas où cela ne réus­sit pas, la SAC recom­mande l’ac­tion. directe contre, la guerre. Cela veut dire que la SAC, au cas où le peuple dans le pays qui repré­sente la menace de guerre puisse faire la même chose, tâche­ra d’empêcher la guerre par le sabo­tage de la mobi­li­sa­tion, la grève géné­rale contre le propre Gou­ver­ne­ment, etc. 

    Voi­là l’at­ti­tude connue de la SAC qui a tou­jours été la même. Nous sommes prêts à l’ap­pli­quer sous les condi­tions qui la font pos­sible. Au cas où la situa­tion est tout à fait dif­fé­rente, la tac­tique de la SAC change aus­si. En effet, la situa­tion a chan­gé radi­ca­le­ment depuis l’ap­pa­ri­tion du tota­li­ta­risme moderne, du des­po­tisme nou­veau de notre temps. Nous citons la réso­lu­tion de tactique : 

    « La dif­fé­rence entre la situa­tion sociale de la démo­cra­tie et de la dic­ta­ture est tel­le­ment grande qu’elle acquiert une impor­tance déci­sive pour le syn­di­ca­lisme liber­taire. Le des­po­tisme de l’É­tat liquide tous les mou­ve­ments popu­laires libres et détruit, par cela, les bases de la lutte du syn­di­ca­lisme liber­taire pour la paix (c’est-à-dire la lutte paci­fiste dans ses formes tra­di­tion­nelles). Dans la mesure où une acti­vi­té pour la paix est réa­li­sée sous la dic­ta­ture elle sera l’oeuvre de l’É­tat lui-même. Mais la défense de la démo­cra­tie comme ins­ti­tu­tion est la condi­tion de base non seule­ment pour la lutte paci­fiste du syn­di­ca­lisme liber­taire, mais aus­si pour toute acti­vi­té de notre mou­ve­ment. Voi­là pour­quoi le syn­di­ca­lisme liber­taire prend sans hési­ter le par­ti de la démo­cra­tie s’il s’a­git de la lutte contre la dic­ta­ture dans toutes ses formes. »

     Voi­là l’at­ti­tude de la SAC qui est tout à fait d’ac­cord avec sa posi­tion dans toutes les autres ques­tions. Le syn­di­ca­lisme de la SAC n’a jamais été paci­fiste dans un sens super­fi­ciel ; mais un mou­ve­ment de lutte. Sa lutte se dirige contre toute forme d’in­jus­tice, de vio­lence et d’op­pres­sion. Nous avons démon­tré cela dans la pra­tique. Les syn­di­ca­listes et anar­chistes se sont tou­jours trou­vés dans les pre­miers rangs de la défense contre tout pou­voir d’op­pres­sion, fut-ce de la vio­lence capi­ta­liste de vieux style, du bol­che­visme ou du fas­cisme. Il suf­fit de se sou­ve­nir des ini­tia­tives des syn­di­ca­listes, et des anar­chistes espa­gnols, de leurs impor­tantes inter­ven­tions dans la lutte contre l’a­gres­sion du fas­cisme espa­gnol et des fas­cismes alle­mands et ita­liens. Du sang a cou­lé beau­coup de vies ont été sacrifiées. 

    Mais il faut obser­ver bien l’i­dée de la défense accep­tée par le syn­di­ca­lisme liber­taire. Nous ne lut­te­rons jamais pour « la patrie », pour un ter­ri­toire déter­mi­né. Il s’a­git pour nous des sys­tèmes sociaux sans prendre en consi­dé­ra­tion des fron­tières natio­nales. Le syn­di­ca­lisme liber­taire défend des liber­tés là où il y en a et il se dirige contre l’op­pres­sion d’où qu’elle vienne. « Cela vaut aus­si au cas », pour citer encore une fois la réso­lu­tion. de tac­tique « où le des­po­tisme d’É­tat enva­hit le pays pour écra­ser toute forme de liber­té au sens du syn­di­ca­lisme libertaire ».

     Voi­là quelque chose d’es­sen­tiel pour nous. Le syn­di­ca­lisme liber­taire ne veut pas com­battre des forces oppres­sives qui puissent appa­raître au sein du pays, mais res­ter pas­sif quand il s’a­git d’une oppres­sion qui vienne d’en dehors. Voi­là l’o­ri­gine de la réso­lu­tion de tac­tique de la SAC. Puisque la SAC ne dési­rait jamais jouer le rôle d’un « Qvis­ling » elle était obli­gée d’é­clair­cir ces idées pour trou­ver une posi­tion qui était accep­table devant la nou­velle situa­tion. Déjà en 1938, confron­tée avec la menace de l’hit­lé­risme, la SAC consta­ta qu’une nou­velle situa­tion exi­geait une nou­velle tac­tique et en 1953, la réso­lu­tion de tac­tique que nous venons d’ex­pli­quer fut votée par le congrès natio­nal du mou­ve­ment avec 64 contre 8. 

Article d’E­vert Arvid­sson dans Dag­stid­nin­gen Arbe­ta­ren, légè­re­ment abrégé.

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