La Presse Anarchiste

Noir et Rouge

    L’im­por­tant, c’é­tait de le sor­tir ce pre­mier numé­ro de « Noir et Rouge » cahiers d’é­tudes des Groupes Anar­chistes d’Ac­tion Révo­lu­tion­naire, et sur ce tra­vail de début, il nous sera désor­mais plus facile d’oeu­vrer sérieu­se­ment, de voir où nous allons et com­ment nous y irons. 

    Remer­cions d’a­bord les quelques cama­rades avec les­quels nous avons pu nous entre­te­nir de ce no1 de nos cahiers, leurs encou­ra­ge­ments étant un pré­cieux sou­tien pour la bonne conti­nua­tion de notre tache. Certes, nous avons aus­si reçu quelques cri­tiques, dont nous tien­drons compte au maxi­mum pour les futurs numé­ros. De toute manière, il est essen­tiel pour les rédac­teurs de « N. et R. » d’a­voir les opi­nions de nos cama­rades lec­teurs, bonnes ou mau­vaises. En effet, les quelques anar­chistes-révo­lu­tion­naires que nous sommes ont assez dénon­cé une cer­taine déma­go­gie, mal­heu­reu­se­ment trop employée encore à l’heure actuelle dans nos milieux, pour ne pas se mon­trer par­ti­cu­liè­re­ment vigi­lants envers leurs propres fai­blesses. Ain­si, dans ce deuxième numé­ro, revien­drons-nous plus en détail sur les posi­tions expri­mées par nos cama­rades du mou­ve­ment syn­di­cal-liber­taire sué­dois (S.A.C.) envers les pro­blèmes de la ques­tion ouvrière et de la guerre, étant don­né l’im­por­tance de ces ques­tions et de l’in­té­rêt qu’elles ont pro­vo­qué par­mi la majo­ri­té des camarades. 

    Bien sûr, nous ne pou­vons encore pas, pour l’ins­tant du moins expé­dier « N. et R. » à un nombre énorme de per­sonnes, nous sommes pauvres et ces cahiers ne sont pas un jour­nal, ni même une revue (une de plus) des­ti­née à un impor­tant usage exté­rieur. Comme nous le disions dans notre intro­duc­tion du no1, nous essayons, plus réa­listes, de mettre per­pé­tuel­le­ment au point un bul­le­tin idéo­lo­gique dans lequel et par lequel se dégagent notre doc­trine, nos posi­tions, notre atti­tude enfin, dans la lutte his­to­rique pré­sente. Il s’a­git donc avant tout d’un bul­le­tin idéo­lo­gique (ou de cahiers) d’é­tudes s’a­dres­sant aux mili­tants et sym­pa­thi­sants liber­taires, et par exten­sion natu­relle à toutes les orga­ni­sa­tions et indi­vi­dua­li­tés proches de nos idées. Peut-être nous trou­ve­rons-nous ame­nés à agran­dir le cercle de ces cama­rades aux posi­tions plus nuan­cées ? Tant mieux si nous par­ve­nons à un tel résul­tat. Car le fait de s’ap­pe­ler Groupes Anar­chistes d’Ac­tion révo­lu­tion­naire, s’il n’im­plique pas for­cé­ment l’o­bli­ga­tion de lan­cer des bombes ou de s’a­gi­ter sté­ri­le­ment, pour pré­ci­sé­ment jus­ti­fier l’emploi du mot « Action » (dont l’ac­ti­visme pur et simple est un des plus clas­siques déri­vés), implique for­cé­ment l’o­bli­ga­tion morale d’es­sayer de com­prendre et de faire com­prendre cer­tains pro­blèmes. Certes, loin de nous l’i­dée de repous­ser les acti­vi­tés néces­saires à toute orga­ni­sa­tion lut­tant pour un meilleur ave­nir des exploi­tés (syn­di­ca­lisme, luttes anti­fas­cistes de tout genre, grèves, etc.) mais nous vou­lons dire, qu’il n’est pas d’ac­tion valable sans pen­sée poli­tique sérieuse, et c’est tout. 

    Dans cette pers­pec­tive, nous nous appli­que­rons donc à fouiller au maxi­mum la pen­sée anar­chiste. Il y aura cer­tai­ne­ment des abcès à cre­ver, des tabous à détruire, et toute opé­ra­tion ne va pas sans dou­leur. Contrai­re­ment à beau­coup d’es­prits forts, nous pen­sons que la véri­table force morale ne consiste pas à se cacher la tête dans le sable, et que la véri­té, si pénible soit-elle quel­que­fois, doit être dite. Le mou­ve­ment et la pen­sée liber­taires, après de san­glants échecs et de brillantes vic­toires, stag­nent depuis une quin­zaine d’an­nées. Pour­quoi ? L’a­nar­chisme a‑t-il déjà bou­clé sa boucle, est-il cet épou­van­tail anar­chique et pous­sié­reux dont parlent avec iro­nie la bour­geoi­sie et nos « bons amis » sta­li­niens ? Ou, au contraire notre époque n’est-elle pas encore venue, et le régime dit sovié­tique est-il des­ti­né à s’ef­fa­cer devant une socié­té véri­ta­ble­ment com­mu­niste, la socié­té liber­taire ? Ces quelques ques­tions, par­mi des dizaines d’autres, montrent l’am­pleur des pro­blèmes à étu­dier. Si nous le vou­lons, le tra­vail ne nous man­que­ra pas. 

    Quant aux tabous (les­quels n’existent pas seule­ment chez les autres) dont nous par­lions tout à l’heure, nous avons la ferme inten­tion d’en bous­cu­ler quelques-uns, et sans dou­ceur. Il reste, sur la carte géo­gra­phique liber­taire trop de « terre inco­gni­to » (pour ne pas dire inter­dites). Nous sommes cer­tai­ne­ment tous un peu res­pon­sables de cet état de choses. Il nous fau­dra poser les ques­tions et aus­si don­ner les réponses. Certes, cela per­met-il peut-être un cer­tain déran­ge­ment dans nos bonnes habi­tudes et tra­di­tions, mais est-il un pro­blème, si petit soit-il, auquel l’a­nar­chisme ne puisse don­ner une solu­tion valable ? Une seule réponse néga­tive peut être le pire des dan­gers pour la via­bi­li­té de ce qui demeure, mal­gré tout, notre idéal.

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