Nous ne devons pas recommencer 1918.
On nous avait promis que la guerre pour laquelle étaient partis nos pères serait la dernière.
Depuis, nous avons connu les conflits sino-japonais, la guerre du Riff, celle de Syrie, d’Abyssinie, les événements d’Espagne, sans parler des multiples incidents de frontière polonais, allemands, russes, balkaniques et enfin la guerre mondiale qui n’a pas encore pris fin.
On nous avait dit que le militarisme prussien était à l’origine de tous les conflits et que, débarrassé de lui, l’humanité pourrait vivre la grande ère fraternelle.
Or, la paix n’était pas même conclue que le Maréchal Foch écrivait :
« Les Boches se sont bien battus, je ne retirerait pas leurs armes à d’aussi bons soldats ».
Ce qui fut fait et qui permit vingt ans plus tard de voir « le classique épouvantail » du militarisme prussien à nouveau menacer le monde.
Était-ce pour cela qu’étaient partis nos pères ?
On nous avait dit que l’Allemagne désarmée, toutes les nations du monde désarmeraient à leur tour. (La chose est même écrite en toutes lettres dans certain traité de Versailles.)
Ayant refusé de retirer ses armes à l’Allemagne, tous les gouvernements purent arguer du prétexte de la sécurité pour, non pas maintenir leurs budgets de guerre, mais les élever à des sommes qu’ils n’avaient jamais atteintes dans le passé et qui sont absolument vertigineuses : 70 à 80 pour cent des impôts s’y trouvaient engouffrés et l’on comprend combien le budget de la santé publique et des œuvres sociales pouvait se trouver négligé, abandonné, mis à l’écart.
On nous avait promis qu’un jugement de la guerre et de ses responsables, en particulier du Kaiser, aurait lieu.
Non seulement Guillaume II (qui mourut dans son lit à un âge plus que respectable) ne fut jamais jugé, mais pas davantage il n’y eut de règlement de comptes. La correspondance secrète ne fut jamais mise à jour, les complicités internationales d’avant et de pendant la guerre, politiques ou financières, ne furent jamais dévoilés (au moins officiellement) et jamais inquiétées en tous cas.
Au nom de tous ceux qui sont morts durant la tourmente, au nom des invalides, des blessés, au nom de toute une génération qui n’eut son content ni de corps, ni de coeur, ni d’esprit, la société de demain ne doit pas voir les déshérités ― qui ont payé le plus lourd tribu à la guerre ― végéter dans la misère, le chômage et la souffrance, devant des responsables camouflés et des combinards enrichis.
Ne pas permettre à l’histoire de se renouveler doit être la tâche de tous ceux qui oeuvrent et de tous ceux qui pensent.