La Presse Anarchiste

Anniversaire : Louise Michel

Il y a qua­rante ans, le 10 jan­vier 1905, celle qui fut pour ceux qui la connurent, « la bonne Louise », et pour ceux dont la connais­sance de la véri­té est liée au conte­nu des jour­naux bien-pen­sants et réac­tion­naires, « la pétro­leuse », Louise Michel mou­rait, dans une pauvre chambre d’hô­tel de Mar­seille, d’une pneu­mo­nie contrac­tée au cours d’une tour­née de confé­rences. Cette mort était le sym­bole de son exis­tence, consa­crée tout entière à notre idéal. Cette fin était le cou­ron­ne­ment de la tâche de ce pion­nier, de cette mili­tante de la lutte armée contre tous les pou­voirs oppres­seurs, de cette pro­pa­gan­diste infa­ti­gable qui était encore un « cer­veau » et un « cœur ». 

Com­bien peu se la repré­sentent, aujourd’­hui, telle qu’elle fut ? On s’en tire — ou on s’en débar­rasse — trop sou­vent par cette atti­tude de « réa­liste » que l’on croit être envers la « roman­tique que l’on ima­gine qu’elle fut. Le plus sou­vent, cette atti­tude est dic­tée par l’i­gno­rance. Certes, mal­gré la répres­sion et la haine, on trou­vait encore, en ce temps, du dés­in­té­res­se­ment et de la bon­té. Et chez elle, ces qua­li­tés, aujourd’­hui dédai­gnées, pré­do­mi­naient, mais elles n’é­taient pas tout. Celui qui veut la connaître, qu’il ne lise pas seule­ment ses écrits, s’il les trouve, qui, à part ses « Mémoires », qui s’ar­rêtent d’ailleurs à 1885, et sa « Com­mune », ne lui don­ne­ront qu’une vue frag­men­taire et incom­plète de ses pré­oc­cu­pa­tions, de son idéal et sur­tout de son action. Qu’il se penche plu­tôt sur sa vie et, s’il pos­sède un cœur ardent et dés­in­té­res­sé, il y trou­ve­ra une Vie, une vraie, bien rem­plie et non une suite de jours, une Vie faite d’ab­so­lu, d’i­déal, consa­crée jus­qu’à la mort même, à 70 ans, à la cause de notre Révo­lu­tion. De l’en­fant à l’é­du­ca­trice, de l’in­fir­mière de la Com­mune à la com­bat­tante des bar­ri­cades du déses­poir, de l’o­ra­teur à l’é­cri­vain, de la mili­tante à la femme, il ne ver­ra pas une seconde de cette exis­tence qu’elle n’ait employée à une connais­sance plus par­faite de soi-même, à un don total pour l’é­man­ci­pa­tion maté­rielle, intel­lec­tuelle et morale de l’homme. 

Nous aurons pro­chai­ne­ment l’oc­ca­sion de reve­nir sur cette vie, de mon­trer l’ac­tua­li­té de son ensei­gne­ment. Aujourd’­hui, qu’il nous suf­fise, en ce qua­ran­tième anni­ver­saire de sa mort, de rap­pe­ler son sou­ve­nir à ceux qui l’aiment, d’é­veiller la curio­si­té de ceux qui l’i­gnorent ou la mécon­naissent. Et d’é­vo­quer aus­si cette liber­taire, cette anar­chiste qui, par son cou­rage comme par son abné­ga­tion, par ses souf­frances comme par ses sacri­fices, par sa bon­té comme par son hon­nê­te­té sur­vit, après qua­rante ans, aux juges qui la condam­nèrent, aux ministres qui la gra­cièrent et dont elle refu­sa l’au­mône déri­soire, et enfin aux lâches qui essayèrent de la salir. 

La Presse Anarchiste