L’Italie fascistes
Comment le fascisme est-il arrivé ?
Le fascisme, comme chacun sait, est né en Italie en 1922, des suites de la guerre 14 – 18. L’Italie est appauvrie, elle n’a qu’une industrie de transformation. Pour avoir des matières premières, elle manque de devises et, à cause du chômage, le prolétariat italien montre une inquiétante activité révolutionnaire. L’Italie va-t-elle devenir une seconde Russie ? La finance internationale, qui pourrait pallier au désordre économique, veut des clients plus sérieux.
La banque, la grosse industrie, la haute bourgeoisie trouvent leur homme en Mussolini ; mais à défaut de Mussolini, elle en aurait trouvé un autre ; car le fascisme n’est pas le régime édifié par un homme, par un clan ou par un parti ; mais par le système capitaliste lui-même.
La preuve : l’Italie fasciste trouve des capitaux dès le début. Capitaux prêtés par des pays démocratique, en l’occurence (emprunts Morgan).
L’homme par lui-même n’est rien. Ainsi, Mussolini exerçait, paraît-il, un pouvoir absolu. Eh bien ! non. Tant que Mussolini soutenu par le capitalisme italien lui donnait en retour la sécurité vis à vis de la classe ouvrière, des « affaires » rentables : conquête de l’Abyssinie, grosses commandes, on le laisse opérer à sa guise. Or, il a fait une gaffe, et de taille. En Juin 40, la France est abattue, l’Angleterre menacée, l’Allemagne fait figure de nation victorieuse. C’est le moment de prendre une part du gâteau. Le capitalisme italien exulte ; il laisse les mains libres au duce. Celui-ci joue… et perd ! Vous connaissez la suite, comment on l’avait mis sous clefs, et l’enlèvement héroï-comique.
L’Allemagne nazie
Quoiqu’il en soit, le fascisme implanté en Italie par force arrive en Allemagne onze ans plus tard. L’Allemagne vaincue paye un lourd tribut. Son cheptel déjà bien faible est encore réduit par les impositions des vainqueurs.
Elle a eu faim au cours de la guerre ; elle aura faim encore après la guerre par suite du blocus économique succédant au blocus militaire. Les travailleurs, les petites gens sont très touches, par la faillite monétaire. Le chômage est effrayant. Les ouvriers s’organisent dans les syndicats en nombre considérable. Il faut trouver une solution, autrement on ne sait ce qu’il adviendra. Déjà les capitalistes allemands avaient formé un organisme paramilitaire (casques d’acier) mais Hitler, plus dynamique, devait l’emporter grâce à ses principaux bailleurs de fonds (firmes Krupp, Thyssen et Skoda, filiale française de Schneider).
Hitler, battu en 1932 par Hindenburg aux élections présidentielles, ayant malgré tout réuni un nombre respectable de voix, est nommé premier ministre par son rival de la veille et prend le pouvoir d’une façon légale. Maintenant qu’Hitler a perdu, qui commande en Allemagne ?
L’Espagne
Tout le monde se souvient de l’affaire espagnole et d’autres camarades en parleront dans le Lib. plus pertinemment que moi, Encore nous faut-il constater que le prolétariat espagnol donnait des signes d’agitation : il fallait absolument lui barrer la route.
La France « républicaine »
Et pendant ce temps, en France, les ouvriers continuaient à penser : Le fascisme ne pourrait pas exister ici ».
Cependant, depuis la crise économique mondiale, la classe ouvrière aussi marquait de l’énervement. Les divers aspirants dictateurs : Weygand, Chiappe et de La Rocque ayant échoué, le fascisme essayait de s’implanter quand même, par la ruse.
Les gouvernements B1um, Chautemps préparent le lit à Daladier, chef d’un parti « anti-fasciste » qui, en compagnie de Paul Reynaud, fait une large politique de répression. Qu’on en juge.
Daladier et Reynaud s’attaquent aux 40 heures, une des meilleures conquêtes ouvrières. Si dans les pays fascistes le droit de, grève est aboli, Daladier l’abolit en fait en brisant militairement la grève des usines Renault. Il fait même emprisonner des ouvriers en bloc, sans preuves et, à la reprise du travail, les ouvriers trouvent la garde mobile qui les surveille. C’est. déjà raide, mais il y a mieux. Si dans les pays fascistes les Chambres sont abolies, Daladier, lui, proroge les élections de deux ans, en attendant mieux et afin de garder le pouvoir.
Lui qui s’était présenté devant ses électeurs comme un champion de la liberté, il dissoudra un parti politique avec lequel il était auparavant allié.
Que les pays à dictature instituent chez eux le travail obligatoire, ils trouvent un imitateur dans notre gouvernement d’avant-guerre qui réquisitionne et mobilise les cheminots pour faire avorter la grève du 30 Novembre 1938, et la veille de la guerre, il mobilise des femmes dans certaines industries et plus d’une passera le conseil de guerre pour absence illégale au travail. Voilà la situation de la classe ouvrière française quand elle est partie pour la guerre « antifasciste ».
Guerre capitaliste
Les libertaires, profondément antifascistes, n’ont ménagé ni leur peine ni leur sang en Espagne. C’est que là ils faisaient à la fois la guerre et la révolution. La classe ouvrière essayait de prendre en main son destin. Dans la guerre actuelle, ce n’est pas la classe ouvrière qui tient les rênes, mais les gouvernements ; la situation n’est donc pas comparable.
Et maintenant une histoire de fous.
Tout le monde, tous les partis prévoyaient la guerre depuis déjà longtemps. Quant aux gouvernements, ils étaient fixés.
Le Comité des Forges alimentait l’Allemagne en minerai. Ce sont des fascistes, direz-vous. Peut-être ; mais il ne pouvait faire cela qu’avec le consentement des divers gouvernements français.
Le journal L’Humanité menait une vraie campagne contre les magnats du Comité des Forges. Celui-ci, en retour, nous révéla que le manganèse est absolument indispensable pour la guerre et que la Russie en livrait à l’Allemagne de très grosses quantités.
Tout le monde se souvient du litige violent qui opposa le Naphta Syndicat russe aux services financiers italiens qui décident de geler les crédits russes.
Drôle de guerre. On a mobilisé en 39 pour garantir les frontières de la Pologne et voilà qu’il est question de la déplacer. Drôle de guerre et drôle de paix.
Régimes de demain
Si à la veille de la guerre, le fascisme essayait de s’implanter dans toute l’Europe, il ne faudrait pas croire qu’il sera anéanti par la disparition d’Hitler et de Mussolini.
Au milieu des ruines accumulées sur le monde, l’occasion sera belle de parler de mesures nouvelles.
Il est d’ailleurs, curieux de voir que pays fascistes et pays antifascistes déclarent également vouloir démolir les trusts. Dans les deux camps, pour demain on promet le « socialisme ».
Le « socialisme » sera de relever les ruines avec des méthodes de travail « anticapitalistes ». Déjà le ministre Mendès-France nous a prévenu qu’avec les méthodes d’avant-guerre, nous en aurions pour quinze ans. Ce pourrait donc être la fin effective des 40 et même des 48 heures. On prendra prétexte de la ruine du pays pour fixer les salaires dans les prix doux, on fera appel à « l’esprit réaliste » des dirigeants de la C.G.T.
Déjà, en Belgique, en Grèce, on essaie de mâter la classe ouvrière par la force.
Nous en sommes là !