Je suis libre ! Tu es libre ! Nous sommes libres !
Quelle chose magnifique ! Pouvoir penser ce que l’on estime juste ! Pouvoir dire ce que l’on pense ! Pouvoir écrire ce que l’on dit !
Après le pain, la liberté est vraiment la plus belle nourriture de l’homme.
Je voudrais trouver un troisième mot. La Paix ?
C’est du plagiat. J’ai déjà entendu ça. Je ne sais plus où, mais je suis certain de l’avoir entendu !
Alors, mettons : Justice.
Voilà : le Pain ! La Liberté ! La Justice !
Mais on ne peut tout avoir à la fois. Et pour le moment enivrons-nous de liberté.
Libre ! Nous sommes libres ! Tu es libre ! Je suis libre !
– O –
Jamais, non jamais, ce peuple ne saura, comme il convient, remercier les hommes qui lui ont rendu ce bien précieux entre tous : la Liberté !
Partout ce mot résonne, frappe nos regards, nous poursuit.
À longueur de journée la radio le clame , la voix vibrante des gouvernants actuels le lance sur la cité, sur le pays tout entier ; les journaux l’impriment en toutes sortes de caractères.
Ded Rysel, la concierge du 22, le bougnat du coin, le facteur, le mécanicien, le juge et le soldat le crient : « Libres ! Nous sommes libres ! »
Il y a bien quelques mécontents, quelques insatiables qui prétendent que…, qui insinue ceci…, qui affirment cela !…
Mais quoi ! Il est si facile de leur répondre :
« UN PAYS EST LIBRE QUAND SA PRESSE L’EST ».
Or, nôtre presse est libre n’est-ce pas ? Alors ?
Et, la preuve que nôtre presse est libre, c’est que tous les journaux ont le droit de paraître.
C’est que, si je veux, je puis dire que j’ai froid, et que je vois, avec angoisse, l’hiver arriver.
Je peux dire aussi que ce siècle est un siècle de fous et de malhonnêtes gens. Parce qu’un vingtième siècle qui n’a su organiser que le froid, la faim, la torture, la délation, les ruines et la mort…
N’est-ce pas ?
Je peux dire aussi que l’épuration n’est qu’une vaste escroquerie. Que par exemple le fait d’avoir arrêté Sacha Guitry est un acte odieux et que celui de le relâcher est un acte ridicule… (Pantins et girouettes).
Je peux dire encore que si vraiment Georges Claude est l’inventeur du V1, je me demande pourquoi on ne le pique pas. Comme on devrait piquer tous les savants qui mettent la Science au service de la Mort.
… Je peux écrire que le patriotisme est vraiment une chose curieuse. Au nom des mêmes soi-disant principes, les patriotes se jugent, s’étripent, se pillent, se salissent les uns les autres. Avec les mêmes mots, avec les mêmes fausses raisons, avec la même musique, pour les mêmes buts. Qui ment ?
Je peux écrire encore qu’aucune solution vraiment honorable du grand problème humain ne sera apportée par ce jeu de massacre. Que tous les milliards que l’on trouve pour détruire seraient mieux employés pour bâtir.
Je peux aussi affirmer qu’une immense odeur de combine plane sur la terre toute entière. Ça sent le pourri et le malheur des hommes !
Que l’Église à fait faillite !
Que si vraiment un homme veut enfin trouver un peu de bonheur, il doit venir à nous. Que seuls, nous sommes logiques. Et que la Justice est de nôtre côté.
Que le contraire de « liberté » c’est « esclavage ».
Si je ne pouvais pas écrire tout cela, c’est que je serais en esclavage.
Chose impossible. L’esclavage est mort.
Alors, nous sommes libres ! Tu es libre ! Je suis libre !
Vive la Liberté !
P.S. ― Et la preuve formelle que nous sommes vraiment libre, c’est que « LE LIBERTAIRE » est envoyé à ses abonnés sous pli fermé.