Capitalistes et meurt-de-faim
À propos de l’arbitrage obligatoire.
Si la loi est votée, M. Resseguier de Carmaux annonce qu’il fermera son usine. Il n’est pas le seul, prétend-il.
« J’ai déjà entendu plusieurs industriels émettre l’idée de fermeture des usines le jour où cette loi serait promulguée, et, pour ma part, j’y souscris des deux mains, je suis tout disposé à mettre la clé sous la porte… »
On créera des coopératives de production, voilà tout.
M. Motte, le grand usinier du Nord, déclare ce qui suit :
« Je suis toujours très heureux de faire droit moi-même à la moindre réclamation de mes ouvriers DÈS QUE je la trouve justifiée. »
Juge et partie, quoi !
En attendant que M. Resseguier ferme ses usines et tandis que M. Motte prétend à l’infaillibilité, on meurt toujours de faim à Paris, à preuve ce malheureux vieillard de quatre-vingt-sept ans, André Huttner, et ce pauvre tôlier d’Essonnes, Brault, mort de faim à vingt-cinq ans en pleine fleur de l’âge.
« J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger » ― pas dans la personne de ces deux malheureux-là, en tout cas : chrétiens, mes frères, frappons-nous la poitrine, efforçons-nous de transformer au plus vite cette société égoïste et maudite.
La danse des millions
On vient de mettre en chantier deux cuirasses qui nous coûteront SOIXANTE-DOUZE millions et qui ne seront forcément bons à rien d’ici quelques années, puisque les Anglais mettent cette année même à flot sept cuirassés filant 19 noeuds, tandis que les nôtres en chantier, ne fileront dans six ans que 18 noeuds.
Pendant ce temps, il meurt, faute de soins, 150.000 phtisiques par an en France que le dixième peut-être de cette somme suffirait à arracher à la mort !
Contre l’alcoolisme
La Feuille fédérale de Zurich publie le rapport du Conseil fédéral et ceux des gouvernements cantonaux sur l’emploi de la dîme du monopole des alcools.
378.857 francs ont été consacrés à lutter contre les effets de l’alcoolisme, 188,804 francs ont été affectés à la lutte contre les causes du fléau, et 258.280 à des destinations qui en visent aussi bien les causes que les effets.
Pouvons-nous nous entendre ?
« En dehors même du terrain économique, domaine propre du socialisme, dit Pierre Quillard (en réponse à une enquête publiée dans l’Avant-Garde), l’accord semble exister dès maintenant et peut devenir plus étroit encore sur plusieurs points.
- Lutte contre le militarisme ;
- Lutte contre les préjugés nationalistes et les haines de peuple à peuple ;
- Lutte contre les atrocités commises, encouragées ou tolérées par les gouvernements bourgeois : même lentes, par la misère dans les bagnes industriels, tueries coloniales, par extermination rapide des indigènes, tueries autocratiques d’Arménie et d’ailleurs ;
- Lutte coutre l’alcoolisme considéré surtout comme effet de la misère et comme cause d’asservissement du prolétariat ;
- Lutte contre la réglementation de la prostitution.
Voilà, semble-t-il, des questions d’humanité générale ou, pour reprendre les termes de votre enquête, « tous les hommes de bien vouloir et de bonne foi » peuvent collaborer.
Il suffit qu’ils veuillent bien oublier les dogmes étroits, religieux ou économiques et de se souvenir qu’avant d’être chrétiens ou socialistes, ils sont « hommes » et que cela seul importe ».
Les évadés
La Raison publie une liste « d’évadés », de « défroqués » qu’il est intéressant de connaître, les voici.
J.-J. Rousseau, Diderot, Turgot., Siéyès. Gobel, Thomas Lendet, Talleyrand, le curé Meslier, Lamennais, l’abbé Migne, l’abbé Constant, Renan, Le Pisse Hyacinthe, Raspail, M. Ledrain,. M. Victor Charbonnel, M. B. Guinaudeau, M. A. Bourrier, etc., etc.
Comme on peut le voir, les prêtres qui se débarrassent du joug de Rome ne sont pas en mauvaise compagnie et près de cinq cents l’ont fait ces dernières années.
L’exemple des fumeurs
De B. Tournier dans l’Écho de la Vérité :
Il est encore un motif qui devrait, à lui seul, faire renoncer à l’usage du tabac, si innocent qu’il paraisse : c’est que le fumeur comme le buveur, transmet presque toujours ce besoin à ses enfants, soit par prédisposition, soit surtout par l’exemple : car on a beau l’exhorter, le jeune homme ne peut pas croire qu’une chose d’un usage si général, adopté par son père même, ou son frère aîné, soit aussi mauvaise pour lui qu’on le dit.
Généralement donc, du père, l’usage passe aux enfants ; ils sont pris successivement : les aînés sont déjà fumeurs, le plus jeune s’exerce en cachette. Ils adoptent ainsi une habitude à laquelle ils n’auraient peut-être même pas pensé, tant elle est peu naturelle. C’est, du père qu’ils s’autorisent surtout ; et il a manqué au devoir du bon exemple à donner, en tout bien, à ses enfants.
Un mot de Michelet
Le Jésuitisme, l’esprit de police et de délation, les habitudes de l’écolier rapporteur une fois transportés du collège et du couvent dans la société entière, quel hideux spectacle ! Tout un peuple vivant comme une maison de jésuites, c’est-à-dire du haut, en bas occupé à se dénoncer. La trahison au foyer même, la femme espion du mari, l’enfant de la mère… Nul bruit, mais un triste murmure, un bruissement de gens qui confessent les pêchés d’autrui, qui se travaillent les uns les autres et se rongent tout doucement. (Des Jésuites).