Il parait que certains grands magasins parisiens ont mis en vente, au rayon des jouets, de petites mitraillettes en bois qui obtiennent un succès fou auprès de leur jeune clientèle. Voilà où nous en sommes après six années d’une hécatombe effroyable, où l’enfance a cruellement pâti, tantôt des faits de guerre eux-mêmes, tantôt à cause d’une sous-alimentation meurtrière ! Et comment peut-il se trouver des mères assez inconscientes pour mettre aux mains de leur progéniture des jouets, fusils, mitraillettes, canons, avions et autres symboles de tueries et de massacres ? Ont-elles oublié l’angoisse qui les étreignait quand retentissait le lugubre avertissement des sirènes et que, proche ou lointain, le bruit de la chute des engins tombant du ciel les faisait trembler de tous leurs membres ? Ce ne sont que des jouets, mais n’entendez-vous pas sortir de chacun deux ce cri : « Par moi, un enfant comme toi a été assassiné ». Est-il possible que l’inconscience maternelle soit poussée si loin que les mères ne comprennent pas que c’est par leurs enfants qu’il faut commencer si l’on veut détruire la psychose belliciste ? Quant aux mercantis qui exploitent l’instinct de tuerie latent chez la petite bête humaine, ce sont des misérables et les « exploités » qui confectionnent ces jouets ne valent pas mieux. D’ailleurs, l’inconscience ne gouverne-t-elle pas ce monde de désaxés et de détraqués moraux et intellectuels ? Candide