La Presse Anarchiste

Courrier

Je t’en­voie quelques réflexions sur le der­nier numé­ro de La Lan­terne Noire, pro­ba­ble­ment plus parce que je vous connais que pour le canard lui-même. Disons tout d’a­bord que pour mes besoins, je le trouve trop théo­rique. Non pas que je refuse la théo­ri­sa­tion, mais je ne la désire pas si abs­traite. L’é­ti­quette même « anar­chiste », je la trouve non seule­ment inutile, cloi­son­nante, mais sur­tout mys­ti­fi­ca­trice, trop vieille, trop insi­gni­fiante. En tout cas, ce genre de lan­gage, de mot, n’a plus de sens pour moi ni autour de moi. Ne s’a­git-il que de mot ? Ou bien le dra­peau auquel s’ac­crochent des gens qui perdent pied, qui ont peur d’i­ma­gi­ner, d’in­no­ver, de débus­quer encore un peu les rouages, la récu­pé­ra­tion… et cela à tra­vers leurs luttes col­lec­tives, ou leur démarche indi­vi­duelle ? Enfin, je ne sais pas si c’est important.

Bien sûr ma cri­tique implique la ques­tion de ma par­ti­ci­pa­tion à ce que vous écri­vez. Mais j’ai du mal à par­ti­ci­per à un truc dont je ne connais pas la vie des gens en ques­tion. Il s’a­gi­rait alors d’une coopé­ra­tion théo­rique. (…) Ce qui m’a appor­té c’est le débat sur la lit­té­ra­ture sur Lip. Je trouve que vous met­tez le doigt là où c’est néces­saire, mais je trouve que c’est con de trop s’é­tendre. Je com­prends que pour vous dis­cu­ter des posi­tions de Néga­tion, du Mou­ve­ment Com­mu­niste, d’Uto­pie, etc, ça peut être impor­tant, mais je n’ai plus envie de ce genre de débats. C’est don­ner trop d’im­por­tance aux théo­ri­ciens qui effec­ti­ve­ment se sentent (et font sen­tir aux autres) au-des­sus de la mêlée, en dehors des contradictions. (…)

Un débat par contre sur la vio­lence et sur la lutte armée, ça me semble concret et oppor­tun, mais sans prendre pour base ou pré­textes les actions des GARI ou autres groupes orga­ni­sés, clan­des­ti­ni­sés, et par­fois pro­fes­sion­na­li­sés. De plus en plus de copains et de gens se posent ce pro­blème. Mais tout cela est très écla­té, très dis­per­sé, c’est nor­mal et d’au­tant plus inté­res­sant. En tout cas je n’ai pas envie d’un « débat » mys­ti­fi­ca­teur de la « vio­lence » (elle est par­tout, quo­ti­dienne) et de la « contre-vio­lence » celle des héros, des vedettes, des types qui se donnent les moyens de leurs exi­gences et qui sont récu­pé­rés par le spec­tacle, les jéré­miades sans fin sur « l’ar­mée de guerre civile ». Les ins­ti­tu­tions éta­tiques (« droite » ou « gauche ») sont bien là pour répri­mer quo­ti­dien­ne­ment le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire qui se radi­ca­lise et s’é­lar­git, mais la vio­lence bour­geoise est omni­pré­sente, y com­pris par­mi nous, en nous. Les sché­mas sim­plistes, « classe contre classe », les « bons » contre les « méchants » ne sont pas les vraies bases de dis­cus­sions, et sur­tout d’action.

(…) Il y a actuel­le­ment 4 ou 5 grèves à Tou­louse, plus celle de Ber­ge’s, à 40 km au sud, mais peu de liens. On se bat pour le salaire, l’emploi. Et à la CII, c’est tel­le­ment dur et limi­té que la prin­ci­pale reven­di­ca­tion, concer­nant une cen­taine de tem­po­raires a été aban­don­née. Pour­tant les gens com­mencent à se poser des ques­tions au-delà de la reven­di­ca­tion sala­riale ou de la peur fan­tas­tique de perdre l’emploi. À une réunion la semaine der­nière où il y avait des mecs de Badin, CII et SNIAS, sur­tout de la CFDT, on est res­té nom­breux à dis­cu­ter du tra­vail sala­rié en tant qu’ac­ti­vi­té essen­tielle, cen­trale, du capi­ta­lisme. Cha­cun en est venu à avouer la conne­rie de la pro­duc­tion en tant qu’acte entiè­re­ment impo­sé par le pro­fit, et de la vie quo­ti­dienne dans son ensemble. Il paraît qu’à la SNIAS, de plus en plus de mecs com­mencent à se sen­tir mal à l’aise face aux syn­di­cats, qui demandent aux mecs de crier « sau­vons Concorde », en sous-enten­dant en plus, les Mirages, et toutes leurs conne­ries der­rière ! La CGT sur­tout, c’est vrai­ment une orga­ni­sa­tion capi­ta­liste, régu­la­trice, encore plus dan­ge­reuse que d’autres ins­ti­tu­tions. Mais atta­quer les syn­di­cats, c’est très dif­fi­cile, même quand on a tra­vaillé dans une boîte.

Ça me rap­pelle un arrêt de tra­vail sans motif que l’on avait fait au dépôt Épargne à Tou­louse, en 72, pen­dant une heure et demie, à 30 mecs. Contre­maîtres, direc­tion, puis syn­di­cats sont venus nous implo­rer de reprendre les cha­riots. C’é­tait vrai­ment spon­ta­né et sym­pa, cet arrêt, pour souf­fler, dis­cu­ter, fumer… et ça se pas­sait dans l’en­droit de la pause de 10 heures : les chiottes !

Un cama­rade de Toulouse.

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Je suis assez d’ac­cord avec le conte­nu de votre texte « nos points com­muns » bien que je doute de son uti­li­té ; les plates-formes poli­tiques n’in­té­ressent pas les lec­teurs qui ne sont pas habi­tués à la vie des petits groupes poli­tiques. Quant à son uti­li­té pour la consti­tu­tion d’un groupe publiant une revue, elle est plus que dou­teuse. Comme vous le dites il est illu­soire de croire qu’un groupe puisse trans­for­mer, dans la socié­té actuelle, ses rela­tions internes ; il subit les mêmes merdes, luttes pour le pou­voir, etc. que dans n’im­porte quel autre regrou­pe­ment et la plate-forme risque seule­ment de mas­quer ces merdes qui n’ont rien de par­ti­cu­lier sous pré­texte qu’elles affectent un groupe poli­tique ; elle risque seule­ment d’en fixer les règles. D’un côté il y aura les « anar­chistes » de l’autre ceux qui refusent de se dire anar­chistes, etc. (sans vous offen­ser à la lec­ture de votre pre­mier numé­ro on avait l’im­pres­sion que vous pre­niez bien soin de mettre en place les oppo­si­tions destinées 

La logique de groupe est obli­gée de jouer dès qu’on se met à plu­sieurs pour faire une revue, mais ça ne sert à rien de la mas­quer par les « plates-formes poli­tiques ». Peut-être que la solu­tion se trouve, contrai­re­ment à ce que vous dites, dans une cer­taine défense de l’in­di­vi­dua­lisme, dans le refus de consti­tuer un groupe poli­tique. Des rela­tions affi­ni­taires sont déjà assez com­pli­quées comme ça sans qu’on essaie de les régler par le jeu de la dis­cus­sion poli­tique, jeu qui n’ex­pli­cite en rien la réa­li­té de ces rela­tions affi­ni­taires (ce qui per­met­tra tou­jours à une frac­tion du groupe de choi­sir pour éten­dard dans les joutes de réunion de déca­lage, comme le fait Claude dans son texte du numé­ro 2).

Que des indi­vi­dus se trouvent d’ac­cord pour faire une revue c’est déjà pas mal ; on peut espé­rer qu’ils pour­ront s’y expri­mer « indi­vi­duel­le­ment » tout en déve­lop­pant, au fil des numé­ros et des articles, une manière de voir les choses assez com­mune, sans pour autant pondre, à plu­sieurs, en une page et demie et en préa­lable, ce qu’ils veulent dire par la suite. Si leur point de vue indi­vi­duel, c’est-à-dire pro­duit par leur vie indi­vi­duelle, propre à cha­cun, et non par la serre chaude et folle du groupe, ne cor­res­pondent pas, ils se sépa­re­ront, la revue crè­ve­ra ; mais de toute façon la plate-forme de départ ne l’empêchera pas de cre­ver au contraire, puis­qu’aux diver­gences indi­vi­duelles elle ajoute la lutte pour le pou­voir, pour l’a­mour dans le groupe, la lutte pour le droit à for­mu­ler la « plate-forme » juste.

À moins, bien sûr. que la revue ne soit le pré­texte au jeu sub­til et exci­tant de la vie en groupe poli­tique. Dans ce cas il faut bien en res­pec­ter les règles…

Si je vous dis tout ça, c’est bien sûr parce que je suis à 500 km et que je ne vous connais pas.

Contrai­re­ment à ce que dit Claude dans le numé­ro 2, je pense que vous avez tout à fait rai­son de poser, comme le mou­ve­ment anar­chiste l’a tou­jours fait, (c’est pour ça qu’on l’ap­pelle anar­chiste), l’im­por­tance de la ques­tion de l’É­tat et de la néces­si­té d’une lutte anti­éta­tique pour réus­sir à trans­for­mer l’ordre exis­tant. C’est effec­ti­ve­ment extrê­me­ment dom­mage qu’en disant cela on ait l’air d’être des nos­tal­giques d’un cou­rant d’i­dée qui a dépé­ri et des uti­li­sa­teurs de notions écu­lées, mais on n’y peut rien, les mots ne sont pas si nom­breux que ça et on ne peut pas les trans­for­mer comme on veut pour paraître nou­veau. Le pro­blème est de savoir s’il est vrai que les notions d’É­tat, de pou­voir poli­tique, d’au­to­ri­té, etc., per­mettent de com­prendre (ce ne sont pas les seuls) les méca­nismes de l’op­pres­sion de classes qui règne depuis si long­temps dans l’en­semble des socié­tés et dont nous subis­sons les effets dans notre vie, à une place indi­vi­duelle limi­tée il est vrai, mais c’est pour ça que j’en parle (entre autres choses).

Pour moi l’im­por­tance de ces notions ne fait pas de doute, non parce que j’ai lu les grands auteurs anar­chistes, je ne les ai lus que très peu, mais parce que depuis 60 ans des évé­ne­ments sociaux se sont pro­duits (fas­cisme, socia­lisme russe et chi­nois, luttes de libé­ra­tion natio­nales…) qui ne peuvent pas, à mon avis, s’ex­pli­quer sans uti­li­ser prin­ci­pa­le­ment ces notions ; et parce que la masse de docu­men­ta­tion his­to­rique dont nous dis­po­sons actuel­le­ment, fait appa­raître clai­re­ment l’im­por­tance du poli­tique dans l’or­ga­ni­sa­tion des socié­tés de classes, et en par­ti­cu­lier l’im­por­tance de cette forme par­ti­cu­lière d’op­pres­sion sociale que consti­tue l’État.

Que les grands pen­seurs anar­chistes l’aient déjà com­pris, sans dis­po­ser des maté­riaux per­met­tant une éla­bo­ra­tion théo­rique plus pous­sée, c’est tout à leur hon­neur ; qu’ils datent, c’est cer­tain, mais je ne vois pas en quoi ça doit nous empê­cher de déve­lop­per les mêmes idées, si elles sont justes, en essayant d’é­la­bo­rer davan­tage leurs impli­ca­tions théo­riques. Ce qui me semble possible.

Reste la qua­li­fi­ca­tion d’a­nar­chiste. C’est une notion char­gée de valeur et d’af­fec­ti­vi­té, liée à un mou­ve­ment his­to­rique qui est der­rière nous, et c’est vrai que ça joue (pour la refu­ser ou l’ac­cep­ter), mais dans la mesure où elle défi­nit très bien la volon­té de cri­ti­quer le rôle du pou­voir poli­tique et de l’É­tat dans le fonc­tion­ne­ment des socié­tés de classes et d’op­pres­sion, je ne vois pas pour­quoi je la refu­se­rai, à condi­tion qu’elle se mette à dési­gner une véri­table cri­tique, une cri­tique actuelle, et non la répé­ti­tion mono­tone et reli­gieuse d’un pas­sé qui est mort.

Sur ces bonnes paroles, bien amicalement.

D. C. (Inf. Ras. à Lyon)

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Un mot au pas­sage sur le choix du titre. Je crois que votre choix est judi­cieux ; la réfé­rence à un « isme » ne me semble pas inutile dans le cas d’une revue s’a­dres­sant à des lec­teurs déjà sen­si­bi­li­sés poli­ti­que­ment. Elle éco­no­mise pas mal de répé­ti­tions et fait l’é­co­no­mie de cer­taines incom­pré­hen­sions. En gros cela revient à un « on sup­pose connu ».

Le risque de « cacher » blo­quer… en bon fran­çais de heur­ter n’existe que quand on s’a­dresse à la masse des lec­teurs qui ne sont guère inté­res­sés par la poli­tique et dont le bagage dans ce domaine est sur­tout riche de cli­chés réactionnaires.

Pour prendre un exemple vécu, le sta­li­nien que j’é­tais encore il y a quelques années aurait sans le moindre doute été blo­qué par votre titre. Il y avait d’a­bord un tra­vail de réédu­ca­tion à faire. « Char­lie-heb­do » s’en est char­gé en dou­ceur. Main­te­nant, j’ai besoin de quelque chose de plus. La Lan­terne tombe très bien.

Un cama­rade de Paris

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… Pour­quoi ne faites-vous pas une mise au point sur ORA, OCL, CERCA, etc. Est-ce que, parce que vous n’en par­lez pas, ces gens-là, n’existent pas ? Il serait inté­res­sant de voir les sub­tiles dif­fé­rences, sinon quoi ? l’es­prit de secte ?

Y. B.

Réponse

Quelle mise au point pou­vons-nous faire sur ORA, OCL, CERCA, etc. ? Nous l’a­vons dit dans notre pré­sen­ta­tion, nous avons fait cette revue parce que nous ne nous recon­nais­sons com­plè­te­ment dans aucun groupe révo­lu­tion­naire ; c’est-à-dire que nous avons bien enten­du des diver­gences. Cer­taines, nous les connais­sons bien, d’autres moins, ques­tion de sen­si­bi­li­té, de manière d’a­bor­der les pro­blèmes peut-être.

Est-il besoin de consa­crer un numé­ro spé­cial à ces diver­gences ? Ces gens-là existent, nous le savons, nous le recon­nais­sons, et nous les ren­con­tre­rons un jour (si ce n’est déjà fait). Nos diver­gences avec eux appa­raî­tront au lec­teur par les posi­tions que nous pren­drons sur dif­fé­rents pro­blèmes. Bien enten­du, s’il le faut, nous ten­te­rons de nous situer plus pré­ci­sé­ment par rap­port à l’his­toire du mou­ve­ment libertaire.

En outre, et ceci est fon­da­men­tal, nous ne sommes pas de ces groupes dits « radi­caux », qui pensent que l’en­ne­mi prin­ci­pal est son voi­sin le plus proche (car repré­sen­tant le moder­nisme, la forme la plus avan­cée et la plus insi­dieuse du capi­tal… et autres sor­nettes). C’est la bour­geoi­sie et l’or­ga­ni­sa­tion de notre socié­té que nous vou­lons atta­quer, et non des petits groupes qui, comme nous-mêmes, tentent ou croient ten­ter de l’abattre.

La polé­mique ne nous inté­resse donc que sur des points pré­cis quand elle peut concer­ner des gens enga­gés dans une action précise.

Nous pen­sons au contraire que ce sont ceux qui ont un esprit de secte qui consacrent le plus clair de leur temps à cri­ti­quer le petit groupe voisin.

L. N.

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Sur la lan­terne (tous des aris­to­crates à la lanterne…)

Dans l’en­semble tous les textes se lisent — et en gros je suis d’ac­cord. Sur le détail, évi­dem­ment, j’au­rais des tas de petits trucs à dire. Je me limiterai.

Sur les fedayins : pour être plus dur encore, et plus effi­cace, il fau­drait bien voir que la limite entre « la fausse » vio­lence révo­lu­tion­naire et « la vraie » n’est pas tou­jours nette. Exemple : « Qui sont ces ter­ro­ristes inter­na­tio­naux ? » (Ita­liens, comme Goliar­do Fia­schi, récem­ment libé­ré d’Es­pagne ; écos­sais, comme Stuart Chris­tie espa­gnols, fran­çais, qui sait, juifs alle­mands) ? « Le plus sou­vent des intel­lec­tuels, soit des gens qui le sont deve­nus grâce aux pri­vi­lèges du mili­tan­tisme inter­na­tio­nal, etc. »

Pen­dant qu’on y est, allons même un peu plus loin (Libé va pâlir de dépit en me voyant dres­ser si haut le dra­peau de l’an­ti-ter­ro­risme). Autant l’as­cen­sion de Car­re­ro Blan­co (l’ir­ré­sis­tible ascen­sion, cette fois-ci) me paraît avoir un carac­tère clai­re­ment et immé­dia­te­ment révo­lu­tion­naire, et être un encou­ra­ge­ment à la lutte, autant les voi­tures pié­gées devant Ibé­ria (hors d’Es­pagne, en plus !), etc. me paraissent très « pales­ti­niennes » : un type, ou une fille, ou les deux, rentrent tard le soir, ils passent devant Ibé­ria, ou Minute, ou n’im­porte quoi — une voi­ture saute — Adieu — Le len­de­main tous les braves gens, nos frères sans cou­rage, se disent : c’est nous qui trin­quons. Les jour­naux se régalent.

Ce ter­ro­risme-là, qui ter­ro­rise-t-il ? Ibé­ria ou le pro­lo du coin ? Être effi­cace c’est être sûr (autant qu’on peut l’être) de frap­per un enne­mi, et mon­trer aux autres que la lutte paye. Il me semble que cer­tains sou­tiens au GARI ne l’ont pas très bien com­pris. Et le silence de la presse anar là-des­sus, son manque de clair­voyance (qui a favo­ri­sé et qui favo­ri­se­ra tous les atten­tats-bidons par des dingues de bonne foi ou par des CDR locaux) me gêne un peu — même beaucoup.

Suf­fit-il de se dire anar­chiste pour qu’un acte de vio­lence soit de la vraie vio­lence révo­lu­tion­naire ? Que MARTIN ne prenne pas ça pour une cri­tique à lui. — Je sai­sis l’oc­ca­sion, à par­tir de son article, parce qu’ef­fec­ti­ve­ment il pose le pro­blème. Et je crois qu’il fau­drait prendre posi­tion assez vite là-des­sus — et sou­vent. Quand les conne­ries seront arri­vées, il sera un peu tard pour le faire. La « stra­té­gie de la ter­reur » a trou­vé de vilains fas­cistes pour la mettre en oeuvre — elle a aus­si trou­vé des imbé­ciles anar­chistes pour leur ser­vir de « zone d’ombre » au début, par leurs cris, leurs bra­vades inutiles (cf. la devise de jeu­nesse de P. Val­pre­da), leurs petits pétards idiots et leur manque de posi­tions claires et expli­cites (sans comp­ter notre bonne vieille tra­di­tion « illégaliste »).

Vive Bon­not, c’é­tait un cré­tin mais ça ne fait rien il a four­ni une parole intense dans un dis­cours refou­lé (cf. article jus­te­ment cité par MARTIN). Refou­lé, il serait temps de com­prendre que nous le sommes tous plus ou moins, et qu’il est impos­sible de ne pas l’être (au moins actuel­le­ment) alors qu’est-ce qu’on fait avec cette part de refou­le­ment irré­duc­tible ? On applau­dit sans oser (Ah, paci­fiques apo­lo­gistes de la ter­reur pales­ti­nienne), ou on essaye vrai­ment de se battre effi­ca­ce­ment. Mais il faut plus de cou­rage et de risques indi­vi­duels pour enle­ver Sua­rez que pour plas­ti­quer une voi­ture devant une vitrine. Plus de risques indi­vi­duels, mais dix fois moins de risques col­lec­tifs, pour la révolution.

Refou­le­ment du désir ? Puis­qu’on jar­gonne psy­chia­trie entre nous, si on par­lait un peu de régres­sion ? Et de tous ceux d’entre nous qui risquent un jour d’être ten­tés de racon­ter leur vie, et pas seule­ment au psy­chiatre — Désir de se jus­ti­fier, même chez un révol­té, d’être en règle avec Papa, avec la socié­té, avec le « car­can mate­las­sé de la légitimité ».

Bon — À pro­pos, j’ai ren­con­tré un gars qui m’a dit qu’il avait vu une Porsche blanche (enfin, il est pas sûr, c’é­tait peut-être une Volks­wa­gen) sta­tion­née à 20 m de chez vous. Et moi-même, à Avi­gnon, au début du mois d’août, ça se pour­rait que j’ai vu pas­ser des Belges avec des barbes. Ça m’in­quiète, avec ces types du groupe Pala­din, rom­pus (j’a­dore ça !) à tous les types de pro­vo­ca­tion — Vous croyez pas qu’on devrait en par­ler à Libé ?

P.S. — Éclai­rez votre lan­terne, les gars ! Quand on repro­duit les articles, il faut évi­ter de repro­duire les bêtises. Ex. : article sur Mari­ni. Le juriste Roc­ca a, il est vrai, pré­pa­ré les lois sur les syn­di­cats. Mais le Code Roc­ca, c’est tout sim­ple­ment le vieux code de Pro­cé­dure Pénale datant de Mus­so­li­ni, et pré­pa­ré d’ailleurs par le même salaud. Quant à « ici à Saint-Paul » ça doit pas être très clair pour des gens qui sont pas lyonnais.

J. P., Lyon

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Il manque en effet en Ita­lie, une revue théo­rique de cri­tique anar­chiste. Par exemple, une revue comme Noir et Rouge, qui aurait appro­fon­di et éla­bo­ré la théo­rie anar­chiste en la vidant de son aspect moral (anar­chisme comme sys­tème de valeur) en s’op­po­sant en même temps à une concep­tion « effi­ciente », néo-archi­no­viste, n’a jamais exis­té. En Ita­lie, hélas, le refus de ten­dances huma­ni­ta­ristes et de col­la­bo­ra­tion de classes entraîne des posi­tions néo-archi­no­vistes qui, d’un côté, réin­tro­duisent le concept de lutte de classe, mais de l’autre, réduisent l’a­nar­chisme à un sous-pro­duit léni­niste (dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat, phases de tran­si­tion…) ; dans cette situa­tion, La Lan­terne Noire peut être utile…

L. Trente, Italie. 

La Presse Anarchiste