Nous avons reçu cette « Introduction à une critique des méthodes et des présupposés du GARI ».
1
Pourquoi s’est créé le MIL ? Pour coordonner des luttes « de base », développer des rapports et des moyens d’expression (impression de brochures, etc.), participer au mouvement de lutte des ouvriers radicaux de Barcelone.
Pourquoi s’est créé le GARI ? Pour « riposter » devant la répression et « répondre à la violence étatique par la violence révolutionnaire ». Sa base de constitution est l’envers exact de celle de l’auto-dissolution du MIL : il est maintenant inutile de parler d’organisations politico-militaires, de telles organisations ne sont que d’autres rackets politiques. Pour toutes ces raisons, le MIL s’autodissout comme organisation politico-militaire et ses membres se disposent à assumer « l’approfondissement des perspectives communistes du mouvement social ». (Congrès de dissolution, août 73, in CIA nº 2. C’est nous qui soulignons).
2
Lorsque le GARI fait son apparition, le membre de l’ex-MIL le plus en danger, S. Puig Antich, était déjà mort ; certaines luttes « spectaculaires » (même les plus « folles ») auraient pu être menées avant son exécution, parce qu’elles auraient pu être utiles (en obtenant sa vie ou sa libération), mais après elles ne font qu’entériner un état de fait : la défaite, et la dissolution sociale, d’un secteur du mouvement ouvrier radical de Barcelone ; de plus, ces luttes approfondissent cette défaite, en perdant tous liens avec ce mouvement.
3
D’aucuns nous assurent que les explosions et l’enlèvement du banquier faisaient partie d’un mouvement révolutionnaire, mais nous ne voyons pas pourquoi ce serait plus l’expression quelconque de prolétaires conscients que celle de l’illusion des membres du GARI de faire avancer le mouvement en brûlant les étapes, de trouver une nouvelle recette métaphysique pour guérir un embourgeoisement qui reste pour eux de nature essentiellement morale, et de croire trouver une arme qui leur permette magiquement de s’abstraire de toutes les conditions données de la lutte réelle. Il faut reconnaître la non-adéquation de certaines formes d’actions au mouvement révolutionnaire prolétarien : tout ce qui ne peut dépasser un niveau individuel ne peut que s’éloigner du mouvement social ; les armes que les membres du GARI utilisent, l’explosif le plus souvent, sont les mêmes que celles qu’emploient les terroristes palestiniens et sionistes, les irlandais protestants et l’IRA ; on nous assure qu’ils en font un usage révolutionnaire, à l’examen ceci paraît moins sûr (cf 5e pt).
4
Les terroristes voudraient qui, créer un État, qui, les détruire tous ; quelquefois le terrorisme étatique peut bien l’emporter, car il a créé une puissance indépendante, propre à dialoguer avec d’autres États. Mais quant à les détruire tous, on ne peut pas plastiquer un rapport social ; ce qui se croit être la critique la plus radicale et la plus profonde, volontairement coupée de tout mouvement, reste finalement la plus superficielle : elle ne fait qu’effleurer les objets, en les abîmant, même si elle est accompagnée de déclarations pompeuses sur la fin de toutes les aliénations.
5
Quel est donc cet emploi « révolutionnaire » de la dynamite ? Dans quel objectif le GARI a‑t-il fait sauter ceci plutôt que cela ; quelle est la cohérence propre de son action ?
Ce sont avant tout des voies de communication entre l’Espagne et la France qui ont été endommagées. Il s’agit d’une stratégie « qui a pour but de provoquer (…) le blocus économique politique et culturel de l’Espagne » ; il faut « développer » une agitation ayant pour but de provoquer le protectionnisme des produits agricoles français sur les produits espagnols (vins, agrumes). Cela peut déboucher sur le blocage des arrivages et leur destruction. Il faut dresser des listes de boycott des produits espagnols » (cf. « Avanti Populo » in « l’État et la révolution »).
Ainsi protéger les produits agricoles français contre la concurrence espagnole et faire un blocus de l’Espagne seraient des mots d’ordre révolutionnaires. Pourtant il faut savoir :
a) Que « la lutte » des paysans pour maintenir les prix de marché (destruction « d’excédents », protestation contre la concurrence étrangère) a pour but de sauvegarder un système de production et de distribution qui est devenu totalement inadéquat aux besoins de l’humanité : le mode de production capitaliste, et même de revenir en deçà du développement actuel du capitalisme qui s’internationalise et se concentre.
b) Que le blocus de l’Espagne, c’est renforcer l’isolement du prolétariat espagnol, et donner des intérêts communs à la bourgeoisie et au prolétariat espagnol : c’est poser comme inébranlable la merveilleuse nation espagnole.
c) Que cette utopie réactionnaire ne peut avoir de prise sur la réalité : l’initiative des rapports économiques appartient uniquement aux États capitalistes et le prolétariat ― dans la période actuelle — ne saurait contrôler l’établissement des relations commerciales de la bourgeoisie.
d) Que « l’ouverture » nécessaire du capitalisme espagnol vers les autres contrées européennes ne peut que s’accompagner d’une internationalisation des luttes ouvrières : l’Espagne capitaliste doit ouvrir ses frontières pour continuer à se développer : c’est inéluctable et nul anarchiste ou phalangiste ne pourra s’opposer à ce mouvement, dont l’issue ultime est la résolution révolutionnaire de tous les problèmes posés par l’organisation de la société.
e) Qu’enfin vouloir imposer d’une façon autoritaire (eh oui !) au prolétariat espagnol un blocus du même genre que celui que la classe dirigeante allemande imposa d’elle-même, dans les années trente, pour mieux écraser ce qui restait du mouvement prolétarien est tout simplement un mot d’ordre contre-révolutionnaire [[Nous ne doutons pas qu’à l’origine de l’action des membres du GARI se place un sentiment de révolte fort respectable, ce qui l’est moins c’est la faiblesse qui les a amenés à s’intégrer dans le monde des pseudo-événements à développer des côtés qui n’ont rien de subversif.]].
6
Pour le mouvement révolutionnaire il n’y a pas de lutte spécifique contre le franquisme, un des mille visages de la classe capitaliste internationale. Il ne s’agit pas non plus de lutter contre les excès du capitalisme en conservant tout le reste : mais d’en anéantir les racines, la loi de la valeur (production marchande, salariat, domination de l’économie), c’est ce qu’affirmait la tendance la plus lucide du MIL à laquelle appartenait Puig Antich [[À un meeting de soutien aux emprisonnés du GARI, dont l’assistance était principalement composée d’anarchistes, un individu criant « Puig Antich n’était pas un antifasciste » (à l’adresse d’un stalinophile qui prenait la parole) s’est bien sûr fait traiter de fasciste et a même failli se faire jeter par dessus le balcon pourtant ce sont bien des antifascistes qui ont réprimé en Mai 37 à Barcelone les secteurs les plus combatifs du prolétariat espagnol (les anarchistes les plus radicaux, le POUM, etc.) et c’est au nom de l’antifascisme qu’a été menée la seconde guerre impérialiste mondiale qui a conduit à la liquidation quasi-totale du prolétariat en tant que classe et qui a ouvert une phase de nouvelle jeunesse du capitalisme.]]. Cette lutte n’est pas celle de minorités décidées à accomplir des coups de main mais celle d’une classe qui saura trouver son propre chemin ; et si il y aura bien des actions individuelles ou minoritaires elles exprimeront quand même l’ensemble des perspectives et du mouvement révolutionnaire parce que s’élevant à un point de vue universel (qui n’est autre que la clairvoyance sur sa propre situation et le rapport entre son action et la totalité à transformer) ; ces actions individuelles ne seront jamais des leçons d’héroïsme ni des exhortations morales pour « aller à la révolution » (teintées de ce mépris, de ceux « qui dorment en attendant » que professe le GARI) mais se suffiront déjà à elles-mêmes en étant critique des noeuds de ce monde et affirmation des besoins communs à la classe prolétarienne, besoins dont la satisfaction profonde n’exige rien de moins qu’une révolution sociale.
Une violence dérisoire
(…) « Une action du type de celle du GARI (et un aspect non négligeable de celle du MIL) démontrerait bien à n’importe qui, qu’il existe déjà des « énergies » qui veulent en finir avec cette société, mais elles combattent seules sur le terrain de la violence alors qu’ils ne sont pour le moment qu’une force dérisoire face à celle de l’État et du Capital (de sa police, mais aussi de son armée, des mass-média, etc.) qui pour le moment contrôle tout ou presque tout : la violence doit être de classe, c’est-à-dire pouvoir être reconnue par tous ceux qui sont placés dans des conditions identiques à ceux qui l’ont exercée : la différence entre Watdts ou Gdansk et ce qu’a fait le GARI ? C’est pas l’essentiel mais est-ce que les journaux peuvent se servir des « insurrections prolétariennes » (on appellera ça comme on voudra mais c’est bien à peu près ce que ces termes recouvrent comme réalité) comme quelque chose de manipulable et dont la publicité doit être faite » (…) ?