Édito du premier mai.
Ouf ! les travailleurs respirent ; ils ont enfin leur organisation d’avant-garde, la seule, la vraie, la plus belle. Mais l’effet comique s’arrête là. Que dit en effet cette « ligne fondamentale, idéologique et politique » ?
Dans le numéro du 8 mai, à propos de la grève à Usinor, les mots d’ordre justes sont :
- du travail pour tous,
- libertés démocratiques,
- RENFORCEMENT DE LA DÉFENSE NATIONALE.
Non, vous ne rêvez pas, il s’agit bien de la défense nationale, de l’armée quoi, oui, l’armée française ; d’ailleurs un peu plus loin, un article : « contre les manœuvres militaires françaises… chalutiers espions russes » ; voilà que ces salauds de Russes espionnent notre belle armée garante de notre indépendance nationale.
Voilà, on est prévenus ; si se réédite le coup de 1914, on ne pourra pas dire que ces gens-là seront subitement tombés dans le piège de l’union sacrée, ils y sont déjà et ils la préparent bien ; il est vrai qu’une partie du prolétariat est encore prêt à défendre l’indépendance nationale les armes à la main, et HR veut être près du peuple…
Mais pourquoi ne consacrent-ils pas leurs colonnes à casser du nègre et du bougnoule, dans la mesure où un bon nombre de prolos sont racistes ? Non, ce n’est pas possible car les pays du tiers monde sont des « amis de la Chine » (voir l’apologie de Boumédienne dans le même numéro) ; la politique internationale de la Chine a ses exigences ; tant pis, ça sera pour une autre fois au prochain virage diplomatique…
Car le racisme, ils s’en foutent — c’est normal quand on est nationaliste et militariste —. On peut lire, toujours dans le même numéro à propos des expulsions d’émigrés dans un foyer du 13e arrondissement : « si la bourgeoisie française veut réellement rapprocher la France du tiers monde, qu’elle commence par mettre fin à de telles pratiques » ; voilà, ce qui est répugnant dans ces pratiques, ce n’est pas le racisme, mais qu’elles nuisent à la politique tiers-mondiste de notre belle France.
En bref, pour ces staliniens authentiques, ce qu’il faut, c’est lutter contre les deux grands blocs impérialistes (celui d’U.R.S.S. étant de loin le plus dangereux !) pour soutenir la politique éminemment révolutionnaire de la Chine. L’émancipation des travailleurs, on verra ensuite.