La Presse Anarchiste

Les démocraties face à la violence

Note du traducteur

« Ain­si l’ef­fi­gie de chaque homme mor­ce­lée, en quelque sorte, et dis­per­sée sur la sur­face de la terre ne s’a­chève et ne se com­plète que par l’ob­ser­va­tion ; il voit dans les autres êtres les diverses por­tions de son être, et ne se voit en entier que dans le tout ».
Hérault de Séchelles, Théo­rie de l’Ambition.

Les infor­ma­tions et les ana­lyses qui suivent, por­tant sur dif­fé­rents pays, sont tirées du Bul­le­tin (« Mit-Tei­lung ») publié, toutes les 2 ou 3 semaines envi­ron, par l’In­ter­na­tio­nal Archive Team de Londres[[I.A.T., 83 A Haver­stock Hill, Lon­don, N.W.3]], bul­le­tin qui regroupe les infor­ma­tions com­mu­ni­quées par ses cor­res­pon­dants à l’é­tran­ger. Les appré­cia­tions sont celles de l’I.A.T., et sont d’ailleurs le plus sou­vent signées, comme ici, par John Olday. Titres et inter­titres sont de La Lan­terne Noire.

Pour que la réflexion, néces­saire, puisse s’en­ga­ger sur les thèses qui y sont avan­cées, il m’a paru essen­tiel de res­pec­ter la forme de ce maté­riau, tout en regrou­pant les pas­sages se rap­por­tant à un même thème. Si les notes sur l’Al­le­magne, qui forment le gros de ce texte, s’ouvrent quelque peu brus­que­ment, sur le siège de Stock­holm, c’est que j’ai pré­fé­ré remettre au pro­chain numé­ro trois articles de l’I.A.T., tirés de Black Flag (l’or­gane de la Croix Noire Anar­chiste bri­tan­nique), et qui devaient ser­vir d’in­tro­duc­tion. Ces articles, qui forment une pré­sen­ta­tion rapide du mou­ve­ment anar­chiste alle­mand actuel, de la R.A.F. et du Mou­ve­ment du 2 juin, avec des pré­ci­sions sur l’exé­cu­tion du « traître » Ulrich Schmü­cker, en juin 1974, par le « Com­man­do Juin Noir », trou­ve­ront en effet mieux leur place dans le pro­chain numé­ro, qui devrait abor­der le pro­blème de l’or­ga­ni­sa­tion. Il m’a paru plus utile, en atten­dant, de pré­sen­ter des infor­ma­tions plus com­plètes, avec les conclu­sions de John Olday.

On peut poser la ques­tion de l’in­té­rêt d’une infor­ma­tion aus­si détaillée, sur un tel sujet, qui a déjà fait l’ob­jet de pas mal d’études[[Sur l’Al­le­magne, on pour­ra se réfé­rer aux ouvrages sui­vants, parus en France depuis quelques années : La « Bande à Baa­der » ou la vio­lence révo­lu­tion­naire (textes de la R.A.F., avec une intro­duc­tion d’É­mile Marens­sin, Ed. Champ Libre, 1972) ; Faire de la mala­die une arme, par le S.P.K. (Sozia­lis­tiches Patien­ten­kol­lek­tiv, Ed. Champ Libre, 1973), ain­si que la bro­chure sur le Pro­cès du S.P.K. (Cahiers de Recherches, sup­plé­ment à Recherches, 1973) ; et l’ou­vrage col­lec­tif À pro­pos du pro­cès Baa­der-Mein­hof (Frac­tion Armée Rouge) : la tor­ture dans les pri­sons en R.F.A. (Chris­tian Bour­gois éd., 1975), qui repro­duit entre autres cer­tains articles parus dans Les Temps Modernes, et donne un bon aper­çu des tech­niques de « tor­ture silen­cieuse » (dépri­va­tion sen­so­rielle) mises en œuvre contre les pri­son­niers poli­tiques.]], et pour lequel la presse gau­chiste n’ob­serve pas le mutisme habi­tuel­le­ment de rigueur dès qu’il s’a­git de vio­lence armée dans une socié­té qui nous est proche. C’est jus­te­ment là une pre­mière rai­son de publier ces ana­lyses — ne serait-ce que parce qu’il s’a­git d’un son de cloche dif­fé­rent, et parce qu’elles per­mettent de se faire une image dif­fé­rente de la réa­li­té alle­mande que ne l’ad­mettent les ver­sions maoï­santes qui ont cours par ailleurs.

C’est d’ailleurs là où John Olday rejoint l’u­na­ni­mi­té de gauche que je vou­drais émettre des réserves, car ce point est d’im­por­tance. C’est reprendre à son compte une thèse banale de nos jours que de dire : « Crois­sant est plus proche des concep­tions anar­chistes quand il déclare (…) : « (…) Ce n’est pas une affaire de léga­li­té ou d’illé­ga­li­té, mais de fas­cisme ou d’an­ti­fas­cisme. Ou bien on admet un sys­tème qui détruit les indi­vi­dus, ou bien on lutte contre le fas­cisme. Le che­min qui mène au socia­lisme passe sur le cadavre du fas­cisme ». C’est là toute la rhé­to­rique « nou­veau fas­cisme — nou­velle démo­cra­tie », affec­tion­née par les maoïstes, et qui prend tout son sens si l’on se rap­pelle qu’elle fut énon­cée, en France, par les débris de la Gauche Pro­lé­ta­rienne, au len­de­main de que­relles intes­tines par­ti­cu­liè­re­ment sanglantes[[et qui per­mirent à cer­tains lea­ders — depuis recon­ver­tis dans le démo­cra­tisme à Libé­ra­tion (n’est-ce pas, M. July ?), où ils acceptent de frayer avec des liber­taires authen­tiques — de démon­trer qu’ils sau­raient être, au besoin, les dignes émules de la Gué­péou.]], même si elles n’at­tei­gnirent pas (et de loin) la féro­ci­té des mas­sacres au sein de l’Ar­mée Rouge japo­naise à la même époque — serait-ce que l’en­jeu y était sans com­mune mesure ?

Les infor­ma­tions sur le Japon montrent com­bien est géné­rale cette ten­dance qui voit un État démo­cra­tique indus­triel mettre tout en œuvre pour écra­ser la contes­ta­tion, en bra­quant les pro­jec­teurs sur le com­bat sin­gu­lier des forces de l’ordre contre un groupe de gué­rilla urbaine, qui incarne (et pola­rise) la sub­ver­sion : Armée Rouge, puis Front Armé Anti-Japo­nais au Japon ; Pan­thères Noires et Wea­ther­men, sui­vis d’une myriade de groupes suc­ces­seurs (dont la Sym­bio­nese Libe­ra­tion Army) aux U.S.A. ; Bri­gades Rouges puis Noyaux Armés Pro­lé­ta­riens en Ita­lie… En Grande-Bre­tagne, la Bri­gade de la Colère a été lar­ge­ment éclip­sée par l’I.R.A. et les groupes qui en sont issus. Et c’est tout à fait inci­dem­ment que l’on apprend que la Suède pos­sède un arse­nal répres­sif qui n’a rien à envier à celui de l’Al­le­magne, que la Suisse use des mêmes méthodes que celle-ci à l’é­gard de Petra Krause et de ses com­pa­gnons, soup­çon­nés d’a­voir aidé la R.A.F… Mal­gré le F.L B. et les Corses, la France semble presque une oasis de calme et de tran­quilli­té. La France, mère de la démo­cra­tie — comme l’An­gle­terre est mère des par­le­ments — et qui se donne les mêmes moyens que ses voi­sins (cf. le sys­tème SAFARI, et nos propres lois scé­lé­rates, qui, tout comme les lois anglaises, sont sim­ple­ment plus vieilles que celles des autres pays). Voi­là pour­tant des pays où l’on ne peut pas invo­quer un pas­sé fas­ciste récent, qui ne deman­de­rait qu’à se réaf­fir­mer à la pre­mière défaillance des démocrates…

L’exa­men atten­tif des situa­tions où cette ten­dance est la plus mar­quée s’im­pose, si nous vou­lons com­prendre l’é­vo­lu­tion de notre propre socié­té. Quand l’ex­cep­tion devient la règle, il convient de revoir ses bases d’in­ter­pré­ta­tion, et en par­ti­cu­lier de se deman­der : qu’est-ce que la démo­cra­tie ? Depuis le temps que nous savons que l’i­déo­lo­gie domi­nante moule nos propres pen­sées, nous avons oublié de remar­quer que, en France, l’a­nar­chisme lui-même est répu­bli­cain, laïque et ratio­na­liste. Il serait bon de voir que l’op­po­si­tion tri­an­gu­laire entre fas­cisme, bol­che­visme et démo­cra­tie est, avant tout, véhi­cu­lée par ces idéo­lo­gies elles-mêmes. Et pour­tant, il fau­drait réflé­chir à ce que Lénine pou­vait bien com­prendre par « démo­cra­tie pro­lé­ta­rienne », lui qui se reven­di­quait expli­ci­te­ment du jaco­bi­nisme fran­çais [[Cf. l’an­tho­lo­gie publiée à Mos­cou en 1945, en dif­fé­rentes langues, et dont la ver­sion fran­çaise a été reprise sous le titre : Marx, Engels, Lénine, Sta­line : La lutte des par­ti­sans selon les auteurs clas­siques du mar­xisme-léni­nisme (intro­duc­tion de Patrick Kes­sel, U.G.E. Col­lec­tion « 1018 », 1975).]] et com­ment un par­ti aus­si authen­ti­que­ment tota­li­taire que le P.C.F. a pu se recon­ver­tir aus­si plei­ne­ment à la démo­cra­tie et à l’hé­ri­tage de la « grande Révo­lu­tion de 89 » ; à ce qu’im­plique, enfin, sa reven­di­ca­tion d’une « démo­cra­tie avan­cée » comme pre­mier pas vers le socia­lisme [[Voir le livre de J. L. Tal­mon : Les ori­gines de la démo­cra­tie tota­li­taire (tra­duit de l’an­glais : Cal­mann-Lévy, col­lec­tion « Liber­té de l’Es­prit », 1966). Voir aus­si les textes repro­duits dans le N° 2 des Cahiers du Futur (sur « La Dic­ta­ture » : Ed. Champ Libre, 1974), aux­quels j’ai consa­cré un article dans le N° 2 de La Lan­terne Noire ; article auquel ces réflexions sont un pre­mier post-scriptum.]]

Ne serait-ce pas ces sys­tèmes ne sont que des moments his­to­riques d’une même évo­lu­tion, dont nous voyons aujourd’­hui l’ac­com­plis­se­ment, une révo­lu­tion bureau­cra­tique ache­vant la révo­lu­tion indus­trielle qui l’a fait naître ? L’in­for­ma­tique et la psy­chia­trie donnent enfin aux classes domi­nantes la pos­si­bi­li­té de réa­li­ser leur rêve, néces­saire depuis que Dieu est mort : la dic­ta­ture totale de la Rai­son sur le réel, s’é­ten­dant à tous les ins­tants de la vie, par la répres­sion ins­tan­ta­née de toute contes­ta­tion en actes, de quelque côté qu’elle vienne. À cet égard, la lutte contre les gué­rillas, urbaines et rurales, semble bien être le banc d’es­sai des sys­tèmes qui ser­vi­ront contre tout groupe révo­lu­tion­naire, dans un ave­nir trop rap­pro­ché pour qu’il soit confor­table d’y réfléchir.

C’est pour­tant ce que nous devons faire, et c’est ain­si que nous pour­rons don­ner un sens au terme de soli­da­ri­té avec ces groupes dont nous sommes sépa­rés par tant de points fon­da­men­taux — et d’a­bord par leur avant gar­disme, qui les amène, qu’ils le veuillent ou non, à se poser en « inter­lo­cu­teurs valables » de l’É­tat qu’ils attaquent. Soli­da­ri­té qui, autre­ment, reste un hochet pour apai­ser les consciences.

P. Lepeintre

France

Un appel à la soli­da­ri­té lan­cé par nos cama­rades de Toulouse

Soli­da­ri­té avec les membres et les membres sup­po­sés des Groupes d’Ac­tion Révo­lu­tion­naire inter­na­tio­na­listes (GARI) déte­nus en France et en Espagne !

Sal­va­dor Puig Antich ayant été gar­rot­té en Espagne, et les membres du Mou­ve­ment Ibé­rique de Libé­ra­tion (MIL) se trou­vant mena­cés de mort, ils déci­dèrent avec leurs cama­rades fran­çais de repondre à l’a­gres­sion de l’É­tat poli­cier par l’ac­tion directe. La pre­mière action eut lieu le 23 mars 1974, et pre­nait pour cible l’Es­pagne de Fran­co. Elle fut reven­di­quée par les Groupes Auto­nomes d’In­ter­ven­tion (GAI). Le 3 mai 1974, les GARI reven­di­quaient l’en­lè­ve­ment de M. Sua­rez, direc­teur de la Banque de Bil­bao. Au cours du mois de juillet, des actions de sabo­tage furent effec­tuées à la fron­tière fran­co-espa­gnole, sui­vies de l’at­taque de cars espa­gnols à Lourdes et du sabo­tage du Tour de France. Les objec­tifs sui­vants furent des banques espa­gnoles et Ibé­ria en Belgique.

Le gou­ver­ne­ment fran­çais, sous la pres­sion de Fran­co, arrê­ta une ving­taine de cama­rades qui furent incul­pés de recel (11 de recel et 9 d’at­ten­tats et d’at­teinte à la sûre­té de l’É­tat — N.d.T.). Par­mi les 4 cama­rades des GARI arrê­tés en sep­tembre, il y a eu plu­sieurs cas de tor­ture. Fin juin 75, 5 cama­rades étaient encore déte­nus en France et 4 en Espagne.

L’I.A.T. avait dif­fu­sé à l’é­poque une infor­ma­tion sur la col­la­bo­ra­tion des polices secrètes fran­çaise, bri­tan­nique et espa­gnole à l’oc­ca­sion de l’in­ter­ro­ga­toire de cama­rades en Angle­terre que l’on vou­lait faire « aider la police dans son enquête » (l’eu­phé­misme habi­tuel outre-Manche, qui masque le fait que, la garde à vue n’exis­tant pas, un sus­pect est déte­nu en fait illé­ga­le­ment ! N.d.T.).

Cer­tains anar­chistes ont trou­vé bon de dénon­cer bruyam­ment la lutte armée et de refu­ser la soli­da­ri­té avec les cama­rades des GARI. La posi­tion de l’I.A.T. a été de sou­te­nir tous les liber­taires qui se révoltent, réagis­sant contre la vio­lence de la répres­sion éta­tique à la lumière de leur propre conscience. Il est impen­sable, pour tout anar­chiste sin­cère, que l’on puisse refu­ser la soli­da­ri­té avec un révol­té quel qu’il soit quand il est entre les mains de la justice.

Les Groupes de Soli­da­ri­té essaient actuel­le­ment de se coor­don­ner, pour mobi­li­ser une cam­pagne inter­na­tio­nale pour la défense des cama­rades encore déte­nus dans les pri­sons de France et d’Espagne.

Les pri­sons de tous les pays sont pleines à cra­quer. Les groupes révo­lu­tion­naires sont par­tout une mino­ri­té, et manquent lour­de­ment de moyens pour conti­nuer le com­bat. Nous n’a­vons pas de mécènes à Washing­ton, à Mos­cou ou à Pékin, et aucun roi du Pétrole pour pom­per des sub­sides pour équi­li­brer nos sous­crip­tions pour frais d’im­pres­sion, ou nos frais d’or­ga­ni­sa­tion. Tout ce que la Coor­di­na­tion de Tou­louse des groupes de soli­da­ri­té peut espé­rer, ce sont les cen­times que les tra­vailleurs qui sont encore employés pour­ront sou­ti­rer de leurs enve­loppes de paye. Cepen­dant, il n’y a pas d’in­fla­tion en matière de soli­da­ri­té, où il s’a­git de venir en aide aux cama­rades empri­son­nés et à leurs familles dans l’é­preuve : là, peu importe si les sommes ver­sées sont faibles — chaque cen­time a comme une puis­sance dyna­mique d’en­cou­ra­ger la cama­ra­de­rie qui rompt l’isolement.

Cor­res­pon­dance : Librai­rie « Votre Livre », 14 rue de l’É­toile, Tou­louse ou : Librai­rie « Jar­gon Libre » 6 rue de la Reine Blanche, Paris (13e).

Soli­da­ri­té éco­no­mique : INES, C.C.P. 558 – 95. Toulouse.

(Des 9 cama­rades incul­pés devant la Cour de Sûre­té de l’É­tat, 4 sont encore en déten­tion pré­ven­tive un an après leur arres­ta­tion : Ray­mond Del­ga­do, Mario Ines-Torres, Michel Camil­le­ri et Jean-Marc Rouillan. Leur pro­cès n’au­ra pas lieu avant le début de l’an­née pro­chaine. Quant aux 11 cama­rades arrê­tés après l’en­lè­ve­ment du ban­quier Sua­rez, ils ont tous été libé­rés. L’un d’entre eux, cepen­dant, n’a plus à s’in­quié­ter de la len­teur des juges et des tra­cas­se­ries poli­cières : Arnaud Chas­tel est mort cet été, des suites d’un acci­dent d’avion.

Rap­pe­lons que nous avons publié une Chro­no­lo­gie com­plète de l’af­faire dans le N° 2 de La Lan­terne Noire).

Allemagne

Le siège de Stockholm

Le 24 avril 1975, le « Com­man­do Hol­ger Meins » fait irrup­tion dans l’am­bas­sade d’Al­le­magne et prend des otages. Il exige la libé­ra­tion de 26 pri­son­niers en Alle­magne. Le gou­ver­ne­ment alle­mand met sur pied un « groupe d’ur­gence mul­ti-par­ti » (Sociaux-Démo­crates, Libé­raux, Démo­crates-Chré­tiens). Refus de négo­cier avec le Com­man­do Hol­ger Meins. Les pom­piers de Stock­holm aident cer­tains membres du per­son­nel à s’é­va­der à l’aide d’é­chelles. Plu­sieurs cen­taines de poli­ciers en uni­forme et avec des gilets pare-balles pénètrent dans l’am­bas­sade. Le com­man­do menace d’exé­cu­ter les otages si la police ne se retire pas. La police ne tient pas compte de l’a­ver­tis­se­ment. L’at­ta­ché mili­taire Andreas von Mir­bach est la pre­mière vic­time, cri­blé de 4 balles. Les poli­ciers, dans la ligne de tir, ne peuvent aller jus­qu’à l’es­ca­lier. Le com­man­do per­met à deux poli­ciers en sous-vête­ments d’emporter Mir­bach. Les forces de police se retirent. Le pré­sident de la police sué­doise Gei­jel informe le com­man­do du refus du gou­ver­ne­ment alle­mand. Il essaie la tac­tique habi­tuelle de per­sua­sion. Le com­man­do refuse la dis­cus­sion. Heinz Hil­le­gaart, l’at­ta­ché com­mer­cial de l’am­bas­sade, est abat­tu, le com­man­do fait sau­ter les étages supé­rieurs du bâti­ment, et pro­fite de la confu­sion pour s’é­chap­per. Brève fusillade. 5 membres du com­man­do arrê­tés. 1 membre du com­man­do, mas­qué, se sui­cide à l’in­té­rieur du bâti­ment en flammes. Les membres arrê­tés refusent de répondre aux inter­ro­ga­toires. La police sué­doise alerte les ports, les aéro­ports et les garde-fron­tières. L’am­bas­sade à Malmö reçoit une pro­tec­tion ren­for­cée. Com­mu­ni­qué du com­man­do dans la boite à lettres de l’a­gence sué­doise T. T. Agen­ture. Recherches dans tout le pays. Des fonc­tion­naires de la Sécu­ri­té alle­mande arrivent par avion. Les empreintes digi­tales per­mettent l’i­den­ti­fi­ca­tion des membres du com­man­do, sauf le suicidé.

Sieg­fried Haus­ner fut trans­por­té à l’hô­pi­tal Karo­lins­ka, brû­lé à 40 % et avec une frac­ture du crâne. Quand il reprit conscience au bout de 90 heures, on lui dit qu’il serait remis aux Alle­mands. Le jour­nal de Stock­holm Expres­sion a cité un méde­cin spé­cia­liste, qui dénon­çait cette déci­sion comme étant un crime. Un spé­cia­liste des brû­lures alle­mand expri­ma le même avis. Haus­ner fut trans­fé­ré à l’hô­pi­tal-pri­son de Stutt­gart-Stamm­heim, où il devait suc­com­ber rapi­de­ment (le 4 mai). (Les autres membres du C.H.M. furent remis aux auto­ri­tés alle­mandes avec lui. — N.d.T.).

Sieg­fried Haus­ner, 23 ans : ancien membre du col­lec­tif socia­liste de malades (S.P.K.) à Hei­del­berg. Haus­ner y apprit la fabri­ca­tion d’en­gins explo­sifs, la tech­nique radio et la fal­si­fi­ca­tion de docu­ments. Il par­ti­ci­pa à la pré­pa­ra­tion de l’at­ten­tat contre l’hô­pi­tal psy­chia­trique de Wies­loch, près de Hei­del­berg, fut arrê­té, mais relâ­ché après 6 mois, pour lui per­mettre de finir ses études à l’u­ni­ver­si­té (!). Haus­ner entra dans la clan­des­ti­ni­té, devint membre de la R.A.F. Réar­rê­té, il fut trou­vé en pos­ses­sion d’un pis­to­let et de 100 cartouches.

Lutz Tau­fer, 31 ans : Ancien membre de Spar­ta­cus (groupe étu­diant de Hei­del­berg). Entra dans la Com­mune de Mann­heim. Actif dans le secours aux pri­son­niers. Entra ensuite au S.P.K.

Bern­hard Maria Rôss­ner, 28 ans : Actif dans le mou­ve­ment de squat­ters à Hambourg.

Karl Heinz Del­low, 21 ans : Par­ti­ci­pa aux mou­ve­ments de squat­ters. Dans une bagarre avec la police, se ser­vit d’une barre de fer, et bles­sa un policier.

Han­na Krappe : Par­ti­ci­pa aux mou­ve­ments de squat­ters. Membre du Comi­té à Ham­bourg contre la tor­ture dans les pri­sons. Aida à pro­pa­ger la grève de la faim lan­cée par Ulrike Mein­hoff (le 13 sep­tembre 1974), et qui abou­tit à la mort de Hol­ger Meins (le 9 novembre). Krappe ser­vit de contact, en ren­dant visite aux pri­son­niers, comme Jün­schke et Gra­shot à la pri­son de Zwei­brü­cken par exemple (tous deux fai­saient par­tie de la liste des pri­son­niers à libérer).

L’op­po­si­tion alle­mande a intro­duit une loi adop­tant un prin­cipe de com­pen­sa­tion pour les accu­sés qui coopèrent avec les auto­ri­tés sur­pas­sant de loin celui en vigueur en Grande-Bre­tagne. La récom­pense pour une telle coopé­ra­tion com­pren­dra non seule­ment l’im­mu­ni­té de toute condam­na­tion, mais aus­si une belle somme d’argent, ain­si que la pro­tec­tion, des docu­ments éta­blis­sant une nou­velle iden­ti­té, et, au besoin, la pos­si­bi­li­té de par­tir à l’é­tran­ger pour s’y éta­blir. Les Chré­tiens-Démo­crates réclament que cesse rapi­de­ment la situa­tion actuelle, qui per­met aux membres du groupe Baa­der-Mein­hof dans la pri­son de Stamm­heim-Stutt­gart (Baa­der, Mein­hof, Enss­lin et Raspe) de diri­ger à l’in­té­rieur des opé­ra­tions ter­ro­ristes en conni­vence avec les avo­cats de la défense. Tous contacts avec les co-déte­nus doivent être pros­crits absolument.

Pen­dant le siège de Stock­holm tous les pri­son­niers de la R.A.F. dans plu­sieurs pri­sons alle­mandes furent empê­chés d’é­cou­ter la radio ou de regar­der la télé­vi­sion. Aucun « pri­son­nier anar­chiste » ne reçut de jour­naux du ven­dre­di 25. Les autres déte­nus — quelque 700 — auto­ri­sés à regar­der la télé crièrent des injures jus­qu’à minuit contre les pri­son­niers du groupe Baa­der-Mein­holf : « Baa­der-Mein­hof bande d’as­sas­sins ! » pen­dant que devant les murs de la pri­son 500 citoyens avec femmes et enfants se réga­laient du spec­tacle des pri­son­niers mani­fes­tant der­rière les fenêtre, brillam­ment éclai­rées des cel­lules. Les pri­son­niers non-poli­tiques sont per­sua­dés que les pri­son­niers poli­tiques ont droit à des pri­vi­lèges spé­ciaux. Cette illu­sion a été entre­te­nue par les auto­ri­tés qui n’ont rien fait pour mettre un terme aux cris hos­tiles et à une qua­si-émeute, quand des membres de la R.A.F. (Roll et Wein­rich) furent trans­fé­rés pen­dant la nuit à Stutt­gart-Stamm­heim. La plu­part des pri­son­niers ne sup­portent pas l’at­ti­tude éli­tiste de la soi-disant avant-garde, qui essaie de recru­ter des pri­son­niers poli­ti­que­ment incons­cients pour gros­sir ses rangs. Si bien que la R.A.F. est plus iso­lée que jamais.

Le C.H.M. après un bref triomphe pen­dait le suc­cès de l’en­lè­ve­ment de Lorenz, a subi une défaite écra­sante. Leur stra­té­gie, mal cal­cu­lée, a don­né le résul­tat contraire à celui espé­ré. Au lieu d’ac­cé­lé­rer la des­truc­tion de l’É­tat, ils ont don­né aux sup­pôts de l’É­tat l’ex­cuse pour détruire les forces essen­tielles de la révo­lu­tion sociale. Les experts des ser­vices de sécu­ri­té pré­voient qu’il y aura d’autres actions de la R.A.F. en rap­port avec le pro­cès du 26 mai. Ils disent que des membres de la R.A.F. ont été entraî­nés en Suède au bom­bar­de­ment à par­tir d’a­vions de tou­risme. Ils envi­sagent même l’u­ti­li­sa­tion pos­sible d’armes nucléaires. Les Israé­liens ont féli­ci­té Bonn d’a­voir adop­té des méthodes fermes. La Suède s’est lais­sé for­cer la main et a remis les pri­son­niers du C.H.M. aux Alle­mands, en contra­dic­tion for­melle avec la loi sué­doise. Une répres­sion « sans recours » est pro­po­sée aux gou­ver­ne­ments qui s’ac­crochent encore à des lam­beaux de pres­tige démo­cra­tique. La voie est ouverte à une chasse à l’é­chelle mon­diale des révo­lu­tion­naires sin­cères. Les Chré­tiens Démo­crates alle­mands ont don­né le signal : « Tout sym­pa­thi­sant avec la bande Baa­der-Mein­hof ou des groupes ter­ro­ristes rivaux doit être consi­dé­ré comme un com­plice, et en sup­por­ter les conséquences ».

John Olday.

Pro­cès Baader-Meinhof

Les experts légistes et les juges accusent les avo­cats de la défense de sabo­ter les débats en se lan­çant dans des argu­ties pro­cé­du­rières sans fin et en sai­sis­sant le tri­bu­nal de péti­tions irre­ce­vables (par exemple, en deman­dant que le tri­bu­nal se trans­porte de Stutt­gart-Stamm­heim en d’autres locaux moins oppres­sants, ou que l’on sub­sti­tue les juges qui ont témoi­gné de par­tia­li­té). Le pro­cès s’est mué en spec­tacle de Gui­gnol, n’of­frant guère d’in­té­rêt qu’aux juristes pro­fes­sion­nels qui y font assaut de vir­tuo­si­té. En fait, les retards ont été occa­sion­nés par l’ex­clu­sion des avo­cats Strö­bele, Crois­sant et Grö­ne­wold ; par la contro­verse née de l’obs­cu­ri­té de textes de lois pro­mul­guées depuis peu ; et par la confis­ca­tion des dos­siers et des notes concer­nant le pro­cès, sai­sis dans les bureaux des avocats.

À tout consi­dé­rer, les tri­bu­naux occupent main­te­nant de nou­veau la place qui fut la leur sous la Répu­blique de Wei­mar. Les nou­velles lois d’ur­gence ont redon­né aux élé­ments réac­tion­naires au sein du sys­tème judi­ciaire la force qu’il leur fal­lait pour reprendre la vieille stra­té­gie, de saper la démo­cra­tie sous cou­vert de la défendre. Des juges comme Prin­zing peuvent déjà se per­mettre de faire la sourde oreille aux cri­tiques des libé­raux et de l’o­pi­nion publique. Il joue les Goeb­bels à la radio, depuis sa salle d’au­diences, conseillant à la presse de ne pas aller à l’en­contre de l’i­mage vou­lue, et n’hé­si­tant pas, sous les ins­truc­tions du Pro­cu­reur Géné­ral, à agir comme si les direc­tives gou­ver­ne­men­tales étaient lettre morte.

Le résul­tat est que la défense a appa­rem­ment repris le rôle d’a­vant-garde de la résis­tance, à la place des chefs du groupe B.-M., désor­mais para­ly­sés. Appa­rem­ment, car ils ne vont bien sûr pas prendre de risques, comme l’a­vaient fait les avo­cats mis au ban. S’ils opposent une résis­tance au déve­lop­pe­ment d’un État poli­cier, c’est avec la cau­tèle de gens lor­gnant d’un œil inquiet vers leur propre ave­nir, se sou­ve­nant de l’é­tat d’a­vi­lis­se­ment auquel avait été rava­lée leur pro­fes­sion sous Hit­ler. Le public reste apa­thique, tant qu’au­cun spec­tacle à sen­sa­tion ne s’offre à lui Les clow­ne­ries d’un Teu­fel, l’a­gres­sion ver­bale d’un Baa­der, ont dis­pa­ru sous l’in­fluence léni­fiante de la défense. Le mou­ve­ment de pro­tes­ta­tion à l’ex­té­rieur n’est plus dirige par l’É­tat-Major B.-M. assis­té de défen­seurs acquis à leur cause.

Et c’est pour cela que les mani­fes­ta­tions de pro­tes­ta­tion font place à des actions spon­ta­nées d’un autre ordre, menées par de nou­veaux groupes de révol­tés, sous l’ins­pi­ra­tion du moment. De petites uni­tés qui agissent et dis­pa­raissent. Voi­là une nou­velle et inquié­tante menace pour le sys­tème de « loi et d’ordre ». Ils iront sabo­ter une ins­tal­la­tion nucléaire, ou met­tront le feu quelque part. La police estime avoir des rai­sons de croire qu’un acte de mal­veillance est à l’o­ri­gine de l’in­cen­die qui rava­gea la lande de Lune­bourg. La nou­velle levée de révol­tés agissent de leur propre chef quand ils jouent les incen­diaires. Et à qui la faute s’ils estiment qu’il y a moins de risque, qu’il revient moins cher, de mar­quer le coup de cette façon, plu­tôt que de se livrer a l’a­chat, à la contre­bande et au sto­ckage d’armes. Contre les places-fortes de l’É­tat, contre les opu­lents comp­toirs du monde des grosses affaires, le feu peut faire autant d’ef­fets que les explo­sifs. Et la res­pon­sa­bi­li­té doit en reve­nir à ceux qui sup­priment les droits des gens à la libre expres­sion, et mettent leurs orga­ni­sa­tions hors-la-loi.

La mort de Hol­ger Meins a, sans aucun doute, don­né aux huma­nistes et aux réfor­mistes le coup de fouet cin­glant dont ils avaient besoin pour mobi­li­ser leurs forces de pro­tes­ta­tion. Mais la frayeur et la han­tise qu’é­voque chez eux la pers­pec­tive d’une nou­velle prise de la Bas­tille sont tout aus­si vives que chez ceux qui élèvent de nou­velles pri­sons modernes, plus impé­né­trables encore, et mettent leur espoir dans l’ef­fet de dis­sua­sion pro­duit par la menace d’une cap­ti­vi­té à laquelle on n’é­chappe pas, jointe à la cer­ti­tude d’un trai­te­ment inhu­main. Les symp­tômes d’un malaise gran­dis­sant vont en s’am­pli­fiant dans tous les sec­teurs. Les obses­sions para­noïaques des gou­ver­nants ont atteint le seuil du dérè­gle­ment men­tal. La R.A.F. es tout à son idée fixe que l’ac­tion armée d’une mino­ri­té doit empor­ter l’adhé­sion des masses impa­tientes. Les hommes qui ont le pou­voir, et peur de se voir ren­ver­ser, par­tagent l’o­pi­nion selon quoi n’im­porte quelle action vio­lente, aus­si mal conçue et mal exé­cu­tée qu’elle soit, pour­rait consti­tuer l’é­tin­celle qui leur serait fatale. Les bour­geois qui sou­tiennent la R.A.F. ou les hommes de loi qui les défendent sont-ils de simples oppor­tu­nistes, ou des idéa­listes confus ? Le groupe B.-M. a été mis hors de com­bat. La plu­part des groupes qui avaient pris la relève ont été cap­tu­rés. L’ob­jec­tif du gou­ver­ne­ment actuel est désor­mais d’é­cra­ser tous les sym­pa­thi­sants capables d’en­tre­te­nir de nou­veaux troubles. Il va être inté­res­sant de voir com­ment les sou­tiens libé­raux vont s’y prendre pour évi­ter d’être four­rés dans le même sac que les anarchistes.

Les méca­nismes d’une répression

Le pro­cès Baa­der-Mein­hof, qui a débu­té à Stutt­gart le 21 mai, pour­rait durer deux ans, et coû­te­ra quelque 15 mil­lions de D.M. Les chefs d’in­cul­pa­tion sont : assas­si­nat, ten­ta­tive d’as­sas­si­nat, vol, vol à main armée, com­plots visant à réa­li­ser des atten­tats à la bombe dans toute l’Al­le­magne de l’Ouest, et ils portent entre autres sur la ten­ta­tive d’as­sas­si­nat contre le juge Bud­den­berg de la Haute Cour, et les atten­tats contre le Q.G. des forces armées amé­ri­caines à Hei­del­berg, et contre les bureaux du groupe d’é­di­tions Sprin­ger à Ham­bourg. La liste des chefs d’ac­cu­sa­tion rem­plit 354 pages. La pri­son de Stamm­heim à Stutt­gart, construite récem­ment, est main­te­nant une for­te­resse ultra-moderne. Les dis­po­si­tifs de sécu­ri­té sur­passent ceux d’un com­plexe nucléaire amé­ri­cain. Il est impos­sible à un héli­co­ptère de se poser sur le toit. Des engins télé­gui­dés ne pour­raient atteindre leur cible. Il y a 400 gar­diens spé­ciaux. 100 gar­diens sup­plé­men­taires pour la durée du pro­cès. 300 gardes du corps pour per­son­na­li­tés. 800 pis­to­lets-mitrailleurs nou­veaux, 200 pis­to­lets Wal­ther 9 mm. des fusils de pré­ci­sion, etc.

En 5 ans, les cré­dits pour la police des dis­tricts régio­naux (Län­der) sont pas­sés de 2,5 mil­liards de D.M. à 5,1 mil­liards. La police natio­nale reçoit 6 fois plus qu’en 1969. Il y a 3 semaines, elle a reçu une ral­longe de 7,2 mil­lions de DM sup­plé­men­taires. La police a reçu carte blanche pour for­mer des « T » – com­man­dos spé­ciaux, des « Ein­satz-Ueber­fall Kom­man­dos » à la Noske et à la Himm­ler, mais équi­pés des moyens tech­niques les plus récents. Gerhard Boe­den est désor­mais chef de la sec­tion « T » (T pour Ter­ro­risme) du B.K.A. (Ser­vice Cri­mi­nel Fédé­ral). Il dis­pose de 180 spé­cia­listes triés sur le volet. Sa mis­sion : cap­tu­rer les membres de la R.A.F. et des groupes qui ont pris la relève. D’a­près lui, ce tra­vail va le tenir occu­pé pen­dant les 10 années à venir.

- 1re tâche : l’é­tude de tous les dos­siers, rap­ports secrets et publi­ca­tions anar­chistes. Créa­tion d’un Centre de docu­men­ta­tion com­plet sur l’Anarchisme.
– 2e tâche : Des recherches effi­caces et une infor­ma­tion plus large du public à tra­vers les média, afin d’ob­te­nir la pleine coopé­ra­tion des citoyens.
‑3e tâche : Être sur le qui-vive pour guet­ter les com­man­dos de la R.A.F. en dépla­ce­ment et les membres indi­vi­duels dans la clan­des­ti­ni­té ; et la détec­tion des com­plices et auxi­liaires «  en règle avec la loi » (qui leur servent de paravent — N.d.T.).
– 4e tâche : La coor­di­na­tion des forces de police du monde occi­den­tal dans un effort com­mun pour décou­vrir la conspi­ra­tion inter­na­tio­nale anarchiste.

« Les « T » men vont sur­veiller les sus­pects anar­chistes 24 heures sur 24 ».

Le chef du gou­ver­ne­ment, Hel­mut Schmidt, a décla­ré qu’il aime­rait avoir un genre de F.B.I. Allemand.

Le B.K.A. (Ser­vice Cri­mi­nel Fédé­ral) dis­po­sait en 1969 de 22 mil­lions et de 900 membres pour son tra­vail. Aujourd’­hui, on en est à 137 mil­lions et 2 200 poli­ciers. D’a­près Hel­mut Schmidt, le B.K.A. est désor­mais une des meilleure forces de lutte anti-cri­mi­nelle du monde. Horst Herold a réa­li­sé cet exploit, mais déclare avec modes­tie qu’il faut en remer­cier les tueurs anar­chistes. Le centre d’or­di­na­teur de Wies­ba­den a éta­bli 2 000 pro­grammes. Il y a 600 ter­mi­naux visuels répar­tis dans le réseau de com­mis­sa­riats d’Al­le­magne de l’Ouest. En quelques secondes, une demande de ren­sei­gne­ments locale est trans­mise et reçoit une réponse. Le nombre d’ar­res­ta­tions est pas­sé de 100 à 140 par jour. Une liste de 100 000 voi­tures volées, de plu­sieurs mil­liers de pas­se­ports volés ou per­dus, de 160 000 armes à feu, a été mise en mémoire par l’ordinateur.

Quand Herold devint res­pon­sable du B.K.A., son ser­vice avait 1,7 mil­lions de dos­siers, 3 mil­lions de fiches, et plu­sieurs mil­lions de pho­to­gra­phies et d’empreintes digi­tales. Il avait été le chef de la police de Nurem­berg, dont il avait moder­ni­sé le fonc­tion­ne­ment, réus­sis­sant à faire bais­ser la cri­mi­na­li­té. Le ministre de la Jus­tice Gen­scher, au vu de ces résul­tats, lui four­nit cré­dits, per­son­nel, et son appui moral. Herold intro­dui­sit les méthodes de cri­mi­no­lo­gie sys­té­ma­tique /​ géo­gra­phique l’é­ta­blis­se­ment d’un dos­sier com­plet sur la per­son­na­li­té et les habi­tudes d’un cri­mi­nel ; les crimes qu’il a com­mis, à quel endroit et à quelle date, les méthodes uti­li­sées, la façon de prendre le large, etc. Théo­ri­que­ment des­ti­nés à la pré­ven­tion de la cri­mi­na­li­té, les prin­cipes de la cri­mi­no­lo­gie sys­té­ma­tique furent appli­qués à la grande bat­tue orga­ni­sée contre les meneurs du groupe Baa­der-Mein­hof. Herold fit preuve de prag­ma­tisme, encou­ra­gé par Gen­scher, et n’hé­si­ta pas à agir en dehors de la léga­li­té. Il étu­dia les textes de la Nou­velle Gauche sur la gué­rilla urbaine, l’i­déo­lo­gie mar­xiste et le ter­ro­risme inter­na­tio­nal. Il se retrou­va iso­lé par rap­port aux chefs des ser­vices de police des autres régions d’Al­le­magne de l’Ouest, et récla­ma une légis­la­tion qui lui accor­de­rait des pou­voirs élar­gis en matière de Sûre­té de l’É­tat. Il l’ob­tint après l’as­sas­si­nat de Drenkmann.

« Nous pou­vons désor­mais dépla­cer nos réserves mobiles d’in­ter­ven­tions pour des opé­ra­tions coor­don­nées ». Des rap­ports confi­den­tiels révé­lant des influences de l’Ar­mée Rouge japo­naise en Europe et les acti­vi­tés du groupe Baa­der-Mein­hof et du groupe du 2 juin dans le sud de la Suède indi­quaient qu’une nou­velle action se pré­pa­rait pour obte­nir la libé­ra­tion de déte­nus. En avril, Bonn mit sur pied une coor­di­na­tion natio­nale de toutes les forces de police d’Al­le­magne, et orga­ni­sa les échanges d’in­for­ma­tion à l’é­tran­ger à tra­vers Inter­pol. Après l’en­lè­ve­ment de Lorenz et le siège de Stock­holm. Schmidt pas­sa la légis­la­tion enté­ri­nant la cen­tra­li­sa­tion du B.K.A., qui est pré­vue pour une durée de 25 ans.

Les moyens du centre de recherches du B.K.A. de Herold, affirme-t-il, inter­di­ront tout pas­sage de ter­ro­ristes au tra­vers des mailles du filet. Cepen­dant, la plu­part des arres­ta­tions effec­tuées jus­qu’à pré­sent ne l’ont pas été grâce à la supé­rio­ri­té des moyens de la police, mais soit à cause de dénon­cia­tions envoyées par des citoyens, soit à la suite d’ac­ci­dents. Le ministre de l’In­té­rieur Mai­ho­fer et Herold se vantent d’a­voir réus­si à infil­trer leurs agents dans les milieux anar­chistes, mais en réa­li­té, les agents des ser­vices de sécu­ri­té n’ont guère réus­si à prendre que quelques jeunes sans résis­tance, qui ont accep­té de jouer les indi­ca­teurs sous la menace alliée aux offres de récom­pense. Mai­ho­ter a décla­ré avec satis­fac­tion : « Les ter­ro­ristes ont ame­né la soli­da­ri­té de tous les démo­crates du gou­ver­ne­ment et de l’op­po­si­tion. Les agis­se­ments des ter­ro­ristes ont retour­né les citoyens contre eux. » Et les porte-paroles de la loi et de l’ordre de conti­nuer sur le mode : il y a encore un cer­tain nombre de membres hau­te­ment dan­ge­reux de plu­sieurs groupes déci­dés à la vio­lence qui sont en liber­té, et qui pour­raient ins­pi­rer l’i­ni­tia­tive de nou­velles actions armées. Il y a de nom­breux des­pe­ra­dos qui sont prêts à suivre leurs direc­tives. Et il y a les sym­pa­thi­sants, qui aident à pré­pa­rer de nou­velles actions. La police recherche encore 27 dan­ge­reux acti­vistes connus. Depuis 1972, 94 per­sonnes recher­chées pour leur appar­te­nance au groupe Baa­der-Mein­hof ou au groupe du 2 juin ont été arrê­tées. Le nombre des acti­vistes en puis­sance est éva­lué à une cen­taine, et celui des sou­tiens entre 200 et 300. Les pépi­nières de ter­ro­ristes ont été les orga­ni­sa­tions telles que le S.P.K. (Col­lec­tif Socia­liste des Malades), les groupes radi­caux de squat­ters, les Comi­tés contre la Tor­ture et les Comi­tés d’Aide et de Défense des Pri­son­niers. Jus­qu’à pré­sent la police avait besoin, pour agir, d’être requise par l’au­to­ri­té judi­ciaire : par exemple, il fal­lait un arrê­té d’ex­pul­sion pour faire éva­cuer des squat­ters. Les auto­ri­tés déci­dèrent : « Nous devons évi­ter de leur don­ner des pré­textes à agi­ta­tion. Nous y par­vien­drons si nous nous can­ton­nons stric­te­ment au pro­ces­sus juri­dique. Nous ne devons pas tom­ber dans le piège de la pro­vo­ca­tion, en réagis­sant avec une force dis­pro­por­tion­née, ce qui cor­res­pon­drait pré­ci­sé­ment à leurs inten­tions : pous­ser notre État démo­cra­tique, garant des droits du citoyen, au point où nous agi­rions comme un État poli­cier ». Mais l’ac­tion de notre police depuis quelque temps nous a four­ni des élé­ments d’a­na­lyse pré­cieux. Nous savons main­te­nant sur quelles bases logis­tiques nos adver­saires sont orga­ni­sés. Ce qui nous donne de quoi lan­cer de nou­veaux coups de filet déci­sifs. Les arres­ta­tions qui ont sui­vi ont créé un sen­ti­ment d’insécurité ».

Après la mise hors de com­bat du noyau dur, l’o­pé­ra­tion sui­vante avait pour but d’empêcher les com­mu­ni­ca­tions entre les déte­nus du groupe B.-M. et leurs sym­pa­thi­sants au dehors. Au début de 1975, la légis­la­tion exis­tante fut modi­fiée. Le siège de Stock­holm avait four­ni des preuves que les avo­cats de la défense avaient abu­sé de leurs rap­ports avec les pri­son­niers pour faire pas­ser des mes­sages à des déte­nus dans d’autres pri­sons et à des sym­pa­thi­sants hors des pri­sons. L’a­vo­cat de Mah­ler, Otto Schi­ly, bien qu’il n’ait aucune affi­ni­té avec les ter­ro­ristes, fut exclu de la défense de Gudrun Enss­lin, sous la fausse accu­sa­tion d’a­voir favo­ri­sé des échanges d’in­for­ma­tions. L’a­vo­cat Crois­sant fut exclu de la défense de Baa­der. Il réus­sit à obte­nir un per­mis de visite per­ma­nente pour voir Ulrike Mein­hof et dis­cu­ter avec elle de ques­tions liées à un pour­voi en cas­sa­tion de Gudrun Enss­lin. Un arrê­té du tri­bu­nal lui inter­dit de rendre visite à Mah­ler. La C.D.U. récla­ma le vote d’une loi sou­met­tant tous les contacts des avo­cats de la défense au contrôle du tri­bu­nal. Cette pro­po­si­tion fut alors reje­tée à cause des cri­tiques de l’en­semble des avo­cats et des Libé­raux, mais Stock­holm vint tout chan­ger. Des lois d’ur­gence, pas­sées à la hâte, don­nèrent aux tri­bu­naux le droit de réduire le nombre des avo­cats de la défense. La pro­cé­dure fut modi­fiée, inter­di­sant aux défen­seurs de faire des décla­ra­tions au cours d’un pro­cès, et per­met­tant d’ex­clure les incul­pés des audiences, et de pro­non­cer les condam­na­tions en leur absence. On envi­sa­gea d’in­tro­duire l’im­mu­ni­té pénale pour les incul­pés qui témoi­gne­raient pour l’ac­cu­sa­tion, et de sur­veiller les dis­cus­sions entre avo­cats et prévenus.

Les avo­cats exclus sont : l’a­vo­cat Jörg Lang, de Stutt­gart (soup­çon­né d’ap­par­te­nir à la R.A.F. ; entré dans la clan­des­ti­ni­té), Sieg­fried Haag (arrê­té le 9 mai, accu­sé d’a­voir aidé des ter­ro­ristes à faire pas­ser des armes par la fron­tière suisse), et Kurt Grö­ne­wold, de Ham­bourg. On accu­sa les avo­cats d’a­voir per­mis la coor­di­na­tion de grèves de la faim dans dif­fé­rentes pri­sons, et d’a­voir encou­ra­gé les sym­pa­thi­sants à de nou­velles actions vio­lentes. Les avo­cats com­mis d’of­fice en rem­pla­ce­ment, quand ils ne furent pas récu­sés par les accu­sés qui se rebel­laient, se trou­vèrent dans l’im­pos­si­bi­li­té maté­rielle d’é­tu­dier au pied levé 50 000 pages de dos­siers, et les dépo­si­tions des 996 témoins pré­vus (et dont aucun n’a d’ailleurs assis­té à un seul des épi­sodes de l’af­faire). 80 experts, la plu­part cités par l’ac­cu­sa­tion, doivent faire quelque 1 000 dépo­si­tions dis­tinctes, où ils dépo­se­ront des conclu­sions concer­nant une mon­tagne d’armes, de pièces sai­sies lors de per­qui­si­tions, etc. La défense récu­se­ra cer­tai­ne­ment les experts enga­gés par l’ac­cu­sa­tion, et sou­mis aux pres­sions de la police. On pou­vait pré­voir que le tri­bu­nal condui­rait le pro­cès sans les accu­sés, comme lors du pro­cès du S.P.K. C’est ce qui se pro­dui­sit. Pen­dant le mois d’août, les débats furent constam­ment inter­rom­pus. Enss­lin et Raspe refu­sèrent de par­ti­ci­per et pro­vo­quèrent leur exclu­sion par le juge Prin­zing en le trai­tant de : vieux singe, porc fas­ciste et trou-du-cul.

Nous vou­drions rap­pe­ler à nos cama­rades que l’homme qui mène le pro­cès de Stutt­gart, le juge Prin­zing, est celui-là même qui fut res­pon­sable du trai­te­ment infli­gé à Hol­ger Meins [[Hol­ger Meins, déte­nu à la pri­son de Wit­tlich, dans l’Eif­fel, subis­sait l’a­li­men­ta­tion for­cée depuis le 30 sep­tembre. Il fut déli­bé­ré­ment sous-ali­men­té par les méde­cins, qui à la fin ne lui four­nis­saient que 160 calo­ries par jour ! (Mini­mum vital : 1 600 cal.) Hol­ger Meins mou­rut le 9 novembre. Il pesait alors 42 kg. (N.d.T.)]] ! De la façon dont il conduit les débats, toute demande pré­sen­tée par la défense est du sabo­tage, et d’a­près lui, ain­si que d’a­près ses autres col­lègues ayant voix au cha­pitre, il est du devoir des défen­seurs d’ai­der à empê­cher les déte­nus de « faire usage de vio­lence contre l’É­tat » en com­met­tant une grève de la faim. Si cet homme n’é­tait pas le sinistre cré­tin qu’il est — et en tant que tel il est le type même des indi­vi­dus dont l’É­tat a besoin pour rendre l’in­jus­tice sans rou­gir — l’I.A.T. lui enver­rait des mor­ceaux choi­sis des écrits de Tuchols­ki sur les Cours de Jus­tice et les juges, leur hypo­cri­sie éhon­tée et leur morgue imbécile.

Lorsque le pro­cès reprit, l’é­tat des accu­sés était tel qu’on cer­ti­fia qu’ils étaient inca­pables d’as­sis­ter aux débats. L’exa­men médi­cal révé­la que leur déla­bre­ment phy­sique est dû à un régime de déten­tion inhu­main. Le juge Prin­zing eut le culot de décla­rer que les déte­nus s’é­taient ren­dus cou­pables d’a­voir pro­vo­qué leur mau­vais état de san­té, en fai­sant la grève de la faim. Le pro­cès sui­vra donc son cours, que les incul­pés soient pré­sents ou non. M’est avis que le juge Prin­zing a signé sa propre condam­na­tion à mort !

Les Komi­tees gegen Fol­ter (Comi­tés contre la Tor­ture), Ham­bourg 60, Alster­dor­fer Str. 85, ont publié des décla­ra­tions faites par les accu­sés pen­dant le procès.

En iso­lant les avo­cats de la défense et les pré­ve­nus, le tri­bu­nal s’i­sole de toute jus­tice et devient une paro­die. En vio­lant les droits démo­cra­tiques des citoyens (même d’a­près les cri­tères d’une consti­tu­tion moins démo­cra­tique que celle de la Répu­blique de Wei­mar), les auto­ri­tés de Bonn, bien mal­gré elles, jus­ti­fient les rebelles du groupe B.-M. Ils ont réus­si à for­cer l’É­tat à employer des méthodes d’É­tat poli­cier. C’est ce qu’ex­pri­mait Gudrun Enss­lin dans une cir­cu­laire de pri­son, inter­cep­tée par les auto­ri­tés : « Il faut faire cra­quer le sys­tème en retour­nant la pointe de la lance et en for­çant les flics à agir en contra­dic­tion avec leur idéo­lo­gie ». La mort du gré­viste de la faim Hol­ger Meins a révé­lé l’in­hu­ma­ni­té du sys­tème péni­ten­tiaire. Résul­tat : des mani­fes­ta­tions de masse et une répres­sion vio­lente ; créa­tion de com­man­dos Hol­ger Meins. L’ar­res­ta­tion de Sieg­fried Haag a ame­né l’ap­pa­ri­tion d’un nou­veau com­man­do Haag. Bonn affirme que la nou­velle ligne dure a for­cé les com­man­dos à repor­ter leurs bases à l’é­tran­ger. Le siège de Stock­holm fut un coup man­qué, mal pré­pa­ré, mais il a mis en évi­dence un nou­veau fait alar­mant : l’u­ti­li­sa­tion d’ex­plo­sions télé­com­man­dées pour faci­li­ter la fuite. Le groupe du 2 juin a fait preuve, dans ses opé­ra­tions, de plus de sang-froid, de plus d’in­tel­li­gence dans la pré­pa­ra­tion, et s’est mon­tré plus impi­toyable. L’o­pi­nion publique serait : l’a­nar­chisme violent n’a aucune chance en Alle­magne, mais cela ne veut pas dire que l’a­nar­chisme ne trou­ve­ra plus d’ac­ti­vistes à l’a­ve­nir. Mah­ler s’est répé­té à dire que la lutte vio­lente contre l’É­tat doit être pour­sui­vie, même s’il n’y a aucune pers­pec­tive de suc­cès. Il chan­gea d’a­vis, et décla­ra dans une émis­sion à la télé­vi­sion, durant l’en­lè­ve­ment de Lorenz, (sui­vant en cela la ligne des com­mu­nistes aus­si bien que de Bonn) que le ter­ro­risme indi­vi­duel de petits groupes ne ser­vait à rien. Autres avis émis par des membres du public : « Les groupes ter­ro­ristes sont deve­nus trop pru­dents. Ils évitent les contacts avec d’autres groupes. La lutte iso­lée dans la conspi­ra­tion, c’est la nou­velle stra­té­gie. Beau­coup de membres de telles bandes ont des emplois ordi­naires. Ils font du ter­ro­risme après les heures de tra­vail. Avec les meneurs en pri­son, les autres qui res­tent en liber­té font pen­ser à un boxeur en mau­vaise pos­ture : il devient plus dangereux. »

Le K.O. final peut sem­bler iné­luc­table, puisque le nombre des acti­vistes a été réduit. Mais tant que sub­sistent des sym­pa­thi­sants, le dan­ger n’est pas écar­té. C’est pour­quoi la pro­haine étape va être la ten­ta­tive de la police d’é­cra­ser les Comi­tés exis­tant contre la tor­ture. et pour l’aide ou le sou­tien aux pri­son­niers — les anar­chistes véri­tables. En exploi­tant l’hos­ti­li­té du public contre les ter­ro­ristes, il sera aisé de dési­gner les groupes anar­chistes comme étant des « asso­cia­tions de mal­fai­teurs ». Inter­pol exerce une sur­veillance assez étroite, par exemple, sur les Japo­nais qui s’ex­pa­trient au-des­sous de l’âge de 30 ans. Il y a quelques mois, il y eut une des­cente sur un appar­te­ment à Londres, où avaient habi­té des membres de l’Ar­mée Rouge japo­naise qui étaient recher­chés. Après cer­taines des actions des GARI, la col­la­bo­ra­tion des ser­vices de sécu­ri­té espa­gnols, fran­çais et bri­tan­niques se mon­tra clai­re­ment à Londres. Et voi­là que le chef du ser­vice cri­mi­nel d’Al­le­magne de l’Ouest a décla­ré : « J’es­saie­rai d’or­ga­ni­ser une confé­rence des ministres à l’é­chelle euro­péenne, et d’u­ti­li­ser cette plate-forme pour pro­mou­voir une ini­tia­tive d’en­ver­gure à l’é­chelle inter­na­tio­nale, afin de par­ve­nir à un accord de tous les États civi­li­sés du monde. Quand cet objec­tif aura été atteint, le chan­tage à la ter­reur aura per­du sa rai­son d’être, et les seuls endroits où l’on pour­ra se réfu­gier seront le Pôle Nord ou le Sahara ».

Les anar­chistes ne s’en laissent pas conter. Plus les groupes qui œuvrent pour la révo­lu­tion sociale sont trai­tés d’« asso­cia­tions de mal­fai­teurs », plus les tra­vailleurs com­ba­tifs se ren­dront compte de la com­mu­nau­té de leurs inté­rêts essen­tiels. L’exis­tence de petits groupes liber­taires est un fait uni­ver­sel, comme l’est la menace qu’ils repré­sentent poten­tiel­le­ment pour les gou­ver­ne­ments. La manière dont le pro­cès B.-M. sera mené peut encore ame­ner un ren­ver­se­ment de l’hos­ti­li­té des tra­vailleurs contre les étu­diants, comme en France en 1968. L’i­dée de liber­té ne peut être effa­cée par aucun État, qu’il uti­lise la force brute, la ruse men­son­gère, l’a­bus psy­chia­trique, le lavage de cer­veau, ou l’a­néan­tis­se­ment chi­rur­gi­cal de la conscience. Le besoin de libé­ra­tion est aus­si élé­men­taire et invin­cible que la nature. Toute ten­ta­tive pour l’é­touf­fer ne fait que le ren­for­cer, et mon­ter la peur de ses adver­saires. Voi­là pour­quoi nous ne nous join­drons pas au choeur des nou­veaux Ebert et des Noske, et de leurs amis réac­tion­naires, qui croient avoir vain­cu le groupe B.-M. et le mou­ve­ment du 2 juin. Ces cama­rades ont ame­né leur propre défaite en com­met­tant l’er­reur de croire que l’i­déo­lo­gie du mili­ta­risme rouge est iden­tique à la Révo­lu­tion Sociale.

Un autre Pro­cès Baader-Meinhof

À Kai­sers­lau­tern, l’an­cien palais des sports, le « Jahn­platz », a été trans­for­mé en for­te­resse. 8 camé­ras mobiles assurent une sur­veillance per­ma­nente. Les lieux sont entou­rés d’une double clô­ture de bar­be­lés. Les abords, la forêt et l’es­pace aérien sont sous contrôle per­ma­nent. 300 poli­ciers assurent la garde 24 heures sur 24. Les frais de construc­tion se montent à D.M. 500 000, plus encore D.M. 500 000 pour les dis­po­si­tifs tech­niques de sécu­ri­té. Les accu­sés sont : Man­fred Gra­shof, Klaus Jün­shke et Wolf­gang Grund­mann. Chefs d’in­cul­pa­tion : « par­ti­ci­pa­tion à une asso­cia­tion de mal­fai­teurs », attaques de banque et assas­si­nat. L’at­taque de banque se dérou­la en 1971 à Kai­sers­lau­tern avec Ulrike Mein­hof, Andreas Baa­der, Gudrun Enss­lin, et Cari Raspe, et le meurtre fut celui du poli­cier Her­bert Scho­ner. L’at­ten­tat à la bombe contre le Q.G. amé­ri­cain à Franc­fort sui­vit (1 mort, 11 bles­sés). Gra­shof est res­pon­sable de la mort de l’of­fi­cier de police Hans Eck­ha­rolt à Franc­fort, ain­si que de la ten­ta­tive d’as­sas­si­nat d’un poli­cier à Franc­fort. Grund­mann est res­pon­sable d’une attaque de banque à Lud­wig­sha­fen qui rap­por­ta D.M. 285 000.

L’Al­le­magne judiciaire

Le 23 juillet, la police a per­qui­si­tion­né les bureaux des avo­cats Groe­ne­wold, Köncke et Rogge. Les appar­te­ments per­son­nels de toutes les per­sonnes tra­vaillant au ser­vice de ces avo­cats, y com­pris celui de la femme de ménage, furent fouillés. 13 per­sonnes furent conduites dans des com­mis­sa­riats aux fins d’in­ter­ro­ga­toires, durant par­fois 9 heures. Les avo­cats sont soup­çon­nés d’a­voir por­té aide et sou­tien à une orga­ni­sa­tion de mal­fai­teurs (R.A F. et mou­ve­ment du 2 juin) en obte­nant et en fai­sant pas­ser du maté­riel d’in­for­ma­tion venant de pri­son­niers appar­te­nant au groupe Baader-Meinhof.

L’o­pé­ra­tion de police fut exé­cu­tée par des membres du B.K.A. (ser­vice de police cri­mi­nelle d’Al­le­magne de l’Ouest), ain­si que par des res­pon­sables locaux de la police poli­tique et du ser­vice « T » qui vient d’être créé. L’o­pé­ra­tion fut menée sur l’en­semble du ter­ri­toire (Hei­del­berg, Ber­lin, Stutt­gart, Ham­bourg). À 7 heures de matin des cor­dons de poli­ciers armés de pis­to­lets-mitrailleurs iso­lèrent les bureaux. Les per­qui­si­tions durèrent de 9 h. À 22 h. Tous les dos­siers ayant trait à la défense dans l’af­faire Baa­der-Mein­hof furent confis­qués. Les fouilles domi­ci­liaires des appar­te­ments pri­vés prirent quelque 4 heures, avec une atten­tion par­ti­cu­lière à la recherche d’empreintes. Tout docu­ment impri­mé à carac­tère poli­tique, manus­crits, notes, tout ce qui por­tait une adresse ou un numé­ro de télé­phone, fut éga­le­ment embar­qués. Quand il y a avait des machines à écrire, on tapa des lettres-échan­tillons aux fins d’a­na­lyse ; et on fit des cro­quis des lieux. Deux des 13 per­sonnes emme­nées pour être inter­ro­gées furent arrê­tées en pleine rue. L’une d’entre elles dut se mettre face au mur et fut fouillée pour voir si elle était armée.

Les bureaux de Strö­bele et de ses col­lègues Klaus Eschen et Hen­ning Span­gen­berg, ain­si que leurs appar­te­ments, furent per­qui­si­tion­nés. Strö­bele a été arrê­té, de même que Croissant.

L’a­vo­cat Crois­sant est main­te­nu en déten­tion préventive.

L’a­vo­cat Strö­bele a été libé­ré sous cau­tion. Les magis­trats furent sur­pris de voir que le mon­tant exces­sif (D.M. 80 000 — N.d.T.) de la cau­tion avait été réuni par des sym­pa­thi­sants, et consen­tirent à sa libé­ra­tion, étant don­né qu’il sem­blait peu pro­bable qu’il tente de s’é­chap­per en Irlande ou au Moyen Orient. De plus, des cir­cu­laires d’in­for­ma­tion éma­nant de lui mon­traient qu’il n’in­cli­nait nul­le­ment vers l’a­nar­chisme. Il écri­vait : « (…) en tant qu’­homme de loi, un défen­seur ne peut pas fonc­tion­ner comme le bras agis­sant de pri­son­niers poli­tiques, pas plus que de leurs sym­pa­thi­sants à l’ex­té­rieur ». Baa­der l’a­vait expri­mé plus bru­ta­le­ment : « Strö est un avo­cat libé­ral, qui consi­dère nos pro­cès comme un moyen d’a­van­cer ses propres inté­rêts (…) il n’est pas politisé ».

Extraits des arrê­tés des tribunaux

Les incul­pés, Kurt Groe­ne­wold et d’autres indi­vi­dus, ont — depuis 1973 — sou­te­nu une asso­cia­tion de mal­fai­teurs en par­ti­ci­pant à un réseau dit « info » (d’in­for­ma­tion). Ce réseau a ser­vi, entre autres, à main­te­nir sur pied le cadre orga­ni­sa­tion­nel de l’as­so­cia­tion Baa­der-Mein­hof, en patron­nant la pré­pa­ra­tion de nou­velles actions ter­ro­ristes et en ser­vant de direc­tion aux membres et sym­pa­thi­sants non encore arrê­tés, per­met­tant ain­si la mise en œuvre de visées cri­mi­nelles mal­gré l’emprisonnement du « noyau dur » (Baa­der, Mein­hof, Enss­lin, Raspe et d’autres). (…) »

Signé : Kuhn, juge de la Cour Fédé­rale de Karlsruhe.

« (…) Le Dr. Claus Crois­sant, avo­cat, est soup­çon­né d’a­voir sou­te­nu une orga­ni­sa­tion et d’a­voir fait de l’a­gi­ta­tion en sa faveur, orga­ni­sa­tion consti­tuée en vue de com­mettre des actions cri­mi­nelles. À Stutt­gart et en d’autres lieux, en rap­port étroit avec Groe­ne­wold à Ham­bourg, et l’a­vo­cat Strö­bele à Ber­lin, il a depuis 1973 fait cir­cu­ler de pré­ten­dues cir­cu­laires d’in­for­ma­tion des cel­lules, sous le nom de « Ver­tei­di­ger-Post » (« Cour­rier de la Défense »), et d’autres infor­ma­tions écrites par des membres de la bande Baa­der-Mein­hof et com­mu­ni­quées aux déte­nus Bern­hard Braun, Hein­rich Jan­sen et Rolf-Gerhard Heiss­ler, des membres de la bande incar­cé­rés à la pri­son de Strau­bing, Munich, et à la pri­son de Moa­bit, Ber­lin (…). Sui­vant les direc­tives du chef de la bande, Baa­der, il a exer­cé une forte influence sur Braun et sur Man­fred Gra­shof, un membre de la bande (oct. nov. 1974), incar­cé­rés à Zwei­brü­cken, et qui entre­prirent une grève de la faim col­lec­tive (…). Sui­vant les direc­tives des meneurs de la bande, il orga­ni­sa de nom­breuses réunions publiques et confé­rences de presse en Alle­magne et à l’é­tran­ger, afin de faire naître un mou­ve­ment d’o­pi­nion inter­na­tio­nal, qui s’in­té­res­se­rait aux membres de l’as­so­cia­tion de mal­fai­teurs et à leurs des­seins soi-disant poli­tiques. Ceci est une infrac­tion au § 129 du St. G.B., et par consé­quent un motif d’ar­res­ta­tion. Il y a lieu de croire qu’il pour­rait ten­ter de s’é­chap­per. L’ar­res­ta­tion de son com­plice, l’a­vo­cat Strö­bele à Ber­lin, a éga­le­ment été ordonnée ».

Signé : Juge Han­sel, Tri­bu­nal de Stuttgart. 

Les avo­cats mis au ban réclament :

  1. La libé­ra­tion des avo­cats arrê­tés, Crois­sant et Ströbele.
  2. La levée de l’in­ter­dic­tion faite à ces avo­cats par les tri­bu­naux de pour­suivre leurs acti­vi­tés professionnelles.
  3. L’a­bo­li­tion des lois d’ex­cep­tion qui restreignent les droits des avo­cats de la défense.
  4. Une conduite des pro­cès poli­tiques en Alle­magne de l’Ouest conforme aux prin­cipes inter­na­tio­naux recon­nus, garan­tis­sant la pro­tec­tion des incul­pés et de leurs défenseurs.

Se sont décla­rés soli­daires de ces exigences :
– 100 avo­cats et juges à Munich et à Augsbourg
– des avo­cats de Hambourg ;
– 31 pro­fes­seurs de Droit ;
– 30 avo­cats ita­liens, hol­lan­dais et suédois ;
– 188 avo­cats américains ;
– des ensei­gnants, étu­diants, des juges. des tra­vailleurs sociaux et des avo­cats belges, ita­liens et hol­lan­dais à Goutelas ;
– un com­mu­ni­qué de pro­tes­ta­tion du Comi­té Inter­na­tio­nal pour la défense des pri­son­niers poli­tiques en Europe ;
– un com­mu­ni­qué de soli­da­ri­té de la Hal­dane Socie­ty (groupe de pres­sion libé­ral pour la réforme juri­dique — N.d.T.) de Grande-Bretagne.

Nous notons avec éton­ne­ment qu’il n’est fait men­tion d’au­cune orga­ni­sa­tion ouvrière. Nous sommes perplexes.

Les avo­cats incul­pés nient s’être sub­sti­tués aux com­bat­tants de la R.A.F. Serait-ce pour cela qu’ils ont pu retrou­ver le sou­tien de membres émi­nem­ment res­pec­tables de la bour­geoi­sie, qui avaient aban­don­né la R.A.F. quand elle s’é­tait tour­née vers l’ac­tion armée ?

La calom­nie déli­bé­rée a ser­vi à désa­vouer les anar­chistes depuis le début de l’é­man­ci­pa­tion de la classe ouvrière. Maniée par des oiseaux de même espèce, ado­ra­teurs de l’É­tat et du gou­ver­ne­ment. L’i­den­ti­fi­ca­tion des anar­chistes aux cri­mi­nels a tou­jours été l’arme pré­fé­rée de tout par­ti aspi­rant au pou­voir gou­ver­ne­men­tal — et peu importe qu’il soit de droite, de gauche ou libéral.

Ce n’est une nou­veau­té, ni pour nous, ni pour les oppri­més qui ont des yeux pour voir, où qu’ils soient. Ils se rendent compte de ce que la lutte menée par les avo­cats en révolte ne s’i­den­ti­fie pas vrai­ment avec la lutte des oppri­més contre leurs maîtres. Que les gens applau­dissent à la furie des avo­cats rebelles, et jubilent à chaque coup por­té au pres­tige des ordon­na­teurs cor­rom­pus de la loi d’É­tat, ne les fait pas se dépar­tir d’une méfiance aux racines pro­fondes envers la loi et les hommes de loi. L’homme ordi­naire ne connaît rien aux embûches de la loi et, quand il a un pro­blème, il doit faire appel à « son » avo­cat, mais il n’é­prouve pas de véri­table affec­tion à son égard.

Les anar­chistes de la vieille école pré­fé­raient récu­ser le tri­bu­nal, et s’en ser­vaient comme d’une tri­bune pour atta­quer avec intran­si­geance. Après la révolte étu­diante de 1968, Teu­fel, membre de la Com­mune de Ber­lin, reprit cette tac­tique, qui fut accueillie plus ou moins comme une nou­velle mode, avec, au lieu de la sin­cé­ri­té dra­ma­tique, l’ex­plo­sion d’obs­cé­ni­tés ver­bales pour ridi­cu­li­ser le côté théâtre des débats et la digni­té fac­tice du tribunal.

Les tri­bu­naux d’Hit­ler et le pro­cès de Nurem­berg ont sus­ci­té en Alle­magne un cynisme qui va bien plus loin que toute la verve sati­rique des cari­ca­tures de Dau­mier sur les gens de robe. Les avo­cats en révolte dénoncent l’in­jus­tice qui leur est faite aux mains des grands maîtres retors et pape­lards qui mani­pulent et com­binent contre eux en haut lieu. Ils ont per­du les pri­vi­lèges de leur pro­fes­sion pour n’a­voir pas vou­lu jouer le jeu. Si leurs col­lègues libé­raux les sou­tiennent, c’est qu’ils ont peur de voir la puis­sance de la police gran­dir au point où le nou­veau monstre pour­rait écar­ter tota­le­ment les liber­tés consti­tu­tion­nelles, les dépouillant en même temps de leur sécu­ri­té. Il ne faut pas que la déna­tu­ra­tion des liber­tés démo­cra­tiques soit pous­sée trop loin. Les armes nou­vel­le­ment acquises contre les « ter­ro­ristes » de la R.A.F. qui met­taient en péril l’ordre et la loi pour­raient en fin de compte ser­vir contre qui­conque refu­se­rait d’ac­quies­cer à un ter­ro­risme d’É­tat sans restriction.

Nous n’a­vons aucun désir de mini­mi­ser le cou­rage dont ont fait preuve le groupe B.-M. et le mou­ve­ment du 2 juin, ni les résul­tats évi­dents qu’ils ont obte­nus dans leurs attaques contre un sys­tème légal — juri­dique et gou­ver­ne­men­tal — pour­ri jus­qu’à la moelle. Nous éprou­vons du res­pect pour leur zèle révo­lu­tion­naire dic­té par l’im­pa­tience, autant que nous appré­cions l’au­dace de l’at­ti­tude qu’ont prise les avo­cats qu’ils s’é­taient choi­sis, et qui sont main­te­nant deve­nus les vic­times d’une loi qu’ad­mi­nistrent bien mal­adroi­te­ment ceux qui ont la charge.

Mais si nous regar­dons les défen­seurs de la R.A.F. — en fai­sant la part de ce qui est la lutte pour leurs inté­rêts pro­fes­sion­nels — nous ne voyons rien d’autre qu’une avant-garde de plus, embras­sant à son tour la ban­nière de « la loi juste et l’ordre juste », dans sa lutte contre un groupe de fas­cistes dégui­sés en démo­crates authen­tiques, et défen­dant leur loi et leur ordre. Ce n’est pas la défaite des uns ou des autres qui fera dis­pa­raître les pri­sons de la sur­face du globe.

Médecine du travail[[Travail : du latin tripalium, instrument de torture – (N.d.T.)]]

Des doc­teurs de pri­son alle­mands parlent

« (…) l’a­li­men­ta­tion for­cée s’ef­fec­tua dans un silence presque maca­bre­ment irréel. L’at­mo­sphère était incroya­ble­ment proche de l’ex­plo­sion. » (Direc­teur Médi­cal Rein­hard Meitz­ner, Berlin).

« (…) cela pro­duit une ten­sion énorme, cri­tique, et induit un état durable de dépres­sion men­tale, qui va en s’ac­cen­tuant. » (Des membres du per­son­nel médi­cal de la pri­son, Munich).

« (…) Cer­tains s’ef­fon­drèrent, à genoux, implo­rant les autres de les rem­pla­cer pour faire entrer la canule. D’autres quit­tèrent la pièce, se plai­gnant d’un choc ner­veux trop fort. D’autres, qui menèrent à bout l’a­li­men­ta­tion for­cée sur des pri­son­niers qui résis­taient, san­glés à leur couche, en vinrent au point de rup­ture, phy­sique et psy­chique. » (Direc­teur Médi­cal Men­del Fried­land, Heidelberg).

La plu­part des doc­teurs de pri­son hési­tèrent à ali­men­ter de force les pri­son­niers du groupe B.-M. pen­dant leur grève de la faim. Le pro­fes­seur Rudolf Frey (Mayence), qui soi­gna les cama­rades du groupe B.-M. Grund­mann et Jün­schke après une grève de la faim pro­lon­gée, dénon­ça l’a­li­men­ta­tion for­cée comme un acte de sadisme dangereux.

Dans une décla­ra­tion faite au congrès par un membre, plu­sieurs mois après la mort du gré­viste de la faim Hol­ger Meins, les scènes qui se dérou­lèrent dans la plu­part des pri­sons étaient qua­li­fiées d’« orgies autour d’un tube ».

Le Pro­fes­seur Vol­rad Deneke de l’As­so­cia­tion Alle­mande des Méde­cins, signa­la que 90 doc­teurs avaient la charge de 50 000 pri­son­niers. Ils devaient affron­ter les menaces d’en­lè­ve­ment ou d’as­sas­si­nat. Ils devaient subir les pres­sions inces­santes de l’É­tat. Et en plus ils étaient consi­dé­rés avec mépris, comme des « exé­cu­teurs des basses œuvres de la jus­tice avec un savoir médical ».

Le conseil de la pro­fes­sion médi­cale condamne main­te­nant ouver­te­ment les règle­ments péni­ten­tiaires qui obligent les doc­teurs à accom­plir des actes contraires au code de déontologie.

Des membres de la magis­tra­ture s’é­lèvent éga­le­ment contre l’a­li­men­ta­tion for­cée. Le pro­fes­seur de Droit Lud­wig Rai­ser a décla­ré qu’il était de l’o­pi­nion que tout indi­vi­du a le droit de se détruire. Le juriste Hoin­mar von Dit­furth demande de quel droit aucune loi peut enté­ri­ner l’u­sage de la force pour inter­dire à un indi­vi­du de mettre sa vie en jeu dans sa lutte contre l’É­tat. Au contraire, la règle de l’É­tat fait un devoir de sau­ver la vie d’un pri­son­nier, au besoin contre sa volon­té. Le refus de pra­ti­quer l’a­li­men­ta­tion for­cée sur un pri­son­nier étant assi­mi­lé à l’eu­tha­na­sie par la loi, acte pas­sible d’une peine d’emprisonnement «  non infé­rieure à trois ans », deux doc­teurs de l’u­ni­ver­si­té de Tübin­gen ont récem­ment été enjoints par un tri­bu­nal d’a­li­men­ter des pri­son­niers de force.

Mort de Katha­ri­na Hammerschmidt

Ils l’a­vaient arrê­tée en 1972. C’é­tait une étu­diante, accu­sée d’a­voir trans­por­té des armes et d’a­voir four­ni des planques aux membres de la R.A.F.

Six méde­cins de pri­son furent inca­pables de diag­nos­ti­quer une tumeur can­cé­reuse : pour eux, c’é­tait une simu­la­trice et une mau­vaise tête, et ils la soi­gnèrent comme telle. Des radios mon­traient des symp­tômes carac­té­ri­sés de can­cer. Le doc­teur de l’hô­pi­tal de la pri­son de Ber­lin, un pro­fes­seur de méde­cine, n’au­rait rien remar­qué d’a­nor­mal. Sa dis­trac­tion fut attri­buée à la fatigue, due au sur­me­nage, qui aurait affec­té son acui­té visuelle et mentale.

Quand des crises d’é­touf­fe­ment appa­rurent, au mois de sep­tembre 73, deux autres méde­cins exa­mi­nèrent la malade. Après avoir véri­fié les radios, ils conclurent qu’il n’y avait pas lieu de pres­crire un trai­te­ment spé­cial. Ils conseillèrent de pro­cé­der à de nou­veaux exa­mens radio­lo­giques trois mois plus tard. Les auto­ri­tés péni­ten­tiaires, dont c’est le devoir de veiller à la bonne san­té des déte­nus, ne tinrent aucun compte de cet avis. En octobre, alors que la malade était en proie à des insom­nies et à des dou­leurs insup­por­tables, elle était caté­go­ri­sée comme « criant trop ». Elle entre­prit plu­sieurs grèves de la faim pour obte­nir un trai­te­ment appro­prié. Les auto­ri­tés de la pri­son virent dans ses actions un chan­tage à mobile poli­tique. Son défen­seur insis­ta pour la faire exa­mi­ner par un spé­cia­liste. Main­te­nant sa gorge était enflée à un point effrayant, et ses crises d’é­touf­fe­ment pre­naient un tour alar­mant, mais le méde­cin en poste à la pri­son la trai­tait encore comme une simu­la­trice, et ne lui don­nait que des cachets sans aucun pou­voir actif. À la fin, la gra­vi­té de son état deve­nant trop mani­feste pour qu’on la garde sous la res­pon­sa­bi­li­té de l’ad­mi­nis­tra­tion, le juge char­gé de son affaire ordon­na sa libé­ra­tion pour qu’elle puisse se faire soi­gner en cli­nique. Il était alors trop tard.

Bien que l’en­quête eût fait état d’une « incroyable carence médi­cale » de la part des doc­teurs et de l’ad­mi­nis­tra­tion de la pri­son, res­pon­sables de son trai­te­ment, l’ex­pert com­mis tran­cha : « Il n’y a pas de cou­pables — pas de faute pou­vant jus­ti­fier de pour­suites ». Les mani­fes­ta­tions gau­chistes sur la « Jus­tice assas­sine » sont — bien enten­du — repous­sées comme irres­pon­sables et injustifiables.

La loi et l’ordre

Fin août, 2 attaques de banques furent menées à bien en l’es­pace de 24 heures par deux couples armés. À chaque fois, ils prirent le large avec DM 100 000. Ils lais­sèrent sur les lieux des boites de cho­co­lats avec un tract. Sa for­mu­la­tion ame­na le chef de la police de Ber­lin, Boet­cher, ain­si que d’autres experts de la police, à rendre l’an­cien com­mu­nard (c.à.d., ancien membre du groupe « Kom­mune 1 » de Ber­lin — N.d.T.) Fritz Teu­fel res­pon­sable de ces hold-ups, accom­plis au nom du Mou­ve­ment du 2 Juin. Des avis de recherche à son encontre sont pla­car­dés par­tout, le dési­gnant comme un des res­pon­sables de l’en­lè­ve­ment de Lorenz.

Plu­sieurs autres actions moins spec­ta­cu­laires, menées par divers nou­veaux groupes s’i­den­ti­fiant au Mou­ve­ment du 2 Juin, étaient mani­fes­te­ment orga­ni­sées dans le but de démon­trer au public que la résis­tance est non seule­ment encore vivace, mais en plein essor, mal­gré l’ar­res­ta­tion des auteurs de l’en­lè­ve­ment de Lorenz : Gerald Klöp­per, Ronald Fritzsch et Ralf Rein­ders ; et mal­gré le fait que Wer­ner Sau­ber ait été tué, et Till Meyer bles­sé. Depuis la mi-juillet, on pou­vait noter une ner­vo­si­té crois­sante en haut lieu, par­mi les res­pon­sables de la sécu­ri­té. Dans leur éva­lua­tion de toutes les actions qui ont eu lieu après le siège de Stock­holm, les poli­ciers esti­maient que les 2 hold-ups étaient l’in­dice de pré­pa­ra­tifs pour un nou­vel enlè­ve­ment ou pour un atten­tat à la bombe.

Au cours d’une série de des­centes éclairs pen­dant le mois de sep­tembre 1975, le ser­vice spé­cial « T » (pour Ter­reur) de la police a cap­tu­ré la plu­part des mili­tants connus du Mou­ve­ment du 2 juin. 14.000 poli­ciers ouest-alle­mands étaient enga­gés dans les opé­ra­tions, diri­gées par 212 spé­cia­listes de police cri­mi­nelle appar­te­nant à la nou­velle sec­tion « T ». 7.000 élé­ments d’in­for­ma­tion sur les anar­chistes avaient été trai­tés par ordi­na­teur. On véri­fia des mil­liers d’im­meubles, clas­sés comme « domi­cile se prê­tant à des acti­vi­tés de conspi­ra­tion », de garages, d’aires de sta­tion­ne­ment. (Rap­pe­lons l’« Opé­ra­tion Win­ter­reise » qui fut enga­gée après la libé­ra­tion des 5 pri­son­niers de la R.A.F., suite à l’en­lè­ve­ment de Lorenz : à cette occa­sion, on vit la police faire des des­centes sur des sec­teurs entiers de Ber­lin, avec la par­ti­ci­pa­tion des troupes d’oc­cu­pa­tion U.S. !).

Sont en état d’ar­res­ta­tion : Juliane Plam­beck, Ralf Rein­ders et Inge Viet. Rein­ders était dans la clan­des­ti­ni­té depuis 1969. Viet s’é­tait éva­dée de pri­son en 1973. Ils sont tous trois ren­dus res­pon­sables de l’exé­cu­tion du traître Ulrich Schmü­cker (juin 1974), l’as­sas­si­nat du juge Drenk­mann (novembre 1974), l’en­lè­ve­ment du lea­der de la C.D.U. Peter Lorenz. (jan­vier 1975).

L’in­di­ca­teur Götz Til­ge­ner, qui par­ti­ci­pa à la fon­da­tion du groupe du 2 juin, avait décla­ré à la police que Viet et Rein­ders avaient don­né l’ordre aux cama­rades de Wolf­sberg de tuer Schmü­cker (Til­ge­ner est mort mys­té­rieu­se­ment en 1975).

Un autre fon­da­teur du groupe, Heinz Bro­ck­mann, devint lui aus­si indi­ca­teur. Il avait été condam­né à une peine légère de pri­son. À sa sor­tie de pri­son, la Ver­fas­sung­schutz (homo­logue alle­mand de notre D.S.T. — N.d.T.) le prit sous son aile. La police affirme que d’autres jeunes membres du groupe parlent sans réti­cence depuis qu’il sont en état d’arrestation.

L’ar­res­ta­tion des meneurs n’est pas, contrai­re­ment à ce que clame le chef de la police Kit­tlaus, le résul­tat d’une recherche sys­té­ma­tique. La cen­tra­li­sa­tion des ser­vices de police, l’in­for­ma­tique et la nou­velle bri­gade « T » ne leur auraient été d’au­cun secours, s’il n’y avait pas eu un éboueur pour trou­ver dans une pou­belle des frag­ments déchi­rés d’exem­plaires ratés de tracts du 2 Juin et de faux docu­ments, et pour appor­ter sa trou­vaille à la police.

D’a­près les com­mu­ni­qués de presse émis par la police, une ser­viette appar­te­nant à Lorenz fut retrou­vée dans la bou­tique de Rein­ders. Man­fred Gan­show (chef adjoint de la police de Ber­lin) n’a rien à dire de la pra­tique poli­cière bien connue, qui consiste à intro­duire des objets com­pro­met­tants à l’oc­ca­sion d’une fouille domi­ci­liaire. Quand de telles accu­sa­tions ont été for­mu­lées par nos cama­rades dans le pas­sé, les média se sont bien gar­dés d’y faire écho ! [[Comme ce fut le cas pour les 10 cama­rades anglais accu­sés d’a­voir par­ti­ci­pé aux atten­tats reven­di­qués par la Bri­gade de la Colère, et dont la moi­tié furent acquit­tés, à l’is­sue d’un pro­cès reten­tis­sant, à Londres (juin-déc. 71), mal­gré les « pièces à convic­tion » pré­sen­tées par la police (cf. N° 110 – 111, 120 – 121, et 122). —N.d.T.)]]. « Les ter­ro­ristes, déclare Gan­show, ont fait preuve d’une légè­re­té incroyable en lais­sant traî­ner une telle pièce. Ils étaient deve­nus trop sûrs d’eux, et se croyaient par­fai­te­ment en sécu­ri­té. » En voi­là un qui, avant de faire des décla­ra­tions hâtives, devrait d’a­bord consul­ter — comme les autres grands patrons de la pro­tec­tion de l’É­tat — ses psy­chiatres et sa clique de savants ven­dus (tels Hacker et le beha­viou­riste Skin­ner). Hacker, soit dit en pas­sant, est conseiller du Penta­gone, du F.B.I. et du Ser­vice Cri­mi­nel alle­mand pour les ques­tions de contre-révo­lu­tion. Que nos cama­rades aux U.S.A. en prennent note !

Nous l’a­vons déjà dit, et nous le répé­tons encore : le plus grand ter­ro­riste de tous, c’est l’É­tat ! Des savants tels que le pro­fes­seur Bar­ning four­nissent le boni­ment qui en met­tra plein les yeux au public. Mai­ho­fer et Schwarz se servent de ces écha­fau­dages scien­ti­fiques pour mas­quer le fait que ce sont eux les fau­teurs intel­lec­tuels d’un super-terrorisme.

Nous citons Pro­zess Info N° 1 (publié par les Komi­tees gegen Fol­ter, Ham­bourg) « Sui­vant la défi­ni­tion don­née par Schwarz (ministre de l’In­té­rieur de Rhé­na­nie-Pala­ti­nat) : « La règle fon­da­men­tale du ter­ro­risme est de tuer le maxi­mum de gens pos­sible. Le ter­ro­riste veut créer la para­ly­sie par l’é­pou­vante chez un nombre de plus en plus grand à tra­vers le monde ». C’est la défi­ni­tion exacte de la poli­tique d’Is­raël à l’en­contre du mou­ve­ment de libé­ra­tion de la Pales­tine de la poli­tique viet­na­mienne des U.S.A. ; de la poli­tique de la Junte chi­lienne de la poli­tique du Minis­tère Public de l’É­tat alle­mand : détruire autant de révol­tés et de pri­son­niers poli­tiques que pos­sible ». (Nous ajou­te­rons à cette liste le dis­cours de Fran­co après qu’il ait fait exé­cu­ter les cama­rades espagnols).

Nous avons signa­lé le nombre crois­sant de « tote Trakte » (« bras morts » : sec­tions d’i­so­le­ment) nou­vel­le­ment construits. « On nous a pla­cés, Jan et moi, dans un de ceux-ci à Stamm­heim. Augus­tin, les 4 de Stock­holm, Schil­ler et Eckes sont gar­dés dans des « bras morts ».

Les compte-ren­dus de presse, ins­pi­rés par la police, parlent de « légè­re­té incroyable » et de gens « trop sûrs d’eux ». Si l’on relit la lit­té­ra­ture poli­cière de la période pré­cé­dente, on s’a­per­çoit que les fins limiers excu­saient leurs échecs en sou­li­gnant l’ha­bi­le­té des gué­rille­ros à mettre en œuvre la stra­té­gie éta­blie par les spé­cia­listes de la guerre de gué­rilla ; et les pré­cau­tions qu’ils pre­naient pour assu­rer leur sécu­ri­té. Mais à pré­sent les média nous disent : « Teu­fel et son amie Gabriele Roll­nick ont don­né en plein dans la sou­ri­cière mon­tée par !a police dans l’ap­par­te­ment de celui-ci. Le ser­vice « T » n’eut aucune dif­fi­cul­té à s’as­su­rer de lui, de son fusil à canon scié, et de $ 15.400 en devises étran­gères (…). Ils le trou­vèrent en pos­ses­sion d’une longue liste de sym­pa­thi­sants du 2 Juin qui n’a­vaient jamais été repé­rés ». On n’a signa­lé nulle part qu’un coup de filet ait sui­vi pour s’emparer de ces « par­ti­sans (réper­to­riés) d’une asso­cia­tion de mal­fai­teurs. » Voi­là qui devrait ame­ner les citoyens à se poser des ques­tions. Les anar­chistes, mieux au cou­rant des pro­cé­dés employés par la police au cours de son his­toire, savent com­ment les forces de sécu­ri­té s’y prennent pour se don­ner l’ap­pa­rence d’être abso­lu­ment indis­pen­sables. Si tous les membres du groupe B.-M. et du Mou­ve­ment du 2 Juin avaient été appré­hen­dés, on pour­rait se pas­ser de l’ar­mée colos­sale de spé­cia­listes des ques­tions de sécu­ri­té et de para­sites met­tant en coupe la psychiatrie.

Le gou­ver­ne­ment alle­mand, afin de semer la confu­sion, a impo­sé aux média une ter­mi­no­lo­gie fal­la­cieuse et de la plus insigne mau­vaise foi. L’é­pou­van­tail rebat­tu des anar­chistes lan­ceurs de bombe ser­vit, une fois de plus, à ame­ner l’homme moyen, épris de démo­cra­tie, à accep­ter une légis­la­tion fas­ciste. Puis la pro­pa­gande sor­tit une série d’his­toires d’a­tro­ci­tés : « La bande B.-M. menace d’empoisonner l’eau potable de Stutt­gart. » « Du gaz mou­tarde volé par des membres de la bande doit ser­vir contre la popu­la­tion. » C’est alors qu’une bombe explose à la gare cen­trale de Brème (6 décembre 1974), atten­tat dont la R.A.F. fut ren­due res­pon­sable, mais qui por­tait la marque d’une pro­vo­ca­tion policière.

Depuis le mois d’oc­tobre 1974, 65 « anar­chistes » et sym­pa­thi­sants pré­su­més ont été arrê­tés. 102 per­sonnes sont en déten­tion pré­ven­tive pour avoir sou­te­nu des « menées anar­chistes ». 202 enquêtes des ser­vices de police sont en cours.

Ilse Jandt et 7 membres du groupe de Wolf­sburg du 2 Juin furent arrê­tés après l’exé­cu­tion du rené­gat Schmü­cker. Nous avons fait état de l’ar­res­ta­tion de Ralf Rein­dors, « chef du Mou­ve­ment du 2 Juin » et assas­sin pré­su­mé du juge Denk­mann. La police hol­lan­daise a arrê­té à Amster­dam l’« anar­chiste » Hel­mut Luef, membre du groupe Debus, lié à la R.A.F.

Sont tou­jours en liber­té : Jörg Lang (Jogi), un avo­cat « anar­chiste » ; la police affirme qu’il s’emploie à mettre sur pied une nou­velle orga­ni­sa­tion de la R.A.F., et qu’il est en train d’or­ga­ni­ser de nou­veaux enlè­ve­ments. Astrid Pröll (Rosi), ancienne maî­tresse d’An­dreas Baa­der, serait, à en croire la police, gar­dée par les « Bri­gades Rouges » en Ita­lie. Cela fait 3 ans que Vera Ber­zel est dans la clan­des­ti­ni­té. Ange­la Luther et l’a­vo­cat Sieg­fried Haag n’ont tou­jours pas été retrou­vés. Pas plus qu’An­dreas Vogel, pré­ten­du­ment res­pon­sable du der­nier atten­tat à la bombe à la gare cen­trale de Hambourg.

Ont été libé­rés (suite à l’en­lè­ve­ment de Lorenz) : Rolf Heiss­ler, Gabriele Krö­cher-Tie­de­mann, Rodolf Pohle, Vere­na Becker, Ingrid Siep­mann. Dis­pa­rus — et, de l’a­vis de la police, exé­cu­tés pour tra­hi­son : Inge­borg Barz, Michael Bau­mann, Ewald Goer­lich. Susann Her­min­ghau­sen, Rose­ma­rie Keser.

Les sup­po­si­tions vont bon train pour savoir où sont pas­sés les vieux de la vieille. Les ordi­na­teurs de la police sont sur les dents. La rumeur fait appa­raître les fugi­tifs ici, par­tout et nulle part : au Sud Yemen, dans des écoles de gué­rilla japo­naises… Leurs rela­tions sont inter­na­tio­nales : le Front de Libé­ra­tion de la Pales­tine, l’Ar­mée Rouge Japo­naise, les gué­rille­ros espa­gnols, les Bri­gades Rouges ita­liennes. Lis­bonne s’est mué en centre de conju­ra­tion. Ponia­tows­ki pré­tend avoir les preuves de l’exis­tence d’« écoles de ter­ro­risme anar­chistes » en Alle­magne de l’Est. La police veut que Sieg­fried Haag ait été en rap­port avec le fameux ter­ro­riste « Car­los ». La fer­mette de Haag, dans le Midi de la France, appa­raît, à en croire la police, comme la base clan­des­tine d’où étaient menées des opé­ra­tions en Espagne et dans d’autres pays. Contre cette « conspi­ra­tion mon­diale du ter­ro­risme », Mai­ho­fer appelle à une action conjointe anti-ter­ro­riste au niveau inter­na­tio­nal. À dire vrai, un cer­tain degré de coor­di­na­tion a été mis en place avec les ser­vices de contre-espion­nage fran­çais, sué­dois, espa­gnols et anglais. En mars 1974, la police suisse arrê­tait à Zürich un groupe de la R.A.F., qui avait déro­bé des mines, des gre­nades et des armes légères dans des arse­naux de l’Ar­mée suisse ; groupe mené par Petra Krause, accu­sée de l’in­cen­die cri­mi­nel d’un immeuble de l’I.T.T. à Milan (il s’a­git de sa filiale ita­lienne Face Stan­dart — N.d.T.). Une par­tie de ces articles redou­tables pas­sa en Espagne. 3 pis­to­lets mitrailleurs, 3 gre­nades et des explo­sifs furent remis à Sieg­fried Haag et Eli­za­beth van Dyck. La police donne à cette his­toire sans impor­tance les dimen­sions d’une affaire sen­sa­tion­nelle por­tant sur un vaste tra­fic d’armes. Des indi­ca­tions frag­men­taires, obte­nues for­tui­te­ment, sont mon­tées en épingle pour don­ner l’im­pres­sion d’une police qui, même si elle fait preuve de la plus grande réserve, n’en serait pas moins tota­le­ment au par­fum. Eu égard aux effec­tifs énormes et aux moyens tech­niques fan­tas­tiques dont elle dis­pose, son mythe de l’i­né­luc­table omni­po­tence de l’É­tat a été bat­tu en brèche par une poi­gnée de révol­tés. Il aura fal­lu 10.000 ren­sei­gne­ments confi­den­tiels — faits rap­por­tés par des citoyens alar­més et déla­tions ins­pi­rées par la mal­veillance, en réponse aux SOS de la police et la fai­blesse de quelques membres qui, cédant à la peur face à la bru­ta­li­té et aux ruses employées par ceux qui les avaient cap­tu­rés, col­la­bo­rèrent avec eux. La police pré­tend désor­mais déte­nir une longue liste de sym­pa­thi­sants, qui n’a­vaient pas été fichés jusque là. En ver­tu de leurs droits consti­tu­tion­nels, ces gens étaient par­fai­te­ment en règle, jus­qu’à ce que la nou­velle légis­la­tion anti-ter­ro­riste entre en vigueur. La police peut fort bien avoir des dos­siers sur des gens qui sou­te­naient des orga­ni­sa­tions qui ont été, d’un seul coup, décla­rées « asso­cia­tions de mal­fai­teurs » des gens qui peuvent désor­mais se retrou­ver en état d’ar­res­ta­tion du jour au len­de­main, et dont cer­tains — nul doute — four­ni­ront les noms d’autres sym­pa­thi­sants encore, jus­qu’a­lors incon­nus. Et qui­conque dira que c’est un retour aux temps de l’In­qui­si­tion et de la Ges­ta­po sera per­sonne mar­quée. La police et la Ver­fas­sung­schutz (police de Pro­tec­tion de la Consti­tu­tion) peuvent bien avoir une liste de recrues infil­trées, d’a­gents pro­vo­ca­teurs et de rené­gats col­la­bo­rant avec elles, mais elles ne sont guère au cou­rant de ce qu’il est adve­nu de cer­tains d’entre eux, tels ceux que nous avons cités, ou — par exemple — de Rolf-Jür­gen Mauer.

Gerhard Baum, du minis­tère de l’In­té­rieur, décla­ra, après l’ar­res­ta­tion de Teu­fel et de Rein­ders : Le noyau dur a été bri­sé, et c’est un gros suc­cès. Mais ceci ne veut pas dire que nous puis­sions relâ­cher notre vigi­lance. Le dan­ger existe tou­jours ». Une demi-dou­zaine de révol­tés tient occu­pés des cen­taines de mil­liers de poli­ciers [[Selon des chiffres récents, les forces de l’ordre comp­taient 168.000 hommes en France (Police Natio­nale et Gen­dar­me­rie) contre 174.000 en R.F.A. (N.d.T.)]], et une autre cen­taine de mil­liers de col­la­bo­ra­teurs. On ne demande pas au peuple son aval, mais on lui fait payer des mil­lions pour entre­te­nir une force poli­cière mons­trueuse, et des mil­lions pour construire de nou­velles pri­sons for­te­resses, alors qu’on lui dénie des condi­tions de loge­ment satis­fai­santes. On lui bourre le crâne de men­songes sur la puis­sance de la R.A.F., ses rela­tions inter­na­tio­nales, sur son habi­le­té à la gué­rilla et son arme­ment. C’est en rai­son de cela que la police n’a­vait pu les cap­tu­rer ; et, main­te­nant qu’ils ont été pris, par un coup de chance plus que par habi­le­té, il faut bien pro­duire de nou­velles menaces, de nou­veaux dan­gers qui jus­ti­fient l’exis­tence des ser­vices de police et la pro­ro­ga­tion des lois répres­sives. Avo­cats contes­ta­taires et édi­teurs d’ex­trême gauche comptent, pour la police, comme autant de maîtres-agi­ta­teurs, s’a­don­nant avec bon­heur au raco­lage des jeunes atti­rés par le ter­ro­risme. Voi­là le nou­veau dan­ger. Le nombre de nou­veaux sym­pa­thi­sants clan­des­tins, non encore repé­rés, serait, rien que dans les milieux ecclé­sias­tiques, de l’ordre de 1600. Un ser­vice d’in­for­ma­tion par ordi­na­teurs (« Nadis ») doit ser­vir à sur­veiller les col­lec­tifs d’a­vo­cats et les édi­teurs de gauche. Les per­son­na­li­tés mena­cées peuvent être conseillées et pro­té­gées en per­ma­nence par la police. La pro­pa­gande active menée par les avo­cats et les édi­teurs gau­chistes pour qu’on recon­naisse aux gué­rille­ros urbains le sta­tut de mili­tants poli­tiques, doit être arrê­tée. On ne peut plus tolé­rer que les infor­ma­tions recueillies auprès des pri­son­niers soient com­mu­ni­quées au public, en Alle­magne et à l’é­tran­ger, car, dit la police, ce sont des défor­ma­tions men­son­gères. Les orga­nismes d’aide aux pri­son­niers consti­tuent un dan­ger à la sûre­té publique, car ils favo­risent la conspi­ra­tion et la résis­tance orga­ni­sée dans les pri­sons. Les exé­cu­tions de traîtres au sein des groupes radi­caux ne sont pas de l’au­to­dé­fense, mais des actes des­ti­nés à ter­ro­ri­ser des citoyens res­pec­tueux des lois qui « assistent la police dans son enquête ».

À en croire le tableau que nous dépeint la police, les membres en cavale du groupe B.-M. et du Mou­ve­ment du 2 Juin sont abri­tés par des com­mu­nau­tés, des squat­ters, des groupes édi­tant des revues, des col­lec­tifs de jar­dins d’en­fants. Et voi­là une ver­sion poli­cière. Une autre serait que les hors-la-loi les plus mar­qués dis­posent de sym­pa­thi­sants par­tout, qui les pro­tègent et les aident à s’é­ta­blir sous des dehors res­pec­tables, leur four­nis­sant même de quoi se mon­ter une affaire com­mer­ciale. Ils ont tous faux pas­se­ports, faux per­mis de conduire et autres docu­ments. Ils cam­briolent les bureaux des ser­vices offi­ciels pour se pro­cu­rer des papiers authen­tiques, ou dis­posent de leurs propres offi­cines de faus­saires. Ils ont de vastes dépôts d’armes… Qu’y-a-t-il, en fait, à la base de ces affir­ma­tions poli­cières ? Un ou deux vols de for­mu­laires de docu­ments offi­ciels en blanc, dans les mai­ries de quelques coins per­dus. Le vol de quelques pis­to­lets-mitrailleurs, de gre­nades, et d’une quan­ti­té déri­soire d’ex­plo­sifs. On fait appel au public dans son ensemble, et plus par­ti­cu­liè­re­ment aux pro­prié­taires qui ont des appar­te­ments en loca­tion, pour qu’ils tiennent les ser­vices de police au cou­rant de tout loca­taire qui ver­se­rait plu­sieurs mois de loyer à l’a­vance, et régle­rait la suite par man­dat pos­tal, pas par chèque ban­caire. Et de même pour les loca­taires qui ne reçoivent pas de cour­rier ; qui changent les ser­rures pour inter­dire l’ac­cès au pro­prié­taire ; qui n’ont que peu ou pas de mobi­lier ; qui choi­sissent des appar­te­ments rela­ti­ve­ment à l’a­bri de la sur­veillance du voi­si­nage. 40 000 pom­pistes ont reçu de la police l’ins­truc­tion de tenir à l’œil leurs clients. La police a déjà reçu 2 017 com­mu­ni­ca­tions confi­den­tielles. L’Al­le­magne « démo­cra­tique » en est reve­nue insen­si­ble­ment aux condi­tions du régime hit­lé­rien, qui fai­sait de chaque citoyen un auxi­liaire de la Ges­ta­po. Une fois de plus, sociaux-démo­crates et libé­raux mènent leur sale jeu de contre-révo­lu­tion­naires, sous les accla­ma­tions des réac­tion­naires déclarés.

Quel mou­ve­ment ?

Qui sont-elles donc, à l’heure actuelle, ces redou­tables mino­ri­tés qui doivent être écra­sées ? Une Armée Rouge pou­vant pré­tendre s’at­ta­quer, sur le plan mili­taire, à l’Ar­mée et à la police alle­mandes, sur un pied d’é­ga­li­té, ça n’a jamais exis­té. Disons-le tout net. Alors, pour­quoi le gou­ver­ne­ment alle­mand joue­rait-il ain­si les Don Qui­chotte char­geant les mou­lins à vent  ? La Frac­tion Armée Rouge s’est mépris dans ses comptes, mais — même si elle n’a­vait aucune base, et bien qu’elle n’ait pas réus­si à s’as­su­rer l’ap­pui des tra­vailleurs — le péril menace tou­jours d’un sou­lè­ve­ment de masse, écla­tant tout à coup. Oui, la Révo­lu­tion est en train de ger­mer dans les groupes mili­tant pour l’a­vor­te­ment, les com­mu­nau­tés et les groupes de squat­ters, dans tout col­lec­tif dont la révolte est cau­tion­née par la jeu­nesse. Alors que le gou­ver­ne­ment veut don­ner l’ap­pa­rence d’être invin­cible, la R.A.F. a, de fait, indis­cu­ta­ble­ment mis en évi­dence la vul­né­ra­bi­li­té du pou­voir éta­tique. Actuel­le­ment, la conduite adop­tée par les gens de la R.A.F. est effec­ti­ve­ment en train de révé­ler la vraie nature homi­cide de la jus­tice alle­mande, à l’oc­ca­sion du pro­cès B.-M. « Le mou­ve­ment a été arrê­té ! » affirme Otto Wal­ter Hase­loff, un psy­cha­na­lyste de Ber­lin tra­vaillant pour la police. « Après Stock­holm », décla­rait un autre res­pon­sable haut-pla­cé de la police, je m’at­ten­dais à une action spec­ta­cu­laire, pour mon­trer que la bande était tou­jours forte. Le fait qu’il ne s’est rien pas­sé prouve que le mou­ve­ment a été brisé. »

La R.A.F. peut-être, mes­sieurs ! — mais on dirait qu’un autre mou­ve­ment est là, qui se met en branle.

Et ce n’est pas non plus du 2 Juin qu’il s’a­git. Consul­tons donc les rap­ports de police. Karl-Heinz Bau­mann. déte­nu à Düs­sel­dorf : sus­pect de viol, de vol et d’in­cen­die volon­taire. Il se ser­vait de caches sou­ter­raines dans les envi­rons de Düs­sel­dorf pour entre­po­ser des effets utiles à une vie de conspi­ra­teur. Il fut don­né par l’in­di­ca­teur Jür­gen Bodeux, ce même indi­ca­teur qui incri­mi­na notre cama­rade de Cologne Ralf Stein (cf. ci-des­sous — N.d.T.). Les poli­ciers qui per­qui­si­tion­naient la mai­son de Bau­mann y trou­vèrent 10 dos­siers de docu­ments sur « la lutte armée de la R.A.F. ». Il se pré­pa­rait mani­fes­te­ment à entrer dans la clan­des­ti­ni­té. Les objets qu’il avait dis­si­mu­lés ? Des sacs de cou­chage, des cou­pures de jour­naux, des notes per­son­nelles, de carac­tère poli­tique, des ali­ments en conserve, un appa­reil radio et des liquides inflam­mables ! Et puis il y a la libraire Johan­na Kashke, arrê­tée le 10 juillet, connue pour avoir tra­vaillé pour le « Secours Rouge » et la « Croix Noire ». Son crime ? Elle fut repé­rée alors qu’elle rôdait près d’un dépôt d’armes. La police pense qu’elle pré­pa­rait une attaque de banque. Ensuite, nous avons Ulrich Alt, en déten­tion pré­ven­tive à Munich depuis le mois d’a­vril, pré­sen­té comme l’ins­pi­ra­teur d’un groupe d’é­lèves et d’ap­pren­tis. Quels crimes cette « asso­cia­tion de mal­fai­teurs » aurait-elle per­pé­tré ? Des mani­fes­ta­tions de pro­tes­ta­tion sur la voie publique : avoir orné des affiches élec­to­rales de slo­gans anars ; avoir arra­ché et muti­lé des avis de recherches pla­car­dés par la police ; s’être essayés à la fabri­ca­tion de bombes à retar­de­ment ; avoir fait des bom­bages à la pein­ture sur des monu­ments patriotiques.

La police affirme : l’a­vo­cat pros­crit Lang est à la tête d’une « cel­lule révo­lu­tion­naire » clan­des­tine déjà res­pon­sable de douze actions ter­ro­ristes. et réso­lue à ven­ger la mort d’Ul­rich Wes­sel et de Sieg­fried Haus­ner. Haag et Lang veulent asseoir leur contrôle sur un nou­veau mou­ve­ment, for­mé de petits groupes auto­nomes, qui agissent de leur propre chef. Les poli­ciers vou­draient faire accroire à la popu­la­tion qu’ils ont affaire à un ramas­sis de gosses pau­més, dévoyés par les avo­cats Haag et Lang. Nos recherches nous amènent à une conclu­sion dif­fé­rente : la jeu­nesse d’hier a eu le temps de digé­rer l’en­sei­gne­ment poli­tique qui s’est déve­lop­pé depuis 1968. Ils ont eu l’oc­ca­sion de confron­ter l’é­li­tisme avec l’i­dée liber­taire. Quand ils entrèrent dans le monde du tra­vail, ils firent l’ex­pé­rience des luttes ouvrières, des décep­tions que connaissent les tra­vailleurs ; de leur méfiance à l’é­gard de la dia­lec­tique des intel­lec­tuels [[Ils ont appris que la dia­lec­tique peut cacher des triques ! (à défaut. de cas­ser des briques). — N.d.T]] ; leur refus de suivre aveu­glé­ment dans les pas de la R.A.F. Les jeunes durent enga­ger une réflexion appro­fon­die, et cette ana­lyse fit d’eux des liber­taires. En tant que tra­vailleurs, ils consti­tuent bien l’élé­ment qui man­quait au mou­ve­ment étu­diant alle­mand. Et, par leur adhé­sion au prin­cipe de la lutte armée, ils annoncent une réorien­ta­tion pos­sible des tra­vailleurs qui s’é­taient tenus à l’é­cart de l’é­lite B.-M. La police ne se rend que trop bien compte de ce qu’ils sont nom­breux, qu’ils ont tiré la leçon des erreurs du groupe B.-M. et du 2 Juin, et qu’ils pour­raient bien ins­pi­rer aux tra­vailleurs la réso­lu­tion d’oc­cu­per de nou­veau l’an­cienne posi­tion que leurs pères avaient déser­tée, celle de la Révo­lu­tion Sociale.

Ils approuvent — comme nous-mêmes — les décla­ra­tions de la R.A.F., repro­duites dans Pro­zess Info N° 1 : « L’o­pi­nion publique ne contrôle pas l’É­tat ; c’est le contraire qui se passe : l’É­tat contrôle l’o­pi­nion publique. L’ob­jec­tif de l’É­tat est de bri­ser toute expres­sion sub­jec­tive de l’in­di­vi­du, et d’en démon­trer la futi­li­té. L’É­tat se sert de sa pro­pa­gande pour nous enle­ver tout cré­dit, pour nous enle­ver toute liber­té d’ex­pres­sion, et nous réduire à l’impuissance. »

« Quand nous par­lons de pri­son­niers poli­tiques, nous n’u­sons pas du concept bour­geois. Tout tra­vailleur empri­son­né est un pri­son­nier poli­tique ; un pri­son­nier de la poli­tique impé­ria­liste, et par­tant un pri­son­nier de l’É­tat impé­ria­liste. Tout pri­son­nier, peu importe le motif pour lequel il a été cri­mi­na­li­sé tout pri­son­nier qui com­prend la nature poli­tique de son état de sujé­tion ; tout pri­son­nier qui résiste ; qui orga­nise la résis­tance au sein de la pri­son — celui-là est l’un de nous. »

Les anar­chistes ont mar­qué leur désap­pro­ba­tion d’ac­tions ter­ro­ristes cou­pées du plein appui des masses. Nous ne sommes qu’en par­tie d’ac­cord avec Klaus Crois­sant. Nous sou­li­gnons sa décla­ra­tion où il affirme que la jus­tice éta­tique équi­vaut à la contre-révo­lu­tion. Nous allons plus loin, et décla­rons que la révo­lu­tion bour­geoise est contre-révo­lu­tion­naire, et qu’en consé­quence aucun mou­ve­ment lié à !a tra­di­tion auto­ri­taire, doc­tri­naire et mili­taire ne peut pré­tendre repré­sen­ter la Révo­lu­tion Sociale. Crois­sant est plus proche des concep­tions anar­chistes quand il déclare que, si la défense des révo­lu­tion­naires est assu­rée par des indi­vi­dus bour­geois, elle est limi­tée par les res­tric­tions qu’im­pose la jus­tice éta­tique bour­geoise : « Le com­bat contre la tor­ture infli­gée aux vic­times de l’ap­pa­reil judi­ciaire ne peut être mené que par le peuple lui-même, auquel les révo­lu­tion­naires appar­tiennent. Ce n’est pas une affaire de léga­li­té ou d’illé­ga­li­té, mais de fas­cisme ou d’an­ti-fas­cisme. Ou bien on admet un sys­tème qui détruit les indi­vi­dus, ou bien on lutte contre le fas­cisme. Le che­min qui mène au socia­lisme passe sur le cadavre du fascisme. »

Notre posi­tion est conforme à celle du Comi­té de Ham­bourg, qui déclare : « L’É­tat vise à se déblayer une zone de tir qui lui don­ne­rait la pos­si­bi­li­té de liqui­der les avo­cats qui se sont iden­ti­fiés aux groupes anti-impé­ria­listes. En tant qu’a­nar­chistes, nous esti­mons que ce dont l’É­tat a peur, c’est moins d’une bande de gué­rille­ros urbains que d’une nou­velle géné­ra­tion de révo­lu­tion­naires en puis­sance, obser­vant ce jeu dont la règle est le pou­voir, dans tous les pays, sous tous les régimes. Plus les poli­ti­ciens font preuve de ruse et d’ef­fi­ca­ci­té pour atten­ter à la liber­té, plus vite risque de sau­ter le cou­vercle de la mar­mite. Il est vrai que les cri­tiques qu’ex­prime actuel­le­ment l’in­tel­li­gent­sia alle­mande visent à obte­nir des réformes — mais il est non moins vrai que pra­ti­que­ment tout le monde a conscience des aspects néga­tifs de tous les sys­tèmes sociaux essayés jus­qu’à pré­sent. Les gens ont été atti­rés au libé­ra­lisme, au socia­lisme et au com­mu­nisme en rai­son des élé­ments anar­chistes que contiennent ces idéo­lo­gies, bien qu’ils y fussent com­plè­te­ment recou­verts par la mau­vaise herbe bour­geoise. En d’autres termes, des mil­lions de per­sonnes dans le monde entier tendent — sans s’en rendre compte — vers l’a­nar­chisme. Ils ont hor­reur des contrôles, se méfient des poli­ti­ciens, exècrent la guerre et tiennent les États pour sus­pects. Les gou­ver­ne­ments, de par leur nature contra­dic­toire et cor­rom­pue, et par leurs actes inac­cep­tables, en viennent en fin de compte à four­nir de meilleures publi­ci­tés contre les gou­ver­ne­ments que n’im­porte quel agi­ta­teur anarchiste. »

Si les anar­chistes pou­vaient pré­sen­ter, ici et main­te­nant, l’exemple vivant d’une com­mu­nau­té anar­chiste viable, des mil­lions de per­sonnes qui, à l’heure actuelle, se can­tonnent dans le réfor­misme, parce qu’ils ne voient rien de mieux, se join­draient plus volon­tiers à l’en­tre­prise de liqui­da­tion des gou­ver­ne­ments, d’a­bo­li­tion des lois et d’a­to­mi­sa­tion des prisons.

Tous les indices portent à croire que c’est main­te­nant au tour du mou­ve­ment anar­chiste alle­mand — aus­si faible et insi­gni­fiant qu’il soit — de faire face aux per­sé­cu­tions ; mais disons-le tout de suite : les chas­seurs de sor­cières peuvent allon­ger encore la longue liste des vic­times tuées ou empri­son­nées de bien d’autres rebelles ; mais en ce fai­sant ils mon­tre­ront au monde entier aujourd’­hui, et à la pos­té­ri­té, que leur État est une super-asso­cia­tion de malfaiteurs.

Jadis, les Alle­mands avaient une chan­son, où l’empereur Bar­be­rousse de la légende disait : « Je sais pour sûr, que je puis repo­ser ma tète sur les genoux de cha­cun de mes sujets ». Nous dou­tons fort qu’au­cun des diri­geants « démo­cra­tiques » actuels de l’Al­le­magne ose en faire autant. Tan­dis que les Alle­mands et les Japo­nais qu’ils pour­suivent savent qu’ils peuvent comp­ter sur la soli­da­ri­té des anar­chistes où qu’ils soient ; mal­gré les diver­gences quant aux méthodes à employer dans la lutte pour la liber­té, et en dépit des édits de jus­tice inter­di­sant de les héberger.

John Olday.

Camarades

la police ouest-alle­mande veut cri­mi­na­li­ser notre cama­rade Ralf Stein

Ralf Stein, qui fait par­tie de la rédac­tion col­lec­tive du jour­nal anar­cho-syn­di­ca­liste Befreiung, fut arrê­té le 14 avril. Il est déte­nu à la pri­son d’Ossendorf.

L’ac­cu­sa­tion se sert du para­graphe 129 de sinistre mémoire, et affirme que Ralf a sou­te­nu une « asso­cia­tion de mal­fai­teurs ». Ce para­graphe. intro­duit en 1969, est deve­nu une arme qui peut ser­vir à trans­for­mer en cri­mi­nel et à mettre hors-la-loi qui­conque résiste à l’in­jus­tice. La loi d’ur­gence, qui repré­sente une vio­la­tion fla­grante des droits consti­tu­tion­nels (Grun­drechte), est une légis­la­tion pré­ci­pi­tée, votée avec le sou­tien des Sociaux-Démo­crates, des Libé­raux et des par­tis réactionnaires.

Le par­quet base ses accu­sa­tions sur des décla­ra­tions faites à la police par Kat­ja May et Nor­bert Hof­mann, de Cologne, qui pro­pa­geaient « l’in­sur­rec­tion armée » (de manière d’ailleurs bien digne d’a­ma­teurs). Ils n’a­vaient aucun contact direct avec les cama­rades du « groupe Befreiung », qui étaient prin­ci­pa­le­ment actifs dans la lutte par les moyens légaux dans l’in­dus­trie. Befreiung a, par le pas­sé, condam­né ouver­te­ment, et à plu­sieurs reprises, les méthodes de la R.A.F. et le Mou­ve­ment du 2 Juin. Le fait que le groupe « Befreiung » sou­te­nait la Schwarz­kreuz (la Croix Noire) — qui aide à défendre les pri­son­niers vic­times de l’in­jus­tice, y com­pris les pri­son­niers poli­tiques — a four­ni le pré­texte à l’ap­pa­reil judi­ciaire pour déci­der que Ralf, et tous ceux qui sou­tien­draient des orga­ni­sa­tions de secours étaient des
« sym­pa­thi­sants » des terroristes.

Jür­gen Bodeux, dont nous avons évo­qué le rôle trouble dans l’af­faire d’Ilse-la-rouge (Ilse Jandt. incul­pée de l’as­sas­si­nat du « traître » Schmü­cker — N.d.T.), avait éga­le­ment ten­té de s’in­fil­trer dans le col­lec­tif « Befreiung », mais il fut écar­té par les cama­rades, pour n’a­voir mani­fes­té aucun désir d’ap­por­ter une par­ti­ci­pa­tion res­pon­sable au tra­vail construc­tif. Main­te­nant, ani­mé par la ran­cune et la mal­veillance, il a décla­ré à la police que Ralf était res­pon­sable à l’ap­pro­vi­sion­ne­ment de l’« Armée Rouge de la Ruhr » [[Il s’a­git d’un groupe liber­taire de lutte armée, actif dans les années vingt, dont le nom semble avoir été exhu­mé pour les besoins de la cause (N.d.T.).]] Tout porte à croire que Bodeux est deve­nu un pro­té­gé de la Verfassungschutz.

Après son arres­ta­tion, le compte en banque per­son­nel de Ralf fut sai­si par la police, dans l’i­dée que c’é­tait un compte uti­li­sé par le Secours Rouge. Son domi­cile fut per­qui­si­tion­né, et d’autres per­qui­si­tions, et des arres­ta­tions de courte durée, furent effec­tuées à Essen, et dans d’autres loca­li­tés. Par contre, de manière assez sur­pre­nante, il n’y eut pas d’autres des­centes ou d’ar­res­ta­tions chez les cama­rades de « Befreiung » à Cologne, ce qui ne peut signi­fier qu’une seule chose : que ces cama­rades sont étroi­te­ment surveillés.

Mes­sages de soli­da­ri­té, livres et jour­naux peuvent être envoyés à l’a­dresse sui­vante : Soli­da­ritäts­ko­mi­tee « Ralf Stein » c/​o Ralf Aurand, 5 Köln 30, Tieks­tr. 49, R.F.A. ou à J.V.A., 5 Köhl 30 Rach­mans­tr. 30, R.F.A.

Japon

Appel du Comi­té de Défense du Front Armé Anti-Japo­nais d’A­sie Orientale

Le gou­ver­ne­ment japo­nais a assi­mi­lé l’art du tour de passe-passe employé par ses homo­logues occi­den­taux, et qui consiste à rendre sa pro­pa­gande si adroite qu’elle semble inexis­tante. Résul­tat : encore une vic­toire de la démo­cra­tie ? La réa­li­té est tout autre.

Le 19 mai der­nier, huit jeunes mili­tants furent appré­hen­dés au même moment, au petit matin. L’un d’entre eux se sui­ci­da aus­si­tôt en absor­bant une cap­sule de poi­son. Les autres furent incul­pés dans le cadre de l’en­quête sur la série d’at­ten­tats à la bombe qu’a connue le Japon depuis le mois d’août 1974 (voir la chro­no­lo­gie détaillée ci-des­sous). Ils furent d’a­bord décrits comme étant « des anar­chistes ». Il y avait à cela deux rai­sons : d’a­bord, il s’a­gis­sait de réveiller dans le public le réflexe ata­vique d’as­so­cia­tion entre bombes et absence de gou­ver­ne­ment ; ensuite venait une manœuvre cal­cu­lée par l’É­tat pour se créer un pré­texte de répres­sion contre le mou­ve­ment anar­chiste japo­nais, après la désa­gré­ga­tion de la « Nou­velle Gauche » mar­xiste. Quand on lais­sa fil­trer dans la presse l’in­for­ma­tion que les 7 de Tokyo n’a­vaient aucune connais­sance pré­cise de l’a­nar­chisme, le mal était déjà fait. Dans la chasse aux « indices », les domi­ciles des anar­chistes sus­pects, à tra­vers le pays, furent l’ob­jet de des­centes de police, de poses de micros clan­des­tins, et de sur­veillance directe. Dans ces cir­cons­tances, les anar­chistes japo­nais ont besoin d’une soli­da­ri­té renou­ve­lée pour faire face aux attaques qui vont suivre. En atten­dant, le gou­ver­ne­ment est en train de mettre sur pied un pro­jet de loi anti-ter­ro­riste qui va replon­ger le pays dans l’at­mo­sphère des années trente[[La mon­tée du mili­ta­risme japo­nais au début des années trente fut mar­quée par une série de ten­ta­tives de coups d’É­tat et une vague de ter­ro­risme mili­ta­riste, culmi­nant avec l’as­sas­si­nat du Pre­mier Ministre Tsuyo­ki Inokai le 15 mai 1932, par un groupe d’of­fi­ciers. Ceci fut le signal de la fin du régime des par­tis, déjà en dif­fi­cul­té face aux mili­taires depuis l’in­ci­dent de Mouk­den (18 sep­tembre 1931), qui entraî­na la guerre sino-japo­naise et l’oc­cu­pa­tion de la Mand­chou­rie. À par­tir de 1932, une série de gou­ver­ne­ments mili­taires inten­si­fièrent la répres­sion contre le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire, pra­ti­que­ment écra­sé dès 1935. (N.d.T.)]].

Dans tout le Japon, à l’heure où vous lisez cet appel, la police exploite la situa­tion actuelle pour inten­si­fier, au mépris des lois, son action de main­tien de la « sécu­ri­té publique », sous pré­texte de répri­mer des « élé­ments extré­mistes ». D’a­bord, les appar­te­ments pri­vés sont sou­mis à une « stra­té­gie du rou­leau com­pres­seur ». Les domi­ciles sus­pects sont mis à sac pour trou­ver des preuves. Beau­coup de per­qui­si­tions ont été ame­nées par des indi­ca­tions four­nies par de simples citoyens, style 1934. Ensuite, les sus­pects sont embar­qués, géné­ra­le­ment de nuit, et leurs effets sont éplu­chés en leur absence. En troi­sième lieu, les mili­tants poli­tiques, y com­pris les lea­ders de mou­ve­ments locaux de citoyens ou de rési­dents, sont sui­vis, sou­mis à une sur­veillance constante, et sou­vent appré­hen­dés sous des incul­pa­tions mineures de droit com­mun. Les endroits où se ren­contrent des « élé­ments extré­mistes » sont truf­fés de micros, et sou­mis à écoute télé­pho­nique. Enfin, édi­teurs et impri­meurs ont été per­qui­si­tion­nés illé­ga­le­ment, avec sai­sie de manus­crits ou d’imprimés.

Voi­là pour notre droit, ins­crit dans la Consti­tu­tion, d’im­pri­mer, de publier, de dif­fu­ser et de lire ce que nous vou­lons ! Loin de res­ter insen­sibles à une cam­pagne de répres­sion digne de la Tche­ka, les mass-média ont lan­cé leur propre chasse aux sor­ciers contre les élé­ments radi­caux. Leurs voci­fé­ra­tions mar­quèrent un maxi­mum après l’ar­res­ta­tion, au mois de mai, de 8 mili­tants appar­te­nant aux trois groupes consti­tuant le « Front Armé Anti-Japo­nais d’A­sie Orien­tale » : « Wolf » (« Loup »), « Fang of the Earth » (« Croc de la Terre »), et « Scor­pion » — que l’on appelle main­te­nant le plus sou­vent « les Loups ». Dans l’en­semble de la presse bour­geoise japo­naise, ce fut l’oc­ca­sion d’une débauche d’ar­ticles fiel­leux et calom­nia­teurs sur cette orga­ni­sa­tion. Le point com­mun à tous ces articles est de pas­ser vir­tuel­le­ment sous silence le conte­nu des pro­cla­ma­tions clan­des­tines émises par le groupe, et les risques qu’ils avait pris pour faire connaître son inten­tion poli­tique : de don­ner un aver­tis­se­ment, par l’ac­tion directe, aux com­pa­gnies japo­naises qui exploitent actuel­le­ment les peuples de l’A­sie, et, par là même, de s’at­ta­quer aux pro­jets colo­niaux du gou­ver­ne­ment pour cette région du monde. Au lieu de cela, en occul­tant la nature poli­tique des atten­tats, la presse a aidé, par tous les moyens, à réveiller et à faire jouer contre les 7 sus­pects l’hor­reur pro­fonde du public pour les bombes. Ain­si le jour­nal Asa­hi Shim­bun, dont l’é­di­tion du 29 juin les trai­tait de « bande de dingues non-poli­tiques », et rien n’a été négli­gé pour que s’im­pose l’i­mage de dan­ge­reux fana­tiques, d’ob­sé­dés de la bombe.

Sans aucun doute, le gom­mage déli­bé­ré, par la presse, des objec­tifs réels des « Loups » — pro­vo­quant ain­si une hys­té­rie de l’at­ten­tat par­mi le public, et pro­cé­dant pra­ti­que­ment au lyn­chage moral des 7 de Tokyo, avant même leur pro­cès — entre dans la stra­té­gie du gou­ver­ne­ment japo­nais : l’ex­ten­sion de la répres­sion et de la sur­veillance au nom de « la loi et l’ordre », avec l’adhé­sion du public japonais.

Les objec­tifs pra­tiques des trois groupes sont suf­fi­sam­ment expli­ci­tés par le titre col­lec­tif même qu’ils avaient choi­si pour leur mou­ve­ment : Front Armé Anti-Japo­nais d’A­sie Orien­tale. Plus expli­cites encore sont les pal­ma­rès pas­sés et les acti­vi­tés actuelles des com­pa­gnies visées par la cam­pagne d’at­ten­tats : Mit­su­bi­shi Hea­vy Indus­tries (30 août 1974) et Mit­sui Pro­ducts (14 octobre) sont les prin­ci­paux mar­chands de mort du Japon, avec comme tâche poli­tique de ser­vir de paravent à l’ex­pan­sion colo­niale du Japon en Asie ; Tei­jin (25 novembre) Tai­sei Construc­tion (10 décembre), Kaji­ma Construc­tion (23 décembre), Haza­ma Gumi (28 février, 4 mai), Orien­tal Metals (19 avril) et l’Ins­ti­tut de Recherche Indus­trielle Sud-Coréen (19 avril) se sont tous ren­dus cou­pables, dans le pas­sé. d’a­voir arra­ché à leurs terres natales des popu­la­tions locales, comme les Coréens ou les Aïnous japo­nais. Leur fonc­tion actuelle est de for­mer la tête de pont, de mèche avec les gou­ver­ne­ments com­pra­dores indi­gènes, de l’in­va­sion éco­no­mique de l’A­sie par le Japon.

Dans de telles cir­cons­tances, peu importe si l’é­ti­quette « anar­chiste » col­lée aux accu­sés par le gou­ver­ne­ment et par la presse est la bonne. Quelle que soit leur orien­ta­tion poli­tique, notre tâche, à l’ex­té­rieur, est claire. D’a­bord, il faut contrer la réac­tion gou­ver­ne­men­tale en lan­çant notre propre cam­pagne — une cam­pagne popu­laire contre les actes illé­gaux de répres­sion poli­cière. Nous ne pou­vions pas lais­ser notre ins­tinct de conser­va­tion ni notre manque d’au­dace natu­relle nous impo­ser le silence. Pas plus que nous ne pou­vons lais­ser l’o­pi­nion publique pri­son­nière des ver­sions offi­cielles, ou défor­mée par le sen­sa­tion­na­lisme des mass-media. Ensuite, il faut mener une action de sou­tien pour faire connaître les inten­tions réelles des 7 de Tokyo, avant qu’elles ne soient com­plè­te­ment noyées dans l’hys­té­rie induite par le gou­ver­ne­ment et les média. Nous recon­nais­sons que les 8 morts de l’at­ten­tat contre Mit­su­bi­shi furent une tra­gé­die, mais nous insis­tons sur le fait que le groupe n’a­vait pas l’in­ten­tion de tuer. Dans tous les atten­tats qui sui­virent, la taille de l’en­gin avait été réduite, l’heure de l’ex­plo­sion avait été soi­gneu­se­ment cal­cu­lée de manière à évi­ter de faire des vic­times, et tous les aver­tis­se­ments néces­saires avaient été faits par téléphone.

De toute façon, en regard des mas­sacres pas­sés d’Aï­nous, de Chi­nois et de Coréens dont les mar­chands de mort se sont ren­dus et sont tou­jours res­pon­sables, le nombre des vic­times est négli­geable. Condam­ner la vio­lence en cau­tion­nant ceux qui uti­lisent la vio­lence « res­pec­table », c’est tom­ber dans le pan­neau de l’É­tat. Nous sommes en train de lan­cer un mou­ve­ment pour sou­te­nir la défense des 7 de Tokyo. Vos encou­ra­ge­ments de l’é­tran­ger nous don­ne­ront du cou­rage et des forces pour notre cam­pagne. Nous espé­rons aus­si que vous ferez connaître aux cama­rades de votre pays ce que nous faisons.

Soli­da­ri­té Inter­na­tio­nale pour les « Loups » et pour notre cam­pagne en leur faveur !

Écrire à Mukui Ko (Salu­tion, Izu­mi­ha­ra Bun­ka, 2 – 12‑2 Asa­hi-cho, Abe­no-Ku, Osa­ka, Japon) ou à East Asia Anti-Japan Armed Front Defence Com­mit­tee (Tokyo, Mina­to­ku, Shin­ba­shi 2 – 8‑16, Ishi­da Buil­dings 4 F c/​o Kyuen Renonku-Cente)

Pour plus d’in­for­ma­tions, contac­ter L.I. Centre, c/​o C.I.R.A. – Nip­pon S.I.C.. Kobe G.P.O. Box 1 065.650 – 91, Japon.

Chro­no­lo­gie

- Août 1974 : après trois aver­tis­se­ments préa­lables dont il ne fut pas tenu compte, une bombe puis­sante explo­sa dans le hall d’en­trée de Mit­su­bi­shi Hea­vy Indus­try, au cœur du quar­tier des affaires de Tokyo. M.H.I. Est pro­ba­ble­ment la plus grosse entre­prise indus­trielle éta­blie en Corée du Sud par le capi­tal japo­nais. 8 morts et 380 bles­sés. Reven­di­qué par « Wolf » (« Loup ») du Front Armé Anti-japo­nais d’A­sie Orientale.
– 14 octobre 1974 : Une autre bombe contre Mit­sui & Co., une des socié­té com­mer­ciales les plus « dyna­mique » du Japon, jouant un rôle de pre­mier plan en Corée du Sud et dans le Sud-Est asia­tique, et fai­sant par­tie du com­bi­nat géant Mit­sui, qui par­ti­ci­pait de plain-pied à la direc­tion du Japon avant la guerre. 19 bles­sés, dont les poli­ciers qui fouillaient le bâti­ment à la suite des aver­tis­se­ments reçus. Reven­di­qué par « Fang of the Earth » (« Croc de la Terre ») du Front Armé Anti-Japo­nais d’A­sie Orientale.
– 25 novembre 1974 : Une bombe à retar­de­ment explose à l’Ins­ti­tut cen­tral de recherches de Tei­jin Lim, dans l’ouest de Tokyo. Tei­jin est un gros conglo­mé­rat de l’in­dus­trie tex­tile. Une note exi­geait l’a­ban­don de ses pro­jets de construc­tion d’une nou­velle raf­fi­ne­rie de pétrole en Corée du Sud, et l’ar­rêt de l’emploi de main-d’œuvre fémi­nine coréenne au rabais dans son usine de Nagoya. Pas de bles­sés. Reven­di­qué par « Loup ».
– 10 décembre 1974 : 9 per­sonnes sont bles­sées par une autre bombe au siège de la Tai­sei Construc­tion Co. à Tokyo. La com­pa­gnie était accu­sée d’être liée avec un des « zai­bat­su » (gros com­bi­nats) d’a­vant-guerre, qui avait exploi­té la main-d’oeuvre coréenne. Reven­di­qué par « Fang of the Orient » (« Croc de l’Orient »).
– 23 décembre 1974 : Une usine de la Kaji­ma Cor­po­ra­tion dans l’est de Tokyo saute au milieu de la nuit. L’ex­plo­sion n’est reven­di­quée par per­sonne, et aucun aver­tis­se­ment n’a­vait été don­né, quoique Kaji­ma soit en pleine expan­sion dans toute l’Asie.
– 28 février 1975 : Une autre grosse socié­té de construc­tion, Haza­ma­gu­mi, est tou­chée, par deux bombes à retar­de­ment dans ses bureaux de Tokyo. Encore une fois, de grosses res­pon­sa­bi­li­tés dans l’ex­pan­sion japo­naise en Corée du Sud. Reven­di­qué par « Scor­pion » du Front Armé Anti-Japo­nais d’A­sie Orien­tale. Cinq minutes plus tard, une autre bombe explose dans d’autres bâti­ments de la com­pa­gnie. Reven­di­quée par le Comi­té Uni de Lutte Kei­han­shin (Kyo­to-Osa­ka-Kobe).
– 19 avril 1975 : L’Ins­ti­tut de Recherches Indus­trielles et Éco­no­miques de Corée du Sud à Tokyo et Arna­ga­sa­ki Orien­tal Metals dans la région d’O­sa­ka sont visés par des atten­tats simul­ta­nés. L’Ins­ti­tut sert à pla­ni­fier l’ex­pan­sion japo­naise en Corée du Sud, et la deuxième socié­té y joue un rôle impor­tant. Les deux atten­tats sont reven­di­qués par le Front Armé Anti-Japo­nais d’A­sie Orientale.
– 27 avril 1975 : Encore un atten­tat contre Haza­ma­gu­mi, dans un chan­tier près de Tokyo. L’at­ten­tat n’est reven­di­qué par personne.
– 4 mai 1975 : Petite explo­sion contre un pont en cours de construc­tion par une filiale de Haza­ma­gu­mi. L’ex­plo­sion n’est reven­di­quée par personne.

La situa­tion est très ten­due à la suite d’ar­res­ta­tions à Tokyo, le 18 mai. 30 anar­chistes sont déte­nus, rien que dans la région Osa­ka-Kyo­to-Kobe ; 20 à Tokyo. La police avait éta­bli ses listes dès le début du mois de mai, mais avait retar­dé l’o­pé­ra­tion, crai­gnant des repré­sailles contre la reine Eli­sa­beth d’An­gle­terre, alors en visite au Japon. La veille de l’an­nonce des arres­ta­tions, la Fédé­ra­tion Anar­chiste apprit que la police pré­pa­rait une purge des anar­chistes au Japon. Le rai­son­ne­ment sous-ten­dant l’o­pé­ra­tion était que, avec le déclin de la « Nou­velle Gauche » néo-trots­kyste, le fait que l’Ar­mée Rouge avait dû se réfu­gier à l’é­tran­ger, que les prin­ci­pales ten­dances avaient som­bré dans les luttes frac­tion­nelles, et que le mou­ve­ment contre la guerre avait per­du son élan avec la fin des com­bats au Viet-Nam et le (pré­ten­du) retour d’O­ki­na­wa sous contrôle japo­nais – les seuls élé­ments gênants étaient les anar­chistes. La répres­sion commença.

30 anar­chistes sont déte­nus dans la région de Kan­sai, et 20 à Tokyo. La plu­part étaient étu­diants. Pour leur venir en aide, un Comi­té de Secours Noir allait être consti­tué, et on se pro­po­sait de remettre sur pied la fédé­ra­tion natio­nale. Alors que ces cama­rades pré­voyaient l’im­mi­nence de la confron­ta­tion, ils ne se dou­taient pas que les arres­ta­tions allaient avoir lieu le len­de­main. Les poseurs de bombes de Tokyo étaient un groupe sépa­ré, sans aucun rap­port avec ceux qui tentent de réor­ga­ni­ser le mou­ve­ment natio­nal. Les arres­ta­tions donnent aux Comi­tés de Secours Noir une sou­daine impor­tance, de pre­mier plan. Jus­qu’a­lors, le seul orga­nisme de secours exis­tant était un comi­té consti­tué pour venir en aide à un cama­rade arrê­té en 1972 pour une attaque contre l’u­ni­ver­si­té de Sap­po­ro. La peine de mort sera sans doute requise contre les incul­pés. La peine capi­tale est tou­jours en vigueur au Japon, quoique rare­ment exé­cu­tée. Cepen­dant, leur assas­si­nat par l’É­tat, s’il a effec­ti­ve­ment lieu, ne sera pas une affaire expé­di­tive, comme en Corée du Sud. Les pro­cès seront tirés en lon­gueur jus­qu’à ce que le public ne s’en sou­vienne plus, et les exé­cu­tions se feront dis­crè­te­ment. C’est, du moins, ce qu’es­père le gouvernement. 

L’en­ter­re­ment de Sai­to Kazu, le cama­rade qui s’é­tait sui­ci­dé après son arres­ta­tion, en mai, sous l’in­cul­pa­tion d’at­ten­tats à la bombe, se trans­for­ma en fête qui abou­tit à une mani­fes­ta­tion devant le Q.G. de la Police Natio­nale. Comme c’é­tait là que Sai­to était mort, des cama­rades ten­tèrent d’y dépo­ser des fleurs. La police s’y oppo­sa, et une bagarre sui­vit, au cours de laquelle plu­sieurs cama­rades furent arrê­tés (et relâ­chés par la suite). Un comi­té fut for­mé pour éla­bo­rer la stra­té­gie de la cam­pagne de sou­tien. Un jour­nal men­suel, Kyüen (« Secours ») a publié les détails des affaires, des condi­tions de déten­tion, et des révé­la­tions sur les menées contre-révo­lu­tion­naires. Il veut aider les déte­nus qui forment des unions de pri­son­niers, pour la plu­part des gens incul­pés dans des affaires concer­nant l’Ar­mée Rouge, quoique de nom­breux « non-poli­tiques » (une fausse dis­tinc­tion) soient en train d’y adhé­rer. Le Comi­té de Sou­tien aux 7 de Tokyo veut s’af­fi­lier à la Croix Noire Anar­chiste. La Croix Noire Anar­chiste japo­naise est un élé­ment de la lutte. Le congrès consti­tu­tif de la Fédé­ra­tion Anar­chiste du Japon est pré­vu pour le mois de septembre.

Une nou­velle vague de répres­sion est à pré­voir après la libé­ra­tion des 5 cama­rades par l’Ar­mée Rouge[[Le 4 août 1975, 5 membres de l’Ar­mée Rouge fai­saient 53 otages au consu­lat des U.S.A. à Kua­la-Lum­pur (capi­tale de la Malay­sia), dont le consul amé­ri­cain et le char­gé d’af­faires sué­dois ; en échange, ils obtinrent la libé­ra­tion de 5 pri­son­niers au Japon, 2 autres ayant refu­sé de par­tir. (N.d.T.)]]. On pense que Sasa­ki n’a­vait jamais été mêlé à l’Ar­mée Rouge jus­qu’à pré­sent. Il a pro­ba­ble­ment été libé­ré pour son savoir-faire en matière d’explosifs.Puisqu’il ris­quait la peine de mort, il n’y a rien d’é­ton­nant à ce qu’il ne se soit pas fait prier pour par­tir. Les 4 autres risquent la peine de mort, si les tri­bu­naux confirment leurs peines.

Lettre du Japon

(…) Le « Front Anti-Japo­nais d’A­sie Orien­tale » n’a rien à voir avec l’Ar­mée Rouge, sinon d’a­voir adop­té cer­taines de ses méthodes. Le FAJAO est une orga­ni­sa­tion dis­tincte, visant à dénon­cer le pas­sé anti-popu­laire et les acti­vi­tés pré­sentes du monde des affaires japonais.

(…) Un des cama­rades de notre groupe est un ancien membre de l’Ar­mée Rouge qui en sor­tit quand il ne put plus sup­por­ter son auto­ri­ta­risme. L’Ar­mée Rouge a per­du plus de membres à tra­vers les mas­sacres internes (les suites de l’in­ci­dent de Kar­vi­za­wa, début 1971) et les défec­tions qu’à tra­vers la répres­sion poli­cière. Un des pri­son­niers libé­rés après l’in­ci­dent de Kua­la Lum­pur était un anar­chiste, un membre des 7 de Tokyo ; il a pro­ba­ble­ment été libé­ré pour ses connais­sances en matière d’en­gins explo­sifs, pas à cause d’un côté cos­mo­po­lite de l’Ar­mée Rouge. D’a­près mes infor­ma­tions il n’a­vait eu aucun rap­port avec eux jus­qu’a­lors, et je pense qu’il a accep­té d’être libé­ré parce qu’il était mena­cé d’as­sas­si­nat offi­ciel par le gou­ver­ne­ment japo­nais. Deux cama­rades qui avaient fait par­tie de l’Ar­mée Rouge refu­sèrent, l’un d’entre eux décla­rant qu’il reje­tait la façon éli­tiste de faire la révo­lu­tion de l’Ar­mée Rouge.

(…) Pour ce qui est de l’at­ti­tude des anar­chistes d’i­ci vis-à-vis de l’Ar­mée Rouge en géné­ral, on pour­rait dire qu’ils en font l’é­loge pour avoir mon­tré les fai­blesses du gou­ver­ne­ment japo­nais, et pour avoir « inter­na­tio­na­li­sé » les pers­pec­tives révo­lu­tion­naires japo­naises. Quelles que soient leurs opi­nions sur la vio­lence, les anar­chistes du Japon ont for­mé un Comi­té de Sou­tien pour venir en aide à tous les pri­son­niers politiques.

Le pro­cès des 7 de Tokyo est pré­vu pour le mois d’oc­tobre. Il y a 4 nou­veaux chefs d’in­cul­pa­tion, ce qui en fait 16 en tout. Le pre­mier numé­ro publié par le Comi­té de Sou­tien est paru. Il contient l’his­toire des agis­se­ments pas­sés des com­pa­gnies visées par les bombes ; une chro­no­lo­gie du mono­pole de la vio­lence anti-popu­laire aux mains du gou­ver­ne­ment japo­nais, etc.

Portugal

« Le matin du 2 sep­tembre 1975, à 10 h 43, le consu­lat de l’É­tat Espa­gnol à Por­to a été en par­tie détruit par une charge explo­sive. Nous avons accom­pli cette action pour expri­mer notre soli­da­ri­té inter­na­tio­nale avec le peuple basque, et avec sa lutte pour la libé­ra­tion des cama­rades Gar­men­dia et Otae­gui, condam­nés à mou­rir par le gar­rot. Tant que la lutte contre les fas­cistes en res­te­ra au niveau des mots, rien ne sera obte­nu, et les révo­lu­tion­naires conti­nue­ront à être empri­son­nés et assassinés.

Cette action est notre pre­mier aver­tis­se­ment ! Si nos cama­rades ne sont pas libé­rés, d’autres actions sui­vront, et elles seront sans pitié. La police a été aver­tie 10 minutes à l’a­vance, et le consu­lat 9 minutes à l’a­vance. Les uns et les autres furent priés de faire éva­cuer les bâti­ments et leurs envi­rons. Les jour­naux furent aver­tis 5 minutes à l’a­vance. Le consu­lat porte la res­pon­sa­bi­li­té exclu­sive du fait que 4 per­sonnes ont été bles­sées. Ils avaient 9 minutes pour éva­cuer. Cette façon de pro­cé­der est carac­té­ris­tique de régimes dis­po­sés à lais­ser des gens aller à la mort, s’ils peuvent s’en ser­vir pour retour­ner l’o­pi­nion publique contre les révolutionnaires ».

Les Inter­na­tio­na­listes de Soli­da­ri­té Révolutionnaire.

La Presse Anarchiste