La Presse Anarchiste

Justice populaire — justice bourgeoise : mêmes prisons

Il y a plus d’un an, dans la nuit du 21 août 1974, deux femmes sont vio­lées par trois hommes, alors qu’elles cam­paient au bord de la mer, près de Mar­seille ; les trois hommes sont arrêtés et sont passés en cor­rec­tion­nelle le 17 sep­tem­bre 1975 pour « coups et blessures » et non en Assis­es pour viol !

Implicite­ment la jus­tice con­sid­ère que les deux femmes étaient con­sen­tantes, ce qui con­firme l’opin­ion très large­ment répan­due qu’un « viol ça n’ex­iste pas et qu’elles sont toutes plus ou moins consentantes »

En somme pour être vio­lée, il faut être soit une jeune vierge, soit une vieille femme (et encore ! pour ce dernier cas).

À par­tir de là, qua­tre groupes de femmes ont entre­pris une cam­pagne [[(Cette cam­pagne dém­a­gogique a eu l’ap­pro­ba­tion de presque tous les groupes d’ex­trême gauche et aus­si de nom­breux cama­rades inor­gan­isés. Seuls à notre con­nais­sance, comme oppo­si­tion réelle à cette cam­pagne, l’ar­ti­cle de B. Val­laey, le com­mu­niqué du C.A.P. et l’ar­ti­cle de Michael dans Libéra­tion du 27 et 28 novern­bre 1975 (un bon point pour Libé, c’est pas dans vos habi­tudes). C’est très peu.

Sur ce pre­mier point, les organ­i­sa­tions féminines ont eu gain de cause, puisque le tri­bunal s’est déclaré incom­pé­tent.]] pour :
— faire recon­naître le crime de viol par la justice
— amen­er les femmes à porter plainte quand elles se font violer
— déval­oris­er la pseu­do viril­ité des hommes qui quo­ti­di­en­nement vio­lent des femmes, com­pagnes, épous­es ou autres.
— faire recon­naître le crime de viol par la jus­tice et amen­er les femmes à porter plainte quand elles se font violer.

Voilà me sem­ble-t-il tout le con­traire d’une démarche lib­er­taire (ce qui ne saurait nous éton­ner vu que les pétroleuses ne sont que l’ap­pen­dice féminin de la ligue com­mu­niste, autrement dit des femmes trot­skystes !), tout le con­traire d’une démarche révo­lu­tion­naire (ce qui ne saurait nous éton­ner vu que le tri­bunal inter­na­tion­al des crimes con­tre les femmes pour­suit le même genre d’idée que le tri­bunal Rus­sel, Amnesty Inter­na­tion­al ou autres organ­i­sa­tions réformistes, et qui ne en cachent pas d’ailleurs, soyons leurs en gré).

Mais que vont donc faire dans cette galère « des groupes de femmes », « femmes en lutte » etc.

Car enfin s’il s’ag­it bien de faire recon­naître qu’il y a viol quand il y a viol, que le viol est une chose igno­ble et qui ne con­siste pas seule­ment à intro­duire de force un pénis dans un vagin, ce n’est pas la jus­tice, l’É­tat qu’il faut con­va­in­cre de ces choses, mais plutôt la société civile, l’ensem­ble des gens qui pensent le con­traire et qui fondent, qui légiti­ment l’ex­is­tence d’une jus­tice, d’un État.

Ce n’est donc pas au nom d’un human­isme quel­conque que nous cri­tiquons cette cam­pagne, car effec­tive­ment comme le dit « une femme des pétroleuses » dans Libéra­tion du 25 sep­tem­bre, un vio­leur c’est comme un bour­reau qui tor­ture dans une prison, et qu’il ne s’ag­it d’ex­cuser (elle dit relax­er) ni l’un ou l’autre ; ni même de pleur­er s’il lui arrive des ennuis. Mais ce qui est inquié­tant, c’est que cette femme dit aussi :

« En atten­dant les tri­bunaux pop­u­laires, nous nous bat­trons pour que… » et plus loin : « au Chili, en Espagne, le jour où Pinochet et Fran­co seront vain­cus le peu­ple réclam­era jus­tice de tous les crimes com­mis, les tor­tures, les vio­ls des femmes en prison ».

Cette femme aurait pu dire : « en atten­dant la révo­lu­tion… » en atten­dant « le com­mu­nisme… » en atten­dant… nous faisons ceci et cela, main­tenant, car il y en a marre d’at­ten­dre des lende­mains mythiques pour chang­er quelque chose à notre vie, pour lut­ter con­crète­ment con­tre ce qui nous opprime. Par exem­ple une grande cam­pagne sur le viol, ses caus­es, ses sig­ni­fi­ca­tions, y com­pris des moyens con­crets que les femmes peu­vent met­tre sur pied pour s’en protéger.

Au lieu de ça, c’est en atten­dant… « les tri­bunaux pop­u­laires… », ces par­o­dies de jus­tice dont les intel­lectuels se repais­sent (voir la G.P. et le meurtre de Brigitte Dewèvre ou les exé­cu­tions au sein de l’ar­mée rouge japon­aise). En atten­dant l’or­dre total­i­taire bolchevique, faisons con­fi­ance à l’or­dre bourgeois !

Mar­tin.


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