La Presse Anarchiste

Polémique avec le Conseil Général

La Liber­té de Bruxelles du 5 mai publie une cor­res­pon­dance fort extra­or­di­naire sur le congrès de Sara­gosse. Dans cette cor­res­pon­dance, où un cer­tain Pablo Far­ga joue le rôle de doc­teur ès sciences sociales et enseigne gra­ve­ment aux ouvriers espa­gnols la meilleure orga­ni­sa­tion de l’In­ter­na­tio­nale [[Qu’on ne se méprenne pas sur le sens de nos paroles : nous ne fai­sons aucune objec­tion aux théo­ries géné­rales émises par M. Pablo Far­ga, car ces théo­ries, que le cor­res­pon­dant semble vou­loir nous oppo­ser, sont pré­ci­sé­ment les nôtres. « L’or­ga­ni­sa­tion de bas en haut, » dont parle M. Pablo Far­ga, c’est nous qui la défen­dons contre le Conseil géné­ral de Londres, qui vou­drait faire de l’orga­ni­sa­tion de haut en bas. Il y a une phrase du cor­res­pon­dant qui exprime par­fai­te­ment, en quelques mots, le prin­cipe qui a tou­jours été le nôtre ; la voi­ci : « La grande force et ori­gi­na­li­té du mou­ve­ment ini­tié par l’In­ter­na­tio­nale, est de s’être pla­cé en dehors de toute théo­rie et de toute méta­phy­sique, et de ne vou­loir être qu’une socié­té mili­tante, consti­tuée pour réa­li­ser le but pra­tique de l’éman­ci­pa­tion de la classe ouvrière par la classe ouvrière elle-même. » — Il faut beau­coup d’i­gno­rance ou de mau­vaise foi pour venir nous oppo­ser, d’un air triom­phant, nos propres prin­cipes ; nous les avons pour­tant pro­cla­més assez clai­re­ment et assez hau­te­ment ; — mais il paraît qu’il ne faut plus s’é­ton­ner de rien de la part de cer­tains adversaires.

Nous ne sommes pas des idéa­listes : nous sommes de très sin­cères et très posi­tifs maté­ria­listes. Il n’y a jamais eu dans l’In­ter­na­tio­nale, à notre connais­sance, qu’un seul méta­phy­si­cien, un seul ab­stracteur de quinte-essence : c’est l’au­teur du livre Das Kapi­tal.]], on parle de dis­si­dences au sein du Conseil fédé­ral espa­gnol, d’hommes qui obéissent aux théo­ries conte­nues dans la cir­cu­laire du Jura, etc. On ajoute que la cir­cu­laire du Jura mena­çait l’In­ter­na­tio­nale d’une scis­sion et de la créa­tion de deux centres et qu’elle n’a eu quelque impor­tance qu’en Ita­lie où le mou­ve­ment pro­lé­taire est tout à fait jeune et entre les mains de doc­tri­naires idéa­listes.

Cette cor­res­pon­dance, dont l’au­teur tient de fort près à M. Marx, est pour nous une preuve de plus que les hommes qui intriguent contre nous en Suisse, font le même tra­vail dans les autres pays. Le pro­cès Bebel-Liebk­necht nous a révé­lé ce fait scan­da­leux, que dès l’an­née 1870, le Conseil géné­ral envoyait en Alle­magne, à titre de cir­cu­laires confi­den­tielles, des lettres dif­fa­ma­toires contre nous. — Nous avons reçu com­mu­ni­ca­tion de lettres écrites l’au­tomne der­nier à des amis Ita­liens, par M. Engels, secré­taire cor­res­pon­dant du Conseil géné­ral pour l’I­ta­lie ; dans ces lettres M. Engels se livre aux calom­nies les plus odieuses contre d’ho­no­rables citoyens appar­te­nant à la fédé­ra­tion juras­sienne et contre l’es­prit de notre fédé­ra­tion en géné­ral. — Nous avons entre les mains une lettre de M. Sérailler, secré­taire cor­res­pon­dant du Conseil géné­ral pour la France, lettre rem­plie d’in­jures ignobles et d’ac­cu­sa­tions ordu­rières contre plu­sieurs membres de notre fédé­ra­tion : cette lettre sera pré­sen­tée au Congrès géné­ral et il en sera deman­dé compte à son auteur. Enfin nous savons depuis long­temps que M. Lafargue, gendre de M. Marx, intrigue en Espagne pour le compte de son beau-père.

À la cor­res­pon­dance soi-disant espa­gnole, insé­rée par la Liber­té, nous répon­drons : 1° que nous n’a­vons jamais eu aucun rap­port per­son­nel avec les membres de l’an­cien Conseil fédé­ral espa­gnol, que nous igno­rons leurs dis­si­dences, si elles existent, et que nous ne pou­vons être ren­dus res­pon­sables de ces dis­si­dences ; 2° que la cir­cu­laire du Jura n’a jamais eu pour but une scis­sion dans l’In­ter­na­tio­nale ni la créa­tion d’un second centre, mais la réor­ga­ni­sa­tion, de l’In­ter­na­tio­nale et le retour aux prin­cipes des Sta­tuts géné­raux ; 3° que la fédé­ra­tion juras­sienne marche d’ac­cord, dans cette voie, avec la fédé­ra­tion belge, aux réso­lu­tions de laquelle elle s’est ral­liée, avec les sec­tions fran­çaises exis­tantes, avec la fédé­ra­tion espa­gnole et avec les sec­tions italiennes.

À pro­pos du Congrès de Sara­gosse, nous avons reçu de Bar­ce­lone des ren­sei­gne­ments directs, et voi­ci ce que notre cor­res­pon­dant nous écrit :

« Mal­gré la pré­sence au Congrès de Paul Lafargue, beau-fils de Marx, dégui­sé sous un faux nom, le Congrès de Sara­gosse a déci­dé à pro­pos du Jura, qu’il était tota­le­ment du même avis que les inter­na­tio­naux belges et qu’il s’ap­pro­priait leurs réso­lu­tions à ce sujet. ».

Comme nous nous sommes éga­le­ment appro­prié ces réso­lu­tions, nous nous trou­vons d’ac­cord avec le Congrès régio­nal espagnol.

Espé­rons du reste que le Congrès juras­sien qui doit se tenir au Locle le 19 mai, fera une décla­ra­tion dont les termes ren­dront impos­sibles à l’a­ve­nir les équi­voques per­fides de nos adversaires. 

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