Le directeur responsable est l’incarnation de la justice, il ne doit pas affecter une supériorité, il doit bannir de son personnel la malveillante critique, faciliter les rapports les plus loyaux parmi les professeurs, détruire toutes les mesquineries universitaires par un esprit de haute justice et de bienveillance mutuelle.
Il doit laisser à tous leur initiative personnelle et se servir du concours de leurs observations particulières et de leur supériorité intellectuelle pour le bien général. Mais je ne reconnais pas le droit d’imposer à quiconque un programme ; cependant si le maître se trouve inférieur ou peu digne de la liberté, le directeur, de concert avec les professeurs, peut intervenir. Aussi serait-il bon qu’il réunît souvent son personnel, dans une causerie mutuelle, où chacun pourrait le mettre au courant de ses observations, de son expérience. Par ce moyen on éloigne toute routine du programme qui peut se transformer par de nouvelles méthodes, tel qu’un ingénieur apportant des idées neuves, des créations, qui concourent à la prospérité de l’administration.
Le directeur devrait à l’ouverture des classes assembler les élèves de tous les cours, leur faire une petite causerie morale, prise sur les incidents, les abus qui nécessairement se glissent journellement chez lui, leur faire connaître le monde avec ses luttes, ses préjugés, ses conventions, leur donner certaines preuves de son expérience acquise, faire appel à leur jugement, en leur laissant le droit à la discussion, puis former un jury d’élèves perfectionnées, qui sanctionne les actes de l’école ou les difficultés qui surgissent. Il doit élever les pensées, le cœur de l’enfant vers un idéal que chaque famille peut exprimer à sa manière d’où découlera le beau, le bien, le juste.
Le but de l’éducation morale est la foi en la justice qui donne la notion du vrai et du bon. Notre société actuelle avec ses dures nécessités, ses privilèges, ses injustes personnalités, n’est que le résultat du système pédagogique actuellement en vigueur en France, semblable à celui des religions qui toutes ont des intérêts, preuve de leur origine humaine.
Ces principes de devoir, inséparables des droits, peuvent enfanter des héros, purifier, renouveler une société dont le système religieux et pédagogique, ne produit actuellement que l’intolérance, l’envie et l’intérêt personnel.
Abolition des punitions et des récompenses
Le mot punition ne doit jamais être prononcé dans l’école, l’enfant doit s’habituer à la réparation de ses torts.
C’est par le respect de sa liberté, par la persuasion et l’amour de la justice que nous devons l’y conduire. N’exigez pas de l’enfant cette obéissance passive, irresponsable, qui est aussi un héritage religieux.
L’enfant a ses droits, sa liberté, d’où lui vient la responsabilité, l’initiative ou self governement. La condition essentielle de responsabilité c’est la liberté, sans elle pas d’énergie.
Développez en un mot ces hautes conceptions dans un langage simple, vrai. Que vos actes soient en rapport à vos théories.
J’ai souvent remarqué, et à ma propre confusion, que l’enfant a le sentiment de justice plus développé que nous, qui le perdons par le frottement des intérêts discordants et des conventions sociales, laissez-lui la liberté de penser, de juger dans le respect qu’il doit à tous. Dirigez-le dans la voie de la responsabilité, de l’initiative, et ne le traitez pas comme un être inconscient, lui qui pourrait vous en remontrer au point de vue des principes naturels de justice et de liberté.
Les récompenses et les classements sont autant que les punitions abolis de l’école, il est démontré que chaque individu doit à la société sa part de travail et d’intelligence, aux mieux doués il appartient de donner davantage, chaque élève doit avant tout dépendre de sa conscience et trouver en elle pleine satisfaction. Naturellement le travail tien fait, porte en lui-même sa récompense, mais l’estime des autres et le salaire doivent être considérés comme effets et non comme causes.
Organisation de l’École
La, première notion donnée à l’élève est : Faites aux autres ce que vous voudriez qu’on vous fit.
Notre devise est Le bien particulier concourant au bien général.
Les professeurs n’ont pas de rang hiérarchique, le règlement seul régit l’École, la directrice en est la gardienne responsable. Chaque maîtresse est employée selon ses aptitudes en vue de l’intérêt de l’enfant.
La censure est appliquée par la directrice, afin d’éviter toute perte de temps aux professeurs, ces derniers laissent chaque jour un compte rendu sur le mouvement des cours, un autre est présenté par l’élève semainière, fonction qui développe l’initiative de l’enfant.
Tous les matins à la première heure de classe, la directrice réunit toutes les élèves et commence une improvisation morale, prise sur les abus qui se glissent journellement à l’école, et sur l’expérience de la vie, elle lit les comptes rendus, l’élève qui a commis une faute est interrogée, loyalement, elle peut se justifier, ses compagnes la jugent et nomment un jury d’élèves perfectionnées qui votent un blâme ou une justification.
L’improvisation achevée, la directrice applique une maxime morale, qui doit être pratiquée par toutes, dans la journée. Ainsi s’accomplit pas à pas le perfectionnement psychique. En dehors de cette heure toute réprimande est exclue, la persuasion, l’amour de la justice remplacent les châtiments.
Pauline Dupont