Au cours de la discussion, le public présent dans la salle a fait quelque tapage ; et c’est à regretter. Pour ma part, je ne saurais admettre l’intolérance qui couvre la voix d’un contradicteur et l’empêche de présenter ses objections quelles qu’elles soient. Les cris d’animaux et les sifflets ne sont pas des arguments et de tels procédés de discussion dénotent chez ceux qui s’y livrent une bien maigre confiance en la justesse de leur cause, puisqu’ils paraissent redouter pour elle la production au grand jour d’arguments adverses.
N. B. — Les conférences du samedi soir de chaque semaine seront seules contradictoires.
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Ceux-ci ont adressé à la population parisienne un appel que plusieurs journaux ont reproduit. De nouveaux bruits de grève circulent. Il est à souhaiter, si la menace est mise à exécution que la prochaine grève ne se termine pas, comme la précédente, en eau de boudin.
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L’Administration va donc être invitée à rechercher les voies et les moyens d’arriver à une entente en vue de substituer le phosphore amorphe au phosphore blanc. Lentement, gravement, pesamment, on dressera rapports sur rapports, puis, quelque jour, quelque employé flémard oubliera le dossier dans un carton et les trop crédules ouvriers continueront de succomber à l’intoxication.
À qui la faute ? sinon aux grévistes eux-mêmes qui n’ont pas su, dès le début, poser énergiquement leur revendication : Plus de phosphore blanc ou plus de travailleurs ! Ils se sont laissé endormir par une nuée de politiciens plus compatissants les uns que les autres, venant, en échange de la protection offerte, s’assurer quelques unités de plus au chiffre des suffrages futurs, et s’en sont fiés à eux pour obtenir gain de cause.
M’est avis que l’avenir leur fera perdre cette illusion.
André Girard (Max Buhr)
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Le groupe des étudiants socialistes révolutionnaires internationalistes de Paris, se réunit tous les mercredis, à 8 h 1⁄2 du soir, 7, rue Corneille. Mercredi prochain, 22 mai, il donnera, salle Octobre, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, une conférence faite par Jean Allemane, sur le mouvement syndical.
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A. G.
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Chantelat était journalier ; le sort des journaliers, à Bourges, est assurément plus mauvais que ne l’était ci lui des esclaves. Les journaliers ne gagnent pas en moyenne 400 francs par an, sans être nourris, et je parle des hommes dans la force de l’âge. Cette année, au mois de mai, nous étions de quatre à cinq cents sans travail. Un chemin était à faire ; aussitôt ce fut une procession de gens allant demander de l’ouvrage ; à la lâche, les meilleurs ouvriers gagnaient 20 sous par jour, et cela, je le répète, au mois de mai. Les confidences que plusieurs m’ont faites étaient navrantes ; plusieurs m’ont dit qu’il leur arrive souvent de passer plusieurs jours sans manger !
Quant à ce pauvre Chantelat, c’était, de l’aveu de tous ses voisins, un homme irréprochable. Encore était-il un privilégié, car il n’a pas toujours manqué d’ouvrage cet hiver, où il gagnait 23 sous par jour, sans être nourri. Et depuis quelque temps il gagnait 15 francs par semaine, ce qui, en tenant compte des dimanches et des fêtes, fait 2 francs par jour. Mais il avait quatre enfants, et depuis trois jours il était sans travail, le désespoir s’empara de lui et sa détermination fut prise ; à quoi bon lutter davantage ? Quant à mendier, jamais il n’y consentit. Voyant qu’il en serait réduit, pour vivre, à faire comme les autres journaliers, c’est-à-dire, en travaillant beaucoup, à avoir recours à l’aumône, il préféra mourir avec ses quatre enfants, plutôt que de laisser ceux-ci à cette société infâme. Quand on pense aux privations qu’il a dû endurer avec 23 sous par jour pour six personnes, on peut comprendre qu’il fût las de la vie. J’ai entendu quelques personnes, ignorant combien peu gagnait cet homme, le maudire parce qu’il avait détruit ses enfants.
Mais n’est-ce pas ceux qui prélèvent sur le salaire du journalier de quoi satisfaire un luxe homicide qui ont en réalité enroulé des cordes autour des membres de ces pauvres enfants et les ont précipités dans le canal où ils se sont noyés ?
E. B.
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Voyons, monsieur le Commissaire, pourquoi tarabuster un malheureux vendeur en lui arrachant ainsi une marchandise qu’il paie ? Si les appointements que la Préfecture vous alloue ne vous permettent pas de dépenser 0,10 centimes par semaine et que la lecture des Temps Nouveaux vous tienne tant au coeur, eh ! que ne te dites-vous ? Nous ne considérerions pas comme une largesse au-dessus de nos moyens de vous faire le service gratuit du journal.
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Bonnes gens de Dijon, Besançon, Chalon ou autres lieux, travailleurs des villes et des champs, qui conservez une ombre d’indépendance, qui pouvez lire votre journal sans être espionnés, qui arrangez votre vie et votre intérieur sinon comme vous le désireriez, mais du moins sans que votre patron s’en préoccupe, vous ne pouvez vous faire une idée de l’enfer qu’est la mine.
Non seulement le métier a des dangers considérables, certains, connus, trop tristement célèbres même. Mais encore le mineur est hiérarchisé, excité contre ses frères, poussé à la bassesse et traîné, à l’église. On lui brise le corps, on tenaille ses convictions, on tue son énergie et on abrutit son cerveau.
Esclave à la mine, il est encore esclave chez lui. Il doit prendre garde à ses voisins, à ses paroles, à ses gestes et se cacher même de sa famille, de crainte qu’il ne transpire au dehors quelque chose de ce qu’il aura dit dans un mouvement d’indépendance, une lueur de raison.
Le grisou l’abat, l’asphyxie, le guette, l’éboulement le menace, peu importe. Qu’il se taise ou qu’il chante les louanges de la Compagnie ! Une seule amélioration s’offre à lui : qu’il vende sa conscience et 27 sous le récompenseront de sa lâcheté.
Aussi beaucoup succombent : 1 380, dit-on ; c’est exagéré, sans doute, mais c’est très significatif. Mais le plus triste, c’est que ces pauvres mouchards ont conscience de leur vilenie et font tout pour se cacher. Ils craignent le bruit que l’on fait autour d’eux et enragent de ne pouvoir l’étouffer. La présence d’un de leur camarade émancipé de la mine est une honte pour eux, c’est le remords vivant qui les poursuit sans trêve. Pour un peu, certains lui donneraient la chasse sans que la Compagnie le leur ordonne, s’ils ne craignaient la vendetta des hommes libres.
Cette rage se trahit chez leurs femmes, instruments souvent aveugles des haines des époux et des frères. Esclaves elles-mêmes des hommes, elles se font encore les complices de l’asservissement de ces derniers.