Dans le dernier numéro, plus rien ne transparaît de cette fameuse élaboration collective dont il était question dans le premier numéro. Les textes sur l’intégration imaginaire du prolétariat (n° 2) et sur la violence (n° 3) étaient accompagnés de commencement de discussion — entreprise encore limitée et qu’il aurait fallu poursuivre ; un bon moyen en tout cas pour que le lecteur puisse s’y glisser — vous n’étiez pas tous d’accord à ce qu’il semblait… La discussion s’est-elle transformée en monologue ?
On reparle de ce couple violence révolutionnaire-répression dans le dernier numéro ; mais sous quelle forme ? Un dossier indigeste (11 pages). Cela ne veux pas dire que l’information soit inintéressante, mais, comme le dit P . Lepeintre lui-même, « un tel sujet a déjà fait l’objet de pas mal d’études »… Au lecteur de s’y référer ; et si l’opinion d’I.A.T. valait d’être connue (?), pourquoi ne pas l’avoir sortie en brochure comme vous le faites pour des articles d’INTERROGATIONS ou d’ANARCHISMO ? L’argumentation de P. Lepeintre, présentant ce dossier, n’est pas très claire. Se demander « ce qu’est la démocratie » reste bien abstrait ; il ne s’agit pas seulement « de comprendre l’évolution de notre propre société », il s’agit peut-être aussi de la transformer, comme disait l’autre… (mais je suis encore bien naïve). Il faut essayer de comprendre en quoi cette même référence à la démocratie (qu’elle soit occidentale, prolétarienne ou avancée) de la part de gens qui ne sont pas assimilables, remplit une fonction idéologique, à savoir masquer leurs pratiques qui vont à l’inverse de leurs discours. Et c’est, justement parce que ce qu’ils font nous écœure que nous prenons la peine de savoir ce qu’ils disent. Si j’ai parlé de fonction idéologique, ce n’est pas parce que cela sonne bien mais parce qu’il y a derrière une répression bien réelle contre laquelle nous devons réagir, lutter là où c’est possible. (…)
Le texte de Nicolas sur la diffusion de la répression ne répond pas à cette attente.
On nous parle des aspects symboliques du châtiment, de la fonction qu’ils remplissent au niveau de l’imaginaire social… On plane… et on doit admettre a priori que l’auteur (et bien sûr le lecteur averti de la Lanterne !) sont dans une position de rupture par rapport aux attitudes collectives envers le crime, la délinquance et leur répression ; nous ne sommes pas des « honnêtes gens », alors…
Il faudrait peut-être se demander si rupture il y a, comment elle est possible ; bref, ne pas passer sous silence les problèmes que ce concept d’imaginaire social avait soulevé dans le n° 2 (cf. « un commencement de discussion »). Mais ce n’est pas ce que j’ai relevé de plus important dans ce texte : « les appareils d’État étendent la répression à l’ensemble de la société » et cela parce que la contestation s’étend partout, en profondeur… (j’interprète à tort ?).
Je ne demande qu’a en être convaincue, mais la métaphore centre-périphérie n’y contribue pas. Peut-être faudrait-il être plus explicite au sujet de ces « nouveaux illégalismes » et du danger qu’ils peuvent représenter pour le pouvoir étatique ; dans quelles mesures leur caractère subversif va-t-il dans un sens « révolutionnaire » ? (…)
Dans ce texte il n’y a que des allusions à la répression et aux contrôles que nous subissons, et nous n’arriverons pas à les situer, encore moins à les abolir, en nous repaissant de ces exhortations finales : « des illégalismes nouveaux prennent leur place dans la lutte contre la classe dominante et s’acheminent vers leur formulation politique dans un projet révolutionnaire. Projet révolutionnaire capable de réunir dans l’action (?) l’illégalité de l’anarchie avec la potentialité révolutionnaire des classes opprimées. » (p. 32)…
Qu’on ne s’y trompe pas ! Je n’attends pas de vos textes des « réponses claires et précises » qui assouviraient mon impatience à foutre tout ça en l’air… — je ne suis pas une adepte de l’activisme suicidaire —. Je m’accomode très bien de textes qui ne proposent rien de concret, d’immédiatement actualisable, comme par exemple le texte d’Agathe sur le viol ; j’y trouve un intérêt dans la mesure où il dérange ; c’est parce qu’il est une anti-réponse qu’il amorce une réflexion.
La diffusion d’analyses nouvelles (anarchistes ?) n’est intéressante que dans la mesure où elles rencontrent l’expérience quotidienne, s’en nourrissent ou la remettent en cause. Pour le dire autrement, la dimension critique que vous proposiez, en démarrant La Lanterne Noire, implique que la revue reste un moyen de lutte (parmi d’autres qui sont à chercher) et non un but en soi. Ces réflexions s’inspirent du dernier numéro de Noir et Rouge, où beaucoup de choses étaient exprimées plus clairement que je ne le fais ici. À méditer…
Françoise, Paris.