La Presse Anarchiste

Ce qu’est l’anarchie

Anar­chie signi­fie absence de gou­ver­ne­ment, c’est-à-dire de pou­voir. Il signi­fie aus­si que la
libre mani­fes­ta­tion du carac­tère des indi­vi­dus ne doit être entra­vée par aucune loi, ce qui est une
répé­ti­tion, la loi étant aus­si un pou­voir et de tous le plus insupportable.

Est-ce à dire que l’anarchie est le désordre : c’est-à-dire un état de chose dans lequel doit
néces­sai­re­ment se pro­duire l’antagonisme des volon­tés et des inté­rêts, réfrac­taires à toute
organisation ?

Croire cela serait se faire une sin­gu­lière idée de l’intelligence de ceux qui arborent son
drapeau.

Ce que veulent les anar­chistes ce n’est pas le désordre à la faveur duquel ils savent que la
force et la ruse ont tou­jours su trou­ver le moyen d’établir leur supré­ma­tie et que de lui sont nés
tous les gou­ver­ne­ments qui se sont succédés.

Ce qu’ils veulent, c’est au contraire la libre for­ma­tion des groupes tou­jours transformables
et modi­fiables, selon les besoins, les affi­ni­tés, ou les concep­tions de ceux qui les composent.

Les gou­ver­ne­men­taux de toutes nuances disent au peuple : tu es sou­ve­rain, mais tu ne saurais
toi-même exer­cer ta souveraineté.

Délègue-nous tes pou­voirs et tu seras déli­vré des sou­cis insup­por­tables de l’administration de
tes biens  ! Il sem­ble­rait à pre­mière vue qu’une telle pro­po­si­tion dû éma­ner de gens qui ont à cœur
de mettre au ser­vice de leurs conci­toyens une intel­li­gence supé­rieurs et une acti­vi­té au-des­sus de
l’ordinaire sans autre objec­tif que de se rendre utile à tous. Il n’en est cepen­dant rien.

Aus­si­tôt inves­tis du man­dat ces grands cœurs, sous pré­texte que le sou­ve­rain doit être
digne­ment repré­sen­té, trouvent juste et natu­rel de se faire ser­vir eux-mêmes par les enfants de
celui duquel ils se disent les ser­vi­teurs, ils dis­posent en maître de la tota­li­té de ses ressources,
ne lui aban­don­nant que la part, non pas néces­saire, mais stric­te­ment indis­pen­sable pour qu’il ne
meure pas tout entier (on a besoin de lui) et s’il lui prend fan­tai­sie de trou­ver étrange cette
manière d’agir des bons régis­seurs de ses domaines, ceux-ci, qui ont pré­vu le cas, répondent à ces
doléances en pla­cant en face de sa poi­trine les canons de fusils de ses propres enfants, que sous
cou­leur de patrio­tisme, c’est-à-dire sous pré­texte spé­cieux de veiller à sa sûre­té, ils l’ont
contraint de mettre à leur dis­po­si­tion pour en faire les exé­cu­teurs de leurs volontés.

Or les anar­chistes ne vou­lant pas abdi­quer ne veulent pas délé­guer. De là absence de
gouvernement.

Ils pensent que dans chaque centre de pro­duc­tion agri­cole ou indus­triel tous les intéressés
fai­sant par­tie de ces centres peuvent être ren­dus aptes à en connaître le chiffre et les moyens de
production.

Ils pensent que le para­si­tisme galon­né ou titré don­nant des ordres pour tout tra­vail produit
doit dis­pa­raître, et que celui seul doit consom­mer qui aura réel­le­ment pro­duit. Ce qui sera le cas
de cha­cun sous leur régime, car ils tiennent pour cer­tain que le pares­seux est une mons­truo­si­té et
une créa­tion de l’ordre social actuel qui ne sau­rait exis­ter dans une socié­té où les apti­tudes et
les goûts déci­dant du choix de la pro­fes­sion, le tra­vail devient pour l’homme une dépense
néces­saire, agréable et utile d’activité, au lieu d’être comme aujourd’hui une épou­van­table torture. 

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