La Presse Anarchiste

Allemagne : les cellules révolutionnaires et la RAF

À l’heure actuelle, ce texte cir­cule dans les milieux de gauche en Alle­magne. D’après les dernières infor­ma­tions reçues d’amis alle­mands, il y a actuelle­ment deux autres « let­tres ouvertes » en cir­cu­la­tion qui, elles aus­si, sont signées par les « Cel­lules Révo­lu­tion­naires » dénonçant d’abord la pre­mière let­tre, puis la sec­onde comme étant une « action menée par les ser­vices pour la sécu­rité d’É­tat » (équiv­a­lent des « Ren­seigne­ments généraux »). En principe nous devons les recevoir sous peu de temps…

Quant aux « Cel­lules Révo­lu­tion­naires », per­son­ne dans la gauche alle­mande ne sait qui (per­son­nes ou groupes) se cache là der­rière ! À ce pro­pos, il n’y a que de vagues hypothès­es. Or depuis quelque temps, nom­bre d’ac­tions en Alle­magne (fal­si­fi­ca­tion de tick­ets de trans­port, atten­tats à la bombe con­tre les cen­trales nucléaires et autres, etc.) étaient revendiquées par eux (les « Cel­lules Révolutionnaires »…).

Depuis la mise en cir­cu­la­tion de ce texte, Buback (le pro­cureur général) a été assas­s­iné il y a quelques jours, ce qui actu­alise peut-être encore davan­tage la dis­cus­sion pro­posée par, et dans, ce texte.

De toute manière, son intérêt en tant que tel con­siste en ce qu’il reflète les posi­tions (jusqu’à main­tenant cul­pa­bil­isées) de la gauche alle­mande par rap­port à la RAF ; il nous inter­roge aus­si sur notre impli­ca­tion dans ces actions ter­ror­istes en général 

Nous le pub­lions de façon à pour­suiv­re le débat com­mencé sur la vio­lence dans le n° 3 et sur l’Alle­magne dans le n° 4 de « La Lanterne Noire ».

Cette let­tre s’adresse à tous les cama­rades de la RAF !

C’est une let­tre ouverte !

Nous appartenons aux Cel­lules Révo­lu­tion­naires. Mais dans cette let­tre inter­vi­en­nent pas mal d’ar­gu­ments qui ont été élaborés au sein du mou­ve­ment non-dog­ma­tique. Parce que nous les tenons pour justes, et aus­si parce que nous nous sen­tons liés à ce mouvement.

Nous deman­dons à tous les groupes et à tous les cama­rades (par exem­ple aux maisons d’édi­tion, aux groupes non-dog­ma­tiques de tous les secteurs, aux pro­duc­teurs de jour­naux, aux cama­rades inor­gan­isés, au Mou­ve­ment du 2 juin, etc.) de dis­cuter cette lettre.

En fait, il y a déjà longtemps que nous voulions vous pos­er des ques­tions — à vous, les cama­rades de la RAF. Et nous sai­sis­sons l’oc­ca­sion du bruit qui court, selon lequel les pris­on­niers de la RAF envis­ageraient d’en­tamer une qua­trième grève de la faim, pour revendi­quer l’ap­pli­ca­tion de la Con­ven­tion de Genève, c’est-à-dire pour être recon­nus comme pris­on­niers de guerre.

Peut-être allez-vous vous deman­der pourquoi il nous faut un événe­ment « digne de dis­cus­sion » pour vous écrire. Cama­rades, c’est tout sim­ple­ment parce que nous avions peur que vous nous répondiez avec une sévérité exces­sive et inadéquate ; en dis­ant, par exem­ple, et dans le meilleur des cas, que nous étions objec­tive­ment des flics, ou que notre let­tre était une opéra­tion com­mandée par le « Ver­fas­sungschutz » [[Le Ver­fas­sungss­chutz, « ser­vice de pro­tec­tion de la Con­sti­tu­tion », est à peu près l’équiv­a­lent de la D.S.T. en France (N.D.T., comme les suiv­antes).]]. Entre-temps nous avons com­pris que la crainte d’un tel reproche ne devait pas nous faire reculer devant la con­fronta­tion avec vous. Il est pour nous essen­tiel de nous expli­quer maintenant 

Les actions de la RAF en 1971–72 [[Il s’ag­it d’at­ten­tats comme ceux qui visèrent le quarti­er général des forces améri­caines en Alle­magne, à Franc­fort et à Hei­del­berg, l’im­meu­ble du groupe de presse Springer, le juge Bud­den­berg, etc.]] ont eu une impor­tance con­sid­érable pour beau­coup de cama­rades. Elles ont sec­oué et réveil­lé un tas de gens, nous y com­pris. Quand ça pétait à tous les coins de rue, nous jubil­ions devant l’im­puis­sance de l’ap­pareil d’É­tat tout entier, et devant la capac­ité de la guéril­la à opér­er même en R.F.A. À l’époque, ces actions étaient artic­ulées sur le vaste mou­ve­ment anti-impéri­al­iste, elles réal­i­saient ce qui avait mijoté dans la tête de mil­liers de gens. Nous avons vu qu’il était pos­si­ble de con­cré­tis­er ce à quoi on pen­sait depuis très longtemps. Sans la RAF, il n’y aurait pas aujour­d’hui de Cel­lules Révo­lu­tion­naires, ni de groupes qui ont com­pris que la résis­tance ne s’ar­rête pas là où com­mence le Code Civ­il. Le texte que vous avez pub­lié [[Cf. « La bande à Baad­er » ou la vio­lence révo­lu­tion­naire, Ed. Champ Libre, 1972.]] mon­tre bien ce que cela veut dire : n’ac­cepter aucun com­pro­mis ; trac­er une claire démar­ca­tion entre l’en­ne­mi et soi-même ; la seule lib­erté con­tre cet appareil d’É­tat con­siste dans sa néga­tion totale, c’est-à-dire à s’en pren­dre à lui dans un col­lec­tif de lutte ; et pour rede­venir des hommes, il faut l’at­ta­quer de la façon la plus résolue.

Mais ce que nous avons besoin de savoir main­tenant, c’est ceci : est-ce que vous êtes sur les posi­tions que défendait la RAF en 1971–72 ? Com­ment vous situez-vous par rap­port à l’ac­tion de libéra­tion de Stock­holm ? [[Cf. « La Lanterne Noire », n° 4, « Le siège de Stock­holm », par J. Olday.]] Quelles erreurs pensez-vous avoir com­mis­es depuis lors ? Quels sont vos objec­tifs en ce qui con­cerne vos procès ?

Si nous vous posons ces ques­tions, c’est parce que nous ne voyons plus quelle est votre poli­tique. Nous ne recon­nais­sons plus grand-chose des objec­tifs ini­ti­aux de la RAF. Même lorsqu’il s’ag­it d’une ques­tion impor­tante : celle du change­ment d’ob­jec­tifs. D’au­tant que vous don­nez l’im­pres­sion que tout ce qui est infor­ma­tions, déc­la­ra­tions, mobil­i­sa­tion, est exclu­sive­ment déter­miné par une seule valeur d’usage, « la mise en valeur du procès ». Au point que quand Brigitte Mohn­haupt s’est mise à don­ner des pré­ci­sions sur vos struc­tures au juge Prinz­ing, ce rat, c’é­tait pour démas­quer les men­songes du faux témoin Müller — et prin­ci­pale­ment pour ça. Pourquoi faut-il des Müller, des Prinz­ing, des Buback et Cie [[Le juge Prinz­ing qui dirige le Procès de Stuttgart, est respon­s­able du traite­ment infligé à Hol­ger Meins ; le pro­cureur Buback vient d’être assas­s­iné, le 7 avril 1977 à Karl­sruhe, par le « Groupe d’ac­tion Ulrike Mein­hof », il dirigeait les recherch­es con­tre les mem­bres de la R.A.F., et avait inten­si­fié la cam­pagne con­tre leurs avo­cats (Crois­sant, Haag, Schilly, etc.). Müller, mem­bre de la R.A.F. empris­on­né et témoin prin­ci­pal, est accusé par la R.A.F. d’avoir dénon­cé ses cama­rades ; Brigitte Mohn­haupt a témoigné en faveur de la R.A.F. au procès de Stammheim, en récu­sant la thèse d’une struc­tura­tion hiérar­chique et autori­tariste de la R.A.F.]] pour que vous pre­niez enfin la peine de vous expli­quer sur vos struc­tures ? Alors que c’est juste­ment ce type d’in­for­ma­tion, et bien davan­tage, que nous atten­dions de vous après 1972, nous et bien d’autres ?

Cama­rades, notre prob­lème avec vous est d’or­dre tout à fait pra­tique : nous avons pen­sé pen­dant longtemps que vous étiez pour nous des cama­rades. Mais beau­coup de cama­rades qui sont dehors n’ont pas le sen­ti­ment d’être pour vous aus­si des cama­rades. Nous et d’autres, nous avons été et nous sommes util­isés, sub­or­don­nés, par exem­ple par votre stratégie dans les procès, ain­si que dans vos autres cam­pagnes de mobil­i­sa­tion. Car il est impos­si­ble d’éla­bor­er et de dis­cuter une stratégie avec vous. Certes il est très dif­fi­cile de faire quelque chose de ce genre à tra­vers les murs de la prison, mais à notre avis, ce n’est pas la seule rai­son. Ce qu’il y a eu, c’est plutôt que vous avez été beau­coup trop rapi­des dans les juge­ments que vous avez portés sur nous. Vous avez trop sou­vent man­i­festé que vous n’aviez aucune con­fi­ance en notre force, ni en celle des autres, à nous qui sommes dehors ; qui voulons et devons lut­ter ! Mais qui avons la pré­ten­tion de for­mer nos déci­sions en fonc­tion de notre pro­pre évo­lu­tion. Et qui nous refu­sons à vous ren­dre le mau­vais ser­vice de vous suiv­re aveuglé­ment dans votre refus de tout com­pro­mis. Ce refus, nous voulons d’abord le met­tre à l’épreuve pour notre pro­pre compte ; et cela vaut aus­si pour une part impor­tante du mou­ve­ment non-dogmatique.

Oui, cama­rades, nous avions et nous avons encore l’im­pres­sion d’être pour vous un instru­ment qu’on jette lorsqu’il ne peut plus servir. Et vous ne vous deman­dez même pas pourquoi il ne peut plus servir. Vous vous con­tentez de sup­pos­er que nous sommes des faibles, des oppor­tunistes par rap­port à. la masse, et tout compte fait vous pensez aus­si que dans ce sys­tème cor­rompu et dévoreur d’hommes, nous nous sen­tons assez bien. Tout cela est très dép­ri­mant. Finis­sons-en avec l’al­ter­na­tive : ou cama­rade, ou flic !

Et main­tenant, écoutez-nous bien : s’imag­in­er que la gauche [[Le terme de « gauche », dans ce texte, a une sig­ni­fi­ca­tion dif­férente de ce que l’on entend par là en France habituelle­ment (PC, PS, etc.) ; il désigne les grou­pus­cules m.l. (KPD/DKP), les groupes gauchistes con­tin­u­a­teurs de l’ex-APO (oppo­si­tion extra­parlemen­taire), marx­istes non-lénin­istes, etc.]], dans son ensem­ble, est sur la défen­sive, c’est une absur­dité fla­grante, et défaitiste de sur­croît. La défen­sive, elle est plutôt dans les idées dégueu­lass­es que vous vous faites de nous et de notre force… Et d’abord, com­ment se fait-il que vous ayez inter­rompu votre dernière grève de la faim parce que quelques cinglés avaient affir­mé que nous étions sur la défen­sive (nous, les RZ, le mou­ve­ment du 2 juin, les groupes non-dog­ma­tiques, etc. etc.) ? ? ? Peut-être n’avez-vous pas su du tout, pen­dant cette grève, que par exem­ple vos avo­cats et les comités con­tre la tor­ture ont mis en oeu­vre toute leur énergie pour que vos reven­di­ca­tions aboutis­sent, que des pro­fesseurs, des médecins, des écrivains (Sartre), des prêtres (Schraf), Amnesty Inter­na­tion­al (Autriche), beau­coup de groupes non-dog­ma­tiques et même des groupes dog­ma­tiques (KPD/ML) vous ont soutenus dans votre grève. La réponse immé­di­ate à l’as­sas­si­nat de Hol­ger Meins, ce fut la fusil­lade con­tre Von Drenkmann
[[G. Von Drenkman, prési­dent du Tri­bunal de grande instance de Berlin Ouest, assas­s­iné le 10 novem­bre 1974.]]. Beau­coup de gens ont réal­isé qu’on tor­tu­rait aus­si dans les pris­ons alle­man­des. Tout cela n’est-il donc rien ? Est-ce que cela vous paraît indi­quer une atti­tude défen­sive où aurait som­bré toute la gauche ?

En dehors de ce large mou­ve­ment de sol­i­dar­ité par rap­port à la grève de la faim, il s’est passé des choses et il s’en passe encore, ce qui n’est donc pas aus­si décourageant que cer­tains le pensent chez vous ! L’his­toire des dernières années a mon­tré que les mass­es n’é­taient pas du tout cor­rompues, et qu’i­ci le ter­rain était encore fécond : Nord­horn Range, les grèves de sep­tem­bre 73, les attaques des RZ con­tre les fil­iales d’ITT, Whyl, Brock­dorf, les groupes de femmes de la RZ con­tre le Tri­bunal Fédéral (BGH) pour l’ar­ti­cle 218, les faux tick­ets de trans­port, le ren­force­ment des luttes et la poli­ti­sa­tion dans les taules, les comités et groupes à l’é­tranger, Lorenz et son petit « con­gé », les com­bats de rue à Franc­fort à pro­pos de l’aug­men­ta­tion des trans­ports et des occu­pa­tions de maisons, etc. Tout cela est aus­si en par­tie le résul­tat de votre pra­tique. Cama­rades, est-ce que pour vous, le mou­ve­ment existe tou­jours ? Ou bien ne sig­ni­fie-t-il plus rien ? Est-ce qu’il n’est plus assez impor­tant dans le cadre inter­na­tion­al ? Ou bien le trou­vez-vous insignifi­ant dans la mesure où il ne suit pas exacte­ment la poli­tique de la RAF ?

Mais revenons aux détails : nous n’ac­cep­tons pas que vous traitiez cer­tains cama­rades du mou­ve­ment de façon à ce point con­traire à la solidarité :

— par exem­ple le rap­por­teur sur votre procès pour I.D. (Infor­ma­tions Dienst) [[Infor­ma­tions­di­enst, jour­nal bimen­su­el pub­lié à Franc­fort, est l’équiv­a­lent de l’ex-APL.]]. Vous lui reprochez d’être objec­tive­ment un flic, pour la rai­son qu’il n’a pas repro­duit, mot pour mot, les déc­la­ra­tions d’An­dreas Baad­er. Lorsque ce « flic objec­tif » vous répond dans un esprit de sol­i­dar­ité, chez vous, silence de mort. Cela veut-il dire que vous trou­vez juste sa cri­tique, ou bien qu’à par­tir de ce moment-là il est devenu encore plus objec­tive­ment un flic ? Après ça, il a arrêté ses arti­cles sur votre procès…

— nous ne sommes pas non plus d’ac­cord avec la dénon­ci­a­tion de cer­tains avo­cats. Vous voyez sûre­ment ce que nous voulons dire ! Parce que les avo­cats sont des CAMARADES !

— et com­ment se peut-il que ce soit l’av­o­cat Crois­sant qui admin­istre les « archives » d’Ul­rike Mein­hof ? Ulrike n’est pas un dossier, c’est quelqu’un qui a com­bat­tu avec vous. Comme vous le savez, Klaus Crois­sant est allé jusqu’à reprocher à l’édi­teur Klaus Wagen­bach de tra­vailler main dans la main avec le « Ver­fas­sungschutz », et Crois­sant a réus­si à obtenir de la jus­tice, celle-là même que vous voulez détru­ire, la saisie du livre de Peter Bruck­n­er sur Ulrike Mein­hof. Ain­si donc, grâce à Klaus Crois­sant, c’est la gauche qui tra­vaille à l’ap­pli­ca­tion de l’ar­ti­cle 88a ! [[L’ar­ti­cle 88a de la loi adop­tée en jan­vi­er 1976 par le Bun­destag autorise les pour­suites con­tre les auteurs, édi­teurs, imprimeurs d’ou­vrages inci­tant à la vio­lence con­tre « l’ex­is­tence de la RFA ou con­tre ses principes con­sti­tu­tion­nels » ; cette « loi muselière » a per­mis à la police alle­mande de perqui­si­tion­ner chez des libraires et édi­teurs, de faire inter­dire le livre de Bom­mi Bau­man Com­ment tout a com­mencé chez l’édi­teur Trikont (paru en français sous le titre Tupa­maros Berlin Ouest, éd. Gal­li­mard, La France Sauvage, 1977) et d’in­culper l’édi­teur lui-même ; celui-ci a été acquit­té le 27 octo­bre 1976. À not­er que d’après Crois­sant juste­ment, le livre de B. Bau­man, devenu d’après lui « instru­ment de la police poli­tique », est une « manoeu­vre raf­finée de guerre psy­chologique ten­dant à anéan­tir toute forme de résis­tance val­able con­tre l’im­péri­al­isme » (cf. la let­tre de Crois­sant dans Libéra­tion du 7 avril 1976).]] Voilà quelque chose qu’on n’avait pas encore vu ! Pourquoi ne dis­cutez-vous pas vous-mêmes avec Klaus Wagen­bach — qui est un cama­rade ? Que pensez-vous du nou­v­el arti­cle 88a ?

— quant à l’ar­ti­cle très impor­tant de la Rote Hil­fe (Sec­ours Rouge) (Col­lec­tif de pris­on­niers de Berlin Ouest), pub­lié dans le bul­letin d’in­for­ma­tion III, sur le prob­lème des pris­on­niers de guerre, vous vous en tenez à un silence total. Pour nous, c’est très emmerdant.

— il faut que vous sor­tiez enfin de votre mutisme à pro­pos des comités con­tre la tor­ture (c’est essen­tielle­ment des pris­on­niers de la RAF qu’ils soute­naient), tant en ce qui con­cerne leurs activ­ités que leur incul­pa­tion, en pas­sant par les perqui­si­tions et les incar­céra­tions. Est-ce qu’on vous a tenus au courant de ce qui se pas­sait ? Ou bien est-ce qu’ils ont été rem­placés vite fait par un comité de défense et un fond d’aide ?

Ce ne sont là que quelques exem­ples. Et nous voulons seule­ment vous aver­tir que doré­na­vant vous ne pour­rez plus traiter ain­si des cama­rades — qui comptent pour le mou­ve­ment. Ni les dénon­cer comme « objec­tive­ment des flics », « agents du Ver­fas­sungss­chutz » ou du BKA [[BKA, Bun­deskrim­i­nalamt, Ser­vice Crim­inel Fédéral, l’équiv­a­lent des Ren­seigne­ments Généraux.]]. Car non seule­ment c’est une saloperie, mais en plus c’est très dan­gereux. Ça non plus, nous ne le per­me­t­trons plus à l’avenir. Point, à la ligne.

Chez vous, des cama­rades de la RAF ont attiré l’at­ten­tion sur des points essen­tiels, et à plusieurs repris­es ; en par­ti­c­uli­er sur le prob­lème de la guerre psy­chologique. À par­tir du moment où vous l’aviez si net­te­ment souligné, nous avons nous aus­si com­mencé à réfléchir plus pré­cisé­ment sur la presse, sur les inter­views et leur fonc­tion, ain­si que sur les manoeu­vres de Buback. Nous com­prenons d’au­tant moins pourquoi vous lais­sez main­tenant le champ rel­a­tive­ment libre aux médias, qui revi­en­nent exacte­ment au même. Ce point avait déjà été mar­qué dans l’in­ter­view des RZ. Vos déc­la­ra­tions ne nous parvi­en­nent donc qu’à tra­vers des jour­naux comme la Frank­furter Rund­schau, la Stid­deutschezeitung, la Bildzeitung, etc. ; et seuls les cama­rades « ini­tiés » peu­vent en com­pren­dre le sens ! Idem pour ce qui con­cerne la Con­ven­tion de Genève. D’une manière générale, c’est par des jour­naux ou par les infor­ma­tions que nous sommes ren­seignés sur vous. Aus­si est-il évi­dent qu’on met en cir­cu­la­tion un tas de rumeurs et de fauss­es nou­velles vous con­cer­nant. Il est excep­tion­nel que nous rece­vions des infor­ma­tions de vous-mêmes, et les rec­ti­fi­ca­tions des infor­ma­tions fauss­es nous arrivent tou­jours trop tard ; de sorte que beau­coup de cama­rades peu­vent être embri­gadés pour toutes sortes de cam­pagnes sans qu’ils sachent vrai­ment de quoi il s’ag­it. Si vous vous foutez de l’im­age qui est don­née de vous en général, et si vous ne faites aucun effort de rec­ti­fi­ca­tion, que ce soit dehors ou de la taule — c’est que vous vous sen­tez plus forts que vous ne l’êtes. Et d’autre part, cela nous fait com­pren­dre que vous nous méprisez d’une cer­taine manière, nous et les autres.

Et main­tenant, quelques autres ques­tions de fond :

— Com­ment vous définis­sez-vous par rap­port à la poli­tique des Cel­lules Révo­lu­tion­naires et du Mou­ve­ment du 2 juin ? C’est-à-dire, par rap­port à l’en­lève­ment de Lorenz, aux faux tick­ets de trans­port, à l’at­taque des femmes des RZ con­tre le Tri­bunal Fédéral (BGH), aux faux car­nets d’achats pour les sans-abri de Berlin (comme un petit cadeau de Pâques) ? Que pensez-vous du com­porte­ment éman­cipé des qua­tre femmes de la Ler­ster­strasse ? Du refus opposé par Fritz, Ralf, etc., aux achats au prof­it du mou­ve­ment pales­tinien, du procès de Rolf devant l’Aréopage, de l’in­ter­view des RZ en Autriche, des attaques des RZ con­tre ITT ?

— Quelle est votre atti­tude par rap­port à vos avo­cats qui sont directe­ment ou indi­recte­ment vic­times de l’in­ter­dic­tion pro­fes­sion­nelle ? Et qui sont l’ob­jet de pour­suites inces­santes ? Que faites-vous pour les encour­ager, en dehors des injures que vous dis­tribuez aux Buback et Cie ? Nous vous posons cette ques­tion parce qu’en atten­dant, il n’y a plus telle­ment d’av­o­cats « gauchistes » disposés
à pren­dre la défense des pris­on­niers politiques !

— Pourquoi, depuis pas mal de temps, cherchez-vous du sou­tien exclu­sive­ment du côté de per­son­nal­ités en vue ? Est-ce parce qu’elles seraient l’a­vant-garde du mou­ve­ment légal ? Pour nous c’est une erreur monumentale.

— Qu’est-ce que vous pensez de la dis­cus­sion entre tous les pris­on­niers poli­tiques et les pris­on­niers qui se sont poli­tisés en taule ? Nous ne voulons pas dire que vous devriez exiger le regroupe­ment de tous les pris­on­niers dans le même camp de con­cen­tra­tion ; ça, c’est l’idée de Buback ; et ça n’au­rait aucun sens. Nous pen­sons plutôt au sou­tien réciproque de tous les pris­on­niers qui se défend­ent con­tre la taule.

— Ne pensez-vous pas qu’il faudrait cri­ti­quer l’ac­tion de Stock­holm ? Non pas certes parce que cette action n’a pas atteint la sat­is­fac­tion des exi­gences qui étaient présen­tées ; le point n’est pas là. Mais parce que toute cette action con­stitue la pénible expéri­ence de ce que cer­tains cama­rades s’il­lu­sion­naient com­plète­ment sur les cir­con­stances et sur leurs capac­ités. Elle n’a ouvert aucune per­spec­tive à long terme. Les exi­gences elles-mêmes étaient sans rap­port avec l’ac­tion. Deux cama­rades l’ont payée de leur vie. Le délai accordé pour la sat­is­fac­tion des reven­di­ca­tions était beau­coup trop court. Il y a donc eu des erreurs qui la prochaine fois doivent absol­u­ment être évitées. Trans­former chaque défaite en victoire !…

— Quelle est votre posi­tion par rap­port aux puis­sants mou­ve­ments de Brokdorf, de Whyl, etc. ? Par rap­port à cet extra­or­di­naire mou­ve­ment de refus des cen­trales nucléaires ?

— À notre avis, vous avez vous-mêmes con­tribué à ren­forcer l’isole­ment que vous a imposé le Ver­fas­sungss­chutz. Vous vous êtes par trop isolés de l’ensem­ble du mou­ve­ment de gauche. En vous citant, pour une fois, « un pois­son sans eau meurt de soif » ! Même si vous croyez pou­voir nag­er sans eau. Nous pen­sons que ni vos modes d’ac­tion ni les nôtres ne con­sis­tent essen­tielle­ment à s’en pren­dre aux biens matériels pour com­mencer. Il faut aus­si présen­ter des expli­ca­tions en ter­mes clairs et que cha­cun puisse com­pren­dre. Vos expli­ca­tions actuelles ne sont plus com­préhen­si­bles par tout le monde, mais unique­ment par les ini­tiés. D’où la mise en place d’un type de mobil­i­sa­tion qui repose unique­ment sur de la ten­sion psy­chologique, et pas sur la com­préhen­sion d’une néces­sité objective.

Et main­tenant, cama­rades de la RAF, revenons à votre éventuelle qua­trième grève de la faim.

Nous pen­sons qu’en­tre vous autres et ceux qui peu­vent et doivent apporter leur sou­tien à cette grève, il y a encore trop d’ob­scu­rités, d’équiv­o­ques, et de con­tra­dic­tions. Nous avons essayé d’en for­muler quelques-unes. C’est pourquoi cette let­tre ne doit être prise que comme le point de départ d’une longue dis­cus­sion. Mais il vous faut main­tenant met­tre cartes sur table. Autrement rien n’est plus pos­si­ble, et si vous ne le faites pas c’est alors que vous comptez sur une sol­i­dar­ité aveu­gle. Vous ne pou­vez plus vous dis­penser de dire net­te­ment si vous nous con­sid­érez, nous et les autres types de la gauche, comme vos cama­rades. Si vous avez renon­cé à nous traiter comme des instru­ments que vous tax­erez ensuite de « gauchistes sur la défen­sive ». Si vous choi­sis­sez la Con­ven­tion de Genève, une sorte de ghet­to par con­séquent — et alors vous êtes con­tre nous ; ou si vous réclamez d’être assim­ilés aux autres pris­on­niers, de ne plus être isolés — et dans ce cas vous êtes avec nous. Aupar­a­vant vous demandiez la fin du traite­ment spé­cial, l’as­sim­i­la­tion aux autres pris­on­niers. Aujour­d’hui vous vous entêtez à vouloir être recon­nu par un tor­chon de papi­er, la Con­ven­tion de Genève. Or le statut de pris­on­nier de guerre cela veut dire un traite­ment spé­cial. Et cette reven­di­ca­tion ne tient pas compte non plus des intérêts des autres pris­on­niers !… Vous devez vous pré­par­er à revenir immé­di­ate­ment sur vos dénon­ci­a­tions !… Est-ce pour une reven­di­ca­tion aber­rante que vous allez réelle­ment met­tre votre vie en jeu ? Parce qu’il vous sem­ble qu’on n’a plus besoin de vous ? Parce que vous ne pou­vez plus avoir con­fi­ance dans le mouvement ?

Si vous pre­niez le par­ti d’ig­nor­er pure­ment et sim­ple­ment cette let­tre et de vous drap­er dans le silence — comme cela s’est déjà pro­duit — et si vous déci­diez de ris­quer votre vie pour obtenir l’ap­pli­ca­tion de la Con­ven­tion de Genève, alors notre sol­i­dar­ité, au lieu d’être quelque chose qui va de soi, nous sera une véri­ta­ble torture.

Une Cel­lule Révo­lu­tion­naire. Créez un, deux… vous savez quoi.

Repro­duisez ce texte, dif­fusez-le, écrivez-en d’autres.

Andreas Baad­er, Gudrun Esslin et Jan Cari Raspe vien­nent d’être con­damnés par le tri­bunal de Stuttgart à la prison à vie ; con­damna­tion max­i­male (la peine de mort n’ex­is­tant plus), atten­due, et dont la bar­barie est dans la logique du régime de la R.F.A. (et de son total­i­tarisme avancé). Compte tenu des con­di­tions con­nues du déroule­ment du procès, les avo­cats com­mis d’of­fice et qui ont refusé de plaider ont intro­duit un recours en cassation.

Cer­tains diront peut-être que devant cette con­damna­tion, la dif­fu­sion de la « let­tre ouverte » ci-dessus est plutôt mal­v­enue… Nous pen­sons exacte­ment le con­traire. Pour ceux qui n’au­raient pas encore com­pris, réaf­fir­mons que le sou­tien et la sol­i­dar­ité n’ex­clu­ent pas l’in­ter­ro­ga­tion et la cri­tique : elles en sont inséparables.

Nous sommes loin de partager les idées de la RAF et plus encore de trou­ver jus­ti­fiées cer­taines de leurs actions. Mais ils lut­tent con­tre l’É­tat alle­mand, ils subis­sent la répres­sion et ils mon­trent avec leurs souf­frances les con­tra­dic­tions de la « démoc­ra­tie libérale » qui cache der­rière les lib­ertés et les droits, la seule jus­ti­fi­ca­tion à l’op­pres­sion et à l’ex­ploita­tion : la rai­son d’État.