Fin des extraits du cours public de M. Delouvrier à l’école des sciences politiques d’après l’édition de 1951 et le supplément de 1953 – 54.
Programme du comité national de la résistance
L’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction économique.
… Le retour a la nation des grands moyens de production monopolisés, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances, et des grandes banques.
… Le droit d’accès dans le cadre de l’entreprise aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires et la participation des travailleurs à la direction de l’économie.
Retroussons nos manches
Quinze mois après la libération, huit mois après la capitulation allemande, la production industrielle avait doublé par rapport au mois d’août 1944 et avait atteint 67 % d’avant-guerre.
Quinze mois après l’armistice de novembre 1918, la production industrielle ne s’élevait qu’à 59 % de 1913.
Ce résultat n’aurait pas été obtenu sans l’aide américaine, mais il est juste de dire qu’il n’aurait pas même avec cette aide été obtenu si de grandes grèves avaient paralysé la marche des usines comme ce fut le cas en 1919. Sur ce point, la reprise économique a été facilitée par la participation des communistes au gouvernement, les ministres communistes prêchant à toute occasion la nécessité de pousser la production.
Le gouvernement a conservé tous les mécanismes mis en place ou crées par le gouvernement de
Quelques nationalisations
En fait, sous la pression de l’opinion communiste, socialiste et résistante, le mouvement nationnlisateur allait, dès septembre 1944 et pendant toute l’année 1945 se développer rapidement.
Le général de Gaulle avait affirmé à plusieurs reprises qu’il acceptait le voeu du CNR sur le retour à la nation des grands moyens de production. Il conseillait la prudence…
Les houillères
En dehors des motifs doctrinaux, il est certain que la hâte avec laquelle les houillères du Nord et du Pas-de-Calais furent placées, dès septembre 1944, sous administration provisoire de la puissance publique, trouvait sa justification dans l’espoir que l’éviction des anciens conseils d’administration contribuerait à régler la crise de commandement qui freinait le rendement des mineurs.
… Si ces mesures sont prises avec cette rapidité, ― le Nord venait à peine d’être libéré, ― c’était dans le but de remettre en marche immédiatement la production des houillères, alors que le climat politique rendait difficile la collaboration entre les mineurs et les dirigeants des anciennes compagnies minières.
Les banques ?
Dans sa déclaration ministérielle du 23.XI.1945 le général de Gaulle promet la nationalisation du crédit, de l’électricité et des assurances ; il n’eut le temps avant sa démission de janvier 1946 que de réaliser la nationalisation du crédit qui fut accomplie par la loi du 2.XII. 1945 (qui nationalise la Banque de France, nationalise les 4 grandes banques de dépôt, soumet à un contrôle étroit les banques d’affaires, crée le Conseil national du crédit).
En fait la plupart des dirigeants des quatre grandes banques furent maintenus à leur poste, et l’intrusion syndicaliste dans les Conseils d’Administration n’a pas changé le comportement de ces banques.
L’Assemblée trouvait que le Ministre des Finances n’avait pas été assez loin en ne nationalisant que quatre banques de dépôt et aucune banque d’affaires… le général de Gaulle dut mettre toute son autorité en jeu pour que les deux grandes banques d’affaires (la banque de Paris et des Pays Bas, la Banque de l’Union Parisienne) ne fussent pas nationalisées. Le projet de nationalisation du crédit fut adopté par 517 voix contre 35.
Le gouvernement Gouin avec M. Philip à l’Économie Nationale et aux finances inscrivit dans sa déclaration ministérielle la nationalisation de la Banque de Paris et des Pays Bas et de la Banque de l’Union Parisienne. Le ministre demanda l’avis du Conseil National du Crédit qui, après des études sérieuses et longues, donna un avis défavorable…
Passant outre cet avis, M. Philip déposa le 2. IV. 1946 un projet de loi de nationalisation en arguant du fait que la puissance financière des deux banques en cause faisait obstacle à l’intérêt général de la nation. L’Assemblée ne se pressa pas d’examiner ce projet et elle se sépara sans l’avoir voté…
L’électricité et le gaz
La nationalisation de l’électricité et du gaz fut votée par la loi du 8.IV-1946. La justification de cette nationalisation était essentiellement que la production était insuffisante et que le retour à la Nation des sources d’énergie électrique tendait principalement à rendre enfin possible l’équipement du pays en considération de ses besoins.
Les assurances
La deuxième grande nationalisation de cette époque fut celle des assurances réalisée par une loi du 25.IV.1946. La justification qui fut donnée à cette nationalisation résidait dans le fait que les compagnies d’assurance malgré le grand nombre des petites sociétés étaient concentrées en réalité en quelques groupes dominants lesquels disposaient de capitaux considérables, nécessaires pour la garantie même des risques des assurés. M. Philip dans l’exposé des motifs déclarait : « Par le moyen de la concentration, l’indépendance de l’État lui-même finit par se trouver menacée par les compagnies d’assurances. »
Les Comités d’entreprise
Une ordonnance du 22.X1.1945 institue les Comités d’entreprise. Le principe en avait été admis dès le 29.IX.1944 par délibération du conseil des ministres. Si cette décision avait été prise si rapidement c’est qu’elle se présentait comme une contrepartie à l’opposition du gouvernement à certaines tentatives ouvrières de s’emparer de la gestion des entreprises dont les dirigeants étaient on fuite ou prévenus de collaboration. Le cas le plus célèbre fut celui des usines Berliet dans la région lyonnaise, dont le sort n’a été réglé qu’en 1950.
… Le comité ne doit pas être un organe revendicatif ; cette tache est dévolue aux délégués d’usines créés en 1936.
Les 40 heures ?
La loi du 25. XI. 1946 rétablit la loi des 40 h. en fixant à 25 % la majoration de salaire pour chaque heure accomplie au delà de la 40e et à50 % au delà de la 48e heure… M. Croizat du parti communiste, ministre du Travail de l’époque dans l’exposé des motifs s’élevait par avance contre tout patron qui réduirait la durée du travail dans son usine. Il enjoignait aux ouvriers de demander à faire des heures supplémentaires.
M. Léon Blum, Président du Conseil au début de 1947, l’auteur de la loi de 1936 sur les 40 h, proclama dans un grand discours que si la durée restait 40 h, la durée normale devait être de 48 h.
La conférence du Palais royal
Pour les produits industriels de consommation courante, on fit, fin 1945 milieu 1946, un essai de production d’articles d’utilité sociale à l’imitation de ce que les Anglais avaient institué pendant la guerre. Malheureusement cette initiative, ne réussis guère : les industriels et commerçants n’étaient pas tentés par l’expérience, leurs profits étant aisés et considérables, puis les premiers essais dégénérèrent en scandales, parce que certains cabinets ministériels se servirent de l’opération à des fins quelquefois politiques, quelquefois simplement malhonnêtes.
Les élections pour la 2e Constituante avaient lieu en juin 1946 ; les syndicats profitèrent de la circonstance pour demander une augmentation générale des salaires… Quant au CNPF constitué définitivement le 12.VI.1946., il demande au gouvernement la confrontation de tous les intérêts autour d’une même table.
… Le 4. VII. 1946 se réunit la Conférence nationale économique (du Palais Royal)… au bout de 15 jours les trois grandes syndicales patronale, ouvrière et agricole, se mirent finalement d’accord pour soutenir leurs revendications respectives.
Le tournant de 1947
Échec de l’expérience Blum
En avril, on peut dire que l’expérience Blum de déflation et de baisse des prix autoritaire est terminée ; et l’échec patent se produisit comme par hasard à propos de la viande. Pendant 2 mois Paris manqua de viande fraîche ; après une réunion plutôt difficile avec les préfets de tous les départements producteurs de viande, M. Ramadier constatant son impuissance dut finalement céder et pour alimenter la population parisienne accepta une hausse importante du prix de la viande. Dès lors le choc psychologique est terminé et il faut dès le 6. IV. 1947 augmenter les salaires anormalement bas, en attribuant une indemnité temporaire exceptionnelle d’existence à un grand nombre de salariés.
…La grève Renault
Intervint alors une grève importante chez Renault. Non satisfaits de l’augmentation des salaires qui leur avait été accordée, les ouvriers reposent une nouvelle fois le problème d’augmentation générale, le gouvernement Ramadier en renvoie la solution au mois de juillet en s’efforçant de faire traîner les choses en longueur par l’étude du minimum vital…
… Devant ce que patrons et ouvriers appellent la carence gouvernementale, les Conseils Confédéraux du CNPF et de la CGT se rencontrent et publient le Ier août une déclaration commune aux termes de laquelle le CNPF déclare pouvoir accorder aux ouvriers une augmentation générale et proportionnelle des salaires d’au moins 11 %… et demande naturellement au gouvernement une révision des prix.
Le 21 août paraît au Journal. Officiel un arrêt du Ministre du Travail qui accorde 11 % d’augmentation de salaire…
La question des salaires et des prix n’était pas pour autant réglée, les prix de détail et les prix de gros continuant à monter. Le 13.X1.1947 la CGT avait demandé une augmentation nouvelle et générale des salaires et le 19.XI le gouvernement Ramadier était démissionnaire…
Le gouvernement Shuman-Mayer-Moch face à la grève générale
Le 22.XI. 1947 le gouvernement Shuman-Mayer est constitué, le 26.XI il accorde une indemnité exceptionnelle, une fois donnée de 1500 FF. par salaire ceci pour gagner du temps mais il est trop tard et la gravité de l’inflation se manifeste d’une façon éclatante par une vague de grèves qui se transforme le 28.XI en une grève générale sur l’ensemble du territoire, vingt fédérations ouvrières constituant un Comité Central de grève. Les débuts parlementaires du gouvernement Schuman dont le Ministre des Finances était M. René Mayer et le ministre de l’Intérieur M. Jules Moch, furent marqués par des débats d’une violence verbale et même physique que le Palais Bourbon n’avait jamais encore connus à un tel degré ; le gouvernement demandait le vote de lois exceptionnelles sur le maintien de l’ordre, les lois « scélérates » des communistes.
… Les mouvements de grève durèrent en tout plus de trois semaines et prirent par endroits des allures révolutionnaires ; … après de nombreux incidents entre les forces de police et les grévistes, la grève générale devait prendre fin le 10. XII 1947.
La grève s’était terminée par un succès psychologique pour le gouvernement concrétisé par la scission de la CGT qui eut lieu le 19 XII 1947… L’unité syndicale rompue, la politisation de la CGT qui gardait la masse réellement ouvrière, brisait la force revendicatrice des syndicats qui allait permettre aux gouvernements de « manœuvrer ».
La bataille des salaires et des prix continue
Une fois toutes les mesures du programme du gouvernement Schuman-Mayer adoptées et mises en oeuvre, il restait à gagner du temps nécessaire pour que l’ensemble des effets escomptés se réalisa. Gagner le temps nécessaire, c’était à tout prix éviter une nouvelle augmentation des salaires à la date prévue du mois de mars.
Dès le 11 février la CGT demande au Conseil Économique un rajustement des salaires de 20 % en se fondant sur l’évolution des prix.
Le gouvernement temporaire le 30 III 1948 lance avec l’accord du Patronat une campagne de baisse des prix.
L’effort gouvernemental a consisté évidemment à s’opposer à la montée des prix et des salaires. À cet égard, le deuxième semestre de l’année 1948 a été encore très difficile : le gouvernement Marie-Reynaud qui succéda en juillet 1948 au cabinet Schuman-Meyer accepta en août 1948 une hausse assez importante. du prix des produits agricoles ; après l’augmentation considérable des prix industriels et des salaires agricoles fin 1947 début 1948, il était à peu près impossible de ne pas revaloriser les prix des produits agricoles ; mais cette hausse détermina au mois de septembre une montée des prix alimentaires qui elle-même déclencha aussitôt une demande générale d’augmentation des salaires. Le gouvernement Queuille accepta une hausse générale des salaires de 15 %… En fait ce fut la dernière augmentation générale des salaires accordé en vertu des pouvoirs que l’État s’était donnés en 1939 ; la Ière fois depuis la Libération, la décision ministérielle ne détermina qu’une augmentation de salaires réels conforme au pourcentage fixé : c’était vraiment le, signe que la poussée inflationniste s’amortissait rapidement.
Cette augmentation des salaires ne satisfit naturellement pas les organisations ouvrières et les communistes profitèrent du moment pour déclencher ― non pas une grève générale dont il craignait l’échec ― mais une grève dans un secteur névralgique et où les ouvriers était fortement organisés syndicalement : ils choisirent les mines de charbon.
La grève dura près d’un mois, elle fut marquée d’incidents sanglants entre les grévistes et la troupe à laquelle il avait fallu faire appel. Mais servi par le caractère violent et politique de cette grève, le gouvernement réussit à obtenir le retour au travail sans avoir accordé une hausse de salaire.
À dater de cette époque, les grandes grèves sont finies ; les gouvernements pendant l’année 1949 et le premier semestre 1950 (Queuille ensuite Bidault avec puis sans les socialistes) louvoient et s’efforcent d’endormir leurs partenaires. Les organisations syndicales protestent contre le fait que les prix sont libres alors que les salaires ne le sont pas. On promet de déposer une loi sur les conventions collectives. Son élaboration est longue ; ce n’est que le 11 février 1950 qu’elle sera votée par le parlement et qu’en août 1950 ― après le début de la guerre de Corée ― qu’elle sera appliquée pour la première fois.
En attendant le gouvernement tergiverse ; il accorde quelques avantages de détail… ; il peut le faire parce qu’en réalité, l’amélioration réelle du pouvoir d’achat des ouvriers rend ceux-ci beaucoup moins ardents à la lutte, et surtout parce que le début de récession économique détermine une légère tendance au chômage. Les chefs syndicaux savent que les « troupes » ne suivront pas s’ils déclenchaient la grève.
Le plan Monnet
Le plan Monnet (premier plan de Modernisation et d’Équipement) est le résultat de la collaboration au sein d’une vingtaine de commissions de directeurs d’administrations, de patrons, d’ouvriers, chefs syndicaux en général, et d’experts indépendants tous représentatifs mais non représentants… C’est pratiquement sans débats que le gouvernement de M. Léon Blum a adopté le premier plan de Modernisation et d’Équipement en janvier 1947.
C’est grâce, dans une large mesure, au travail du Plan que l’allongement de la durée du travail au début de 1947 a été facilement accepté par les syndicats ouvriers, à la suite du rapport de la commission de la main d’œuvre présidée par un syndicaliste CGT. Il suffit de rappeler l’impossibilité politique d’« assouplir » la semaine de 40 h en 1937 – 38, principal obstacle à la reprise économique, pour mesurer que ce changement d’opinion des dirigeants syndicaux ne fut pas un mince résultat. En 1938 la durée moyenne du travail était de 39 h ; en 1948, elle a atteint 45 h. soit une augmentation de plus de. 15 % du potentiel de travail de la France.
Ce qui explique le freinage volontaire du démarrage de la reconstruction en France c’est le choix politiquement difficile fait sur ce terrain conformément aux données économiques et aux objectifs du Plan.
Inflation = concentration du capital
Enfin dernier résultat de la combinaison de l’inflation et du dirigisme pendant cette période (août 44―Décembre 1947), toutes les formes régressives de la production et du commerce ont été favorisées au détriment des formes progressives… Contrairement à la grande inflation allemande d’après la guerre de 1918, qui se déroulant en régime libéral a permis un développement considérable des grandes entreprises concentrées, l’inflation française en régime dirigé a été conservatrice dans le mauvais sens du terme créant des rentes abusives pour les petits et moyens entrepreneurs.
Rôle actuel de l’État (supplément 1953 – 54)
Aujourd’hui, l’État est devenu le premier « investisseur », parce qu’il est responsable des grands travaux de ses entreprises nationalisées, de toute la reconstruction pour dommages de guerre, et pratiquement de toute la reconstruction des maisons d’habitation. Cela représente plus de 65 % des investissements accomplis dans toute la nation, et les 35 % qui dépendent des décisions des chefs d’entreprises sont en fait déterminés par les précédents.
L’État est devenu le premier « capitaliste » du pays, en ce sens qu’il détient ou canalise presque toutes les sources de financement. Il crée la source quand il finance par l’impôt la reconstruction, il les canalise quand il lance lui-même des emprunts ou autorise les autres à emprunter.
L’État est enfin le premier « redistributeur » : la masse des dépenses budgétaires et de sécurité sociale représente 30 % à 40 % du revenu national, mais en fait les décisions de l’État couvrent une beaucoup plus large proportion de l’ensemble des revenus : probablement près de la moitié du revenu agricole (blé, vin, betterave…), la totalité des revenus salaires (par la détermination du minimum vital garanti), une partie des revenus industriels (par le canal des salaires, des prix du charbon, de l’électricité, de l’acier, etc.).
Le gouvernement parlementaire
… Sur qui il doit s’appuyer
En 1926, M. Poincaré en créant la Caisse Autonome d’Amortissement et surtout en réalisant des excédents budgétaires avait délivré les ministres des Finances du cauchemar de la dette flottante. Cette heureuse période ne dura pas 6 ans. À partir de 1932, aucun gouvernement ne put gouverner sans la confiance des porteurs de bons. (l’endettement de l’État s’est accru de 113 milliards entre 1931 et 1938 ― plus que le montent total de la circulation fiduciaire en 1939 ― et pour plus de moitié sous la forme de bons à court terme dont le remboursement pouvait être exigé à bref délai).
Il a fallu le raz de marée électoral de 1936 pour rompre le charme nu prix d’ailleurs, comme on l’a vu plus haut, d’un recours constant aux avances de la Banque de France. Il est plus facile, en effet, de convaincre le Gouverneur de la Banque, au besoin en le remplaçant que de convaincre des millions d’épargnants.
Mais comme on l’a vu également, la « fugue » hors des sentiers de la confiance ne dura pas un an, et Léon Blum lui-même à la tête du gouvernement le plus à gauche que la France ait connu jusqu’alors et soutenu par une chambre « rouge » dut plier sous l’opinion de droite.
… Sur qui il pèse
D’après les accords Matignon la hausse moyenne des salaires ne devait pas dépasser 12 %. En fait elle a atteint 16 % en province et 13,5 % à Paris. Au début de 1937, à la suite de la dévaluation, les salaires déjà majorés sont encore augmentés de 10 %. Or le gouvernement n’a même pas compensé cet énorme accroissement de pouvoir d’achat par un important prélèvement fiscal sur les autres classes sociales. La situation était donc la suivante :
- impossibilité ou presque d’augmenter les quantités produites ;
– impossibilité de réduire rapidement les éléments du prix de revient autres que les salaires, accroissement du pouvoir d’achat de certaines classes sans prélèvement compensatoire d’autres.
La hausse des prix était dès lors fatale, non pas une hausse saine de prospérité, mais une hausse accélérée d’inflation ; hausse des prix qui absorbe et redistribue le pouvoir d’achat nouvellement créé, au profit des producteurs et commerçants et au détriment des ouvriers, fonctionnaires, retraités et rentiers.
De 1931 à 1935 la période fut belle pour les fonctionnaires et pour tous ceux qui tirent leurs revenus de la puissance publique, c’est-à-dire rentiers, pensionnés, fournisseurs et entrepreneurs, et, au contraire, de 1935 à 1938 leur situation devint mauvaise car le rajustement de leurs revenus est beaucoup moins rapide que la hausse des prix. Il est malgré tout curieux de constater que si l’on tient compte du mouvement des prix et malgré l’effort considérable fait pour la défense nationale, le poids réel des charges publiques est plus faible en 1938 qu’en 1935, ce qui tend à prouver que l’effort de réarmement a pesé surtout sur les fonctionnaires, retraités et pensionnés.
… À quoi sert-il ?
Pour les trois ans 1936 – 1937-1938, les déficits budgétaires cumulés donnent un montant égal aux crédits militaires soit 65,8 milliards au total.
Comment peut-on résumer l’emploi des deniers publics (recettes fiscales, emprunts et inflation) pour l’année 1938 ?
- 18 % étaient consacrés à la marche des services civils c’est ce que l’on appelle le train de vie courant de l’État, celui que tout le monde trouve toujours trop important. 18 % = 24 milliards pour assurer la rémunération de tous les fonctionnaires civils et la marche de tous les services : justice, police, diplomatie, finances, voierie, hygiène et santé publique, etc.
– 21 % étaient consacrés à l’exécution de travaux dont la moitié pour l’entretien, la reconstruction et l’équipement neuf du domaine de l’Etat (ports, routes, écoles, mairies, terrains de sport, etc.) et l’autre moitié pour le même objet sur le domaine des collectivités locales ou des établissements publics et dans quelques cas des entreprises privées.
– 10 % étaient consacrés à permettre aux Français de voyager ou de transporter des marchandises à très bon marché.
– 45 % étaient consacrés à payer les dépenses résultant de la précédente guerre et de la préparation à la prochaine…
Fin des notes du cours de M.Delouvrier.
N.B. de la rédaction :
Les extraits du cours de M.Delouvrier n’engagent pas notre opinion. Nous les avons donnés parce que nous les trouvons intéressantes au point de vue interprétation non anarchiste des évènements des dernières décades en France surtout pour leur structure économique.
Les camarades qui se sont adressés à nous en sous critiquant sur les opinions exprimées par M.Delouvrier doivent prendre ce fait en considération. En même temps, il serait intéressant pour tous d’étudier ces opinions d’après nos conceptions et nous espérons le faire, avec votre aide, dans un des prochains numéros.
Comme précédemment nous avons sous-titré et souligné de nous-mêmes.
Nous n’avons pas indiqué dans ce cahier le numéro des pages du cours. Bien entendu nous tenons à la disposition de tous la référence très précise des citations choisies.