En effet, Belial fait partie des gens qui ont quitté La Lanterne Noire et c’est le seul qui ait cherché à en parler d’une façon publique (même s’il reconnaît lui-même, par ailleurs, le caractère « provocateur » et « non-achevé » de sa lettre).
Ce qui me gêne assurément dans cette lettre, c’est que, pour poser un certain nombre de problèmes (problèmes qui me semblent importants et que je vais essayer d’expliciter plus loin), Belial se jette à pieds joints dans une mauvaise querelle : citations tronquées, contre-sens [[Citation sur l’utopie.]], a priori [[Interprétation abusive du départ des autres copains.]] révélant un désir de polémique qui risque d’exclure tout débat de fond au profit de ce qui peut sembler n’être qu’un conflit de personnes.
Plus grave encore : emporté par son discours, Belial tombe à son tour dans ce qu’il reproche à Nicolas, à savoir la définition de ce que sont les vrais anarchistes [[Sur le choix des citations faites par Nicolas.]] (querelle d’« écoles » !…).
Quoiqu’il en soit, il me semble que si Belial a pu mal interpréter les deux articles de Nicolas, c’est aussi parce que ceux-ci n’étaient pas particulièrement « clairs ». Je m’explique : même si, dans le fond, je ne peux être que d’accord avec ce que dit Nicolas sur la « nécessité de l’organisation » et le problème de la domination, ces deux articles me semblent particulièrement abstraits et idéologiques.
Cela dit, j’en arrive aux problèmes qui me semblent importants et que je me suis proposé d’expliciter :
À savoir :
- le problème du départ des copains,
- le problème de l’aspect « autoritaire », « politicien » de la nécessité de référence idéologique pour être un vrai anarchiste, par opposition à l’attitude plus interrogative, plus critique, reposant sur une analyse moins dogmatique et plus concrète du vécu.
Je pense effectivement que le fait de ne pas avoir mentionné le départ des copains dans ce numéro est d’autant plus grave que ce numéro est le premier fait après leur départ et qu’il aborde le problème de l’organisation.
Et cela n’est pas parce que Belial est le premier (et sans doute le dernier) des partants à évoquer l’événement que nous-mêmes n’avions pas à en informer les lecteurs et à en débattre entre nous !…
De même que dans le numéro sur la violence il y avait une introduction au problème faisant état des discussions dans le groupe, il aurait semblé naturel que, dans le numéro sur l’organisation, il y ait une introduction mentionnant le départ des copains et posant les problèmes de fonctionnement propres au groupe : problèmes idéologiques, problèmes inhérents au projet initial (revue et/ou groupe), problèmes organisationnels…
Cependant, je ne pense pas comme Belial que La Lanterne Noire ait été réellement « la première victime du débat sur l’organisation », mais plutôt (ce qui n’enlève rien à la chose !) des problèmes liés à l’organisation du groupe :
- organisation technique du travail : division et rotation des tâches (peu réalisée dans les faits), inégalité devant l’écriture et la parole ;
- fonctionnement de La Lanterne Noire en tant que « groupe » : manque de discussions réelles tant sur les articles que sur la réalité même du groupe (impossibilité d’assumer une vie de groupe véritable et les contraintes liées au fait de faire une revue) ;
- problèmes du discours idéologique anarchiste qui, par son aspect « dogmatique », met entre parenthèses les questions qu’on peut se poser dans la réalité quotidienne en général et à la Lanterne en particulier. L’article de Nicolas sur l’organisation anarchiste spécifique illustre bien ce que je veux dire par là : la seule mention qu’il fait des problèmes existant au sein de la Lanterne Noire est en effet complètement annihilée du fait qu’elle renvoie au problème de la « Domination » (avec un grand D) ; le problème spécifique et concret du fonctionnement du groupe est alors complètement noyé dans un problème général et abstrait. À quoi servait-il donc de nommer La Lanterne Noire si c’était pour en faire une illustration aussi pâlotte !…
Tous ces problèmes, entre autres, ont été abordés par de nombreuses personnes, au sein du groupe (Claude cf. n° 2) et à l’extérieur (cf. lettre de Serge dans ce n°). Mais on peut dire qu’ils n’ont jamais été réellement pris en considération jusqu’à présent.
Il y a donc un « état de fait » (j’allais écrire une « ligne ») à La Lanterne Noire, et de ce fait des « censures »… quoi qu’on en dise !
Chantal