Depuis le début de la période comprise entre les deux guerres, le mouvement anarchiste français se défini, en grande partie comme « synthèsiste » ou « archinoviste » (du nom de la plate-forme d’Archinof).
La première position, mise en forme par Sébastien Faure, considère qu’il est possible d’organiser avec des principes très souples et fédéralistes, les trois tendances traditionnelles de l’anarchisme français : les anarchistes-communistes, les anarchistes syndicalistes, et les anarchistes individualistes.
Le point commun de ces deux positions est d’avoir été élaborées entre les deux guerres, c’est-à-dire à un moment de recul généralisé, au niveau mondial, de la classe ouvrière, du mouvement révolutionnaire et anarchiste.
La plate-forme est élaborée par des anarchistes russes exilés en France, et qui expliquent la défaite subie en Russie, par une inorganisation des anarchistes face a celle, supérieure, des bolcheviks.
La synthèse, élaborée quelques années plus tard, tente de réunir, de recoller les diverses variantes de l’anarchisme pour tenter de le faire exister de nouveau, chaque tendance à elle seule n’étant rien à cette époque de reflux généralisé.
Ce sont donc deux solutions organisationnelles, bâties sur une constatation de défaite, de reflux.
Elles représentent toutes les deux un désir d’exister, un refus de mourir, mais, marquées par la défaite, c’est-à-dire par l’absence en perspective, en filigrane, d’un mouvement autonome des masses.
Sur les deux, ce qui déteint, c’est inévitablement des traces de l’idéologie des vainqueurs :
Le bolchevisme léniniste (vainqueur en Russie) sur la plate-forme, avec ses principes :
- majorité-minorité
- responsabilité collective
- organisation centralisée.
Le libéralisme franc-maçon (vainqueurs en Europe occidentale) sur la synthèse, avec ses principes :
- homme abstrait au-dessus des classes.
- liberté abstraite
- interclassisme
- humanisme
Outre le fait que ces deux tendances portent les traces de l’idéologie du vainqueur suivant le principe contre-révolutionnaire qui prétend qu’il faut adopter les principes de l’ennemi pour le vaincre, elles n’ont eu comme résultat pratique que de cristalliser l’activisme des uns et l’inaction des autres, que de se définir les unes par rapport aux autres, suivant des schémas trop stéréotypés et donc en partie faux : les organisationnels contre les anti-organisationnels, les purs et durs contre les libéraux, etc., etc.
Il nous semble quant à nous, que parfois, les plateformistes sont entrés en juste réaction contre le libéralisme bourgeois, l’idéalisme qui peut caractériser les synthèsistes, mais que ces derniers entrent fort justement en lutte contre les caractéristiques bolchevisantes des premiers.
Quoi qu’il en soit, nous pensons que la plate-forme et la synthèse ne sont plus (si elles l’ont jamais été) d’actualité. En effet, les idéologies dominantes qui ont déteint sur l’une et l’autre sont en crise et en voie de dépérissement : le libéralisme et le marxisme-léninisme.
Ce qu’il faut savoir en outre, c’est que cette polarisation entre ces deux tendances, est très spécifique du mouvement français, et très probablement liée à la double tradition libérale et blanquiste du mouvement socialiste en France ainsi ensuite que de l’importance du syndicalisme révolutionnaire.
Il n’en fut pas de même dans d’autres pays riches en traditions révolutionnaires et anarchistes : l’Espagne, l’Italie, l’Argentine ou les États-Unis. Dans ces pays, le mouvement anarchiste, lié plus directement à la lutte des exploités, s’est toujours situé en dehors de cette problématique pour se retrouver plus directement sur une position de classe ; les problèmes qui se posaient étaient alors davantage entre l’organisation spécifique et le syndicalisme (ou l’organisation des exploités) avec les diverses réponses apportées.
C’est donc plutôt dans cette tradition que nous nous situons (Malatesta, la FORA, la fraction antiministérielle de la CNT et de la FAI, les IWW etc.) sans que pour cela nous ne nous privions pas de critiquer telle ou telle connerie.
Dans la période actuelle, cette « ligne » s’actualise par nos addenda aux points communs, que nous publions dans ce numéro, et qui détermineront en partie, nos rapports avec les différentes composantes du mouvement anarchiste et libertaire.
Nous nous proposons maintenant de présenter au lecteur ces différentes composantes en les situant par rapport à nos propres options.
Le mouvement libertaire français
LA FÉDÉRATION ANARCHISTE (F.A) (3 rue Ternaux 75011 Paris)
Créée en 1954 ce fut longtemps l’une des seules organisations existante. C’est encore aujourd’hui la plus importante ; elle publie un hebdomadaire : Le Monde libertaire.
La F.A. fonctionne sur l’idée que l’on peut rassembler au sein d’une même fédération toute la famille anar : individualistes, syndicalistes, anarchistes communistes, sans compter les variantes modernes. Le groupe y est autonome, et l’organisation n’a en commun que les principes de base, le journal, et bien sûr les débats qui traversent l’organisation. C’est donc la synthèse telle que nous l’avons critiquée plus haut. Mais outre cette divergence que nous avons sur le fond avec les camarades de la F.A., il y a quelque chose que nous critiquons également : il existe des propriétaires légaux de la fédération anarchiste : l’Association pour la diffusion des idées rationalistes. À l’origine créée pour défendre l’organisation contre de possibles infiltrations, ou complots de type léniniste comme il s’en était produit dans un passé récent (voir pour ceux que ça intéresse l’histoire du mouvement anarchiste de Roland Biard, p. 117, aux éditions Gallilées), cette association a elle-même joué le rôle de ceux qu’elle voulait pourchasser.
Il nous paraît incompatible avec notre conception de l’anarchisme et de l’organisation, que le garant d’une ligne quelconque puisse être une institution légale, et non la cohérence et le bon vouloir des militants.
De plus, cette association est largement composée de franc-maçons ce qui a pour résultat une tendance a ramener perpétuellement la F.A. sur une position libérale et humaniste (propre a la pensée franc-maçonne), et contradictoire avec notre propre conception de l’anarchisme où la lutte des classes tient une place fondamentale.
Pourtant, lors de son dernier congrès, la F.A a affirmé son attachement à la lutte des classes dans le même temps qu’elle tentait de s’actualiser en se plongeant dans les luttes qui sont celles de notre temps ; signe selon nous que la F.A n’est pas sans contradictions, signe d’une certaine bonne santé comme l’est aussi l’amélioration du Monde libertaire hebdo.
Mais nous savons aussi que l’histoire de la F.A, c’est aussi celle des départs successifs de ceux qui tentèrent de donner un contenu révolutionnaire, et s’y cassèrent les dents.
Ce fut l’union des groupes anarchistes communistes, créés en 1961, comme tendance dans la FA, et qui dût la quitter à partir de 1964, et dont beaucoup de militants se retrouvent aujourd’hui dans le groupe qui édite Tribune Anarchiste Communiste (TAC).
Ce fut ensuite la scission du congrès de Bordeaux, en 1967, puis la création de l’ORA, qui donna naissance à la récente OCL (nous présenterons ensuite la TAC et L’OCL).
La situation à l’heure actuelle :
beaucoup de militants et de groupes qui sont sur des positions anarchistes communistes ou communistes libertaires et qui impulsent une dynamique positive comme celle du ML hebdo.
Nous verrons bien ce qui se passera avec l’association. Mais qu’il y ait de nouvelles scissions, ou que la FA se transforme réellement, cela ne sera pas sans effet sur la recomposition nécessaire d’un nouveau mouvement anarchiste.
LA TRIBUNE ANARCHISTE COMMUNISTE (TAC) (Paul Denais 22 bis rue de la Réunion Paris 20)
Il ne s’agit pas à proprement parler d’une organisation, mais d’un lieu de regroupement et d’expression de camarades ayant une certaine spécificité, une certaine histoire, qui les a conduits à lutter contre l’immobilisme et la sclérose, pour ne pas s’isoler de la pensée politique moderne et pour lutter partout ou des thèmes qui sont les nôtres sont abordés, en particulier celui d’autogestion.
Cela a amené les camarades de la TAC (avant, de l’UGAC) à se faire beaucoup d’illusions, jadis sur l’autogestion en Yougoslavie et en Algérie, puis sur les possibilités de travail avec une gauche marxiste qui se voulait en rupture de léninisme (PSU, CIC).
Il est certain que malgré cela cette pratique a permis ça et là de décloisonner la pensée libertaire et de la sortir d’un superbe isolement ; mais en même temps elle la cantonnait à un monde quelque peu politicien, proche du frontisme que nous avons souvent critiqué. À l’heure actuelle, la revue, (qui a peut-être eu raison de choisir une forme plus modeste que la Lanterne Noire, et qui a donc plus de facilité à survivre), nous fournit des informations sur différents lieux où l’autogestion apparaît et se discute. De plus elle s’efforce d’analyser les situations politiques actuelles avec une certaine rigueur.
Pour ce qui concerne l’organisation, la Tac est bien sûr favorable à l’organisation spécifique des anarchistes révolutionnaires, mais nous ne savons pas si c’est toujours suivant le principe de la plate-forme d’Archinof, comme jadis l’UGAC.
Pour ce qui concerne les syndicats, la TAC est loin de partager les « analyses antisyndicales » qui pointent leur nez à notre époque. Témoins la discussion publiée dans la revue, entre eux et « a‑narchismo », revue italienne, et plus proche de nous, la critique faite aux camarades d’archives qui ont quitté la CFDT (voir TAC N° 21 de juillet 1977 et Front libertaire N° 68 de mai 1977).
L’ORGANISATION COMMUNISTE LIBERTAIRE (OCL ; 33 rue des vignoles Paris 75020)
C’est la deuxième organisation anarchiste française [[Nous disons « anarchiste », bien que les camarades de l’OCL, par soucis d’ efficacité, et pour se démarquer des ananars et des ploums (ces mêmes qui sont d’ailleurs en partie dans le mouvement autonome en ce moment) aient abandonné l’étiquette. Il n’en demeure pas moins que malgré eux ils le sont, et qu’ils sont vécus par les autres comme tels. Il ne faut pas se cacher derrière des boites d’allumettes. Par ailleurs, le terme libertaire n’est pas moins entaché de déviation et de récupération que celui d’anarchisme ; témoins les récentes déclarations de Jérome Monod, de Bernard Henry Lévy, ou de bonzes de la CFDT, qui c’est bien connu, sont tous aussi libertaires que Jean Paul Sartre, ou des bonzes anarcho-syndicalistes sont anarchistes.]] après la FA, de par le nombre (très faible cependant) de ses militants.
Elle est issue de l’organisation révolutionnaire anarchiste (ORA), elle-même scission de la FA.
L’ORA n’avait réussi à scissionner de la FA, qu’en étant son contraire, c’est à dire en singeant le gauchisme triomphant dans l’extrême gauche, après 1968. Pour cela, l’ORA avait récupéré, dans la tradition anarchiste, la toujours même poussiéreuse plate-forme, (oui toujours celle d’Archinof) en pensant que cela suffirait à redonner une crédibilité révolutionnaire à l’anarchisme français, englué dans le réformisme. Le souci était louable, mais la méthode mauvaise. L’ORA ne réussit à devenir qu’un appendice des gauchistes après avoir été celui des francs-maçons.
Pourtant, la scission ne se fit pas seulement sur des points idéologiques mais sur des pratiques concrètes dans différents lieux de luttes.
C’est sur cette base que de nouveaux militants entrèrent a l’ORA, qui fut de ce fait même rendue très permissive aux crises et aux débats du gauchisme après 68. Une évolution se fit donc, mais toujours en fonction de deux axes : la crise du gauchisme et sa conséquence, la montée des idéologies ultra gauche (qui sont au gauchisme ce que ce dernier est au léninisme), et la confrontation sur des pratiques concrètes avec des gens extérieurs au mouvement spécifiquement libertaire.
Progressivement, les principes définis dans la plate-forme volèrent en éclat (au grand dam de certains), au profit du débat et de la pratique collective. Ceci se produit, phénomène curieux et unique, sans réel éclatement ni aucune décomposition vers des idéologies individualistes et anti-militantes.
L’ORA devint OCL ; en ce moment, l’OCL est un corps vivant traversé par de vives contradictions, mais qui sont celles du mouvement révolutionnaire (comment ne pas être une avant-garde, en étant organisé, homme femmes, Paris-Province, activisme – réflexion, étudiants-travailleurs…).
L’intérêt, c’est que ces contradictions ne se posent pas trop en rapport de force, mais en débat, sans qu’une certaine cohésion ne disparaisse, sans aussi que le débat ne devienne qu’un pur débat d’idées.
L’OCL a su reconnaître et faire reconnaître aux autres l’existence d’un nouveau mouvement libertaire, il lui reste encore vraisemblablement à se défaire d’un certain triomphalisme (issu du gauchisme) et à redéfinir (avec d’autres) le rôle d’une organisation spécifique dont les militants sont parties prenantes d’un mouvement plus large.
Il est à signaler malgré tout, que bien que la pratique de l’OCL n’ait plus rien à voir avec elle, la plate-forme n’est pas abandonnée comme référence organisationnelle.
Deux aspects de cette pratique, nous paraissent importants en ce moment ; d’une part tenter de regrouper et de coordonner les libertaires par secteur de travail, d’entreprise, pour donner une consistance a la zone de l’autonomie ouvrière qui commence d’exister (moins peut être que les camarades le pensent cependant) ; et d’autre part s’investir dans des journaux de contre information, dans lesquels il est clair que c’est la que s’expriment d’autres aspects du nouveau mouvement, de l’autonomie si l’on veut, ceux qui ne sont pas directement pris dans les rapports de production, mais dans tous les aspects de la vie.
Publie Front libertaire des luttes de classes, même adresse.
Tout le pouvoir aux travailleurs
(éditions L BP 51902, 75067 Paris), publie : Tout le pouvoir aux travailleurs.
Il s’agissait d’une fraction de l’OCL qui en a été exclue récemment.
Si l’UTCL fait de gros efforts pour développer la pratique et l’organisation libertaire parmi les travailleurs, elle n’en tombe pas moins, selon nous dans un double travers : celui du triomphalisme, et celui de l’avant-gardisme.
Elle aussi a critiqué (encore plus vertement que la TAC) le départ des camarades d’archive de la CFDT.
L’UTCL pense que c’est encore dans les syndicats que se trouve la partie la plus consciente de la classe.
Par ailleurs, l’UTCL remplit l’espace laissé vide par l’ORA, de caution libertaire aux gesticulations gauchistes et frontistes (appels communs…).
Mais ce qui nous sépare le plus de ces camarades, c’est l’idée de programme revendicatif proposé aux travailleurs dans le cadre de la société capitaliste. La logique est la même que celle de la ligue communiste qui demande un peu plus que le PC pour bien montrer qu’elle est plus à gauche ; et bien l’UTCL en rajoute encore un peu pour bien faire voir qu’elle est encore plus révolutionnaire.
L’ORGANISATION DE COMBAT ANARCHISTE (OCA)
(116 rue montmartre 75002 Paris) Publie une revue : Lutter (BP 1902 45009 Orléans Cedex).
De création récente, cette organisation rassemble parmi les anciens camarades de coordination anarchiste, ceux qui étaient le plus « organisationnels ».
Nous ne connaissons pas la pratique concrète, locale, de ces camarades, mais ce qui est certain, c’est que la revue, outre un gros effort de présentation, est bien documentée et présente clairement certains problèmes.
Mais selon nous, l’OCA sacrifie trop au triomphalisme, et ne se démarque pas de la vielle conception de la révolution selon laquelle c’est de la crise du capitalisme que vient le salut.
Cette crise qui n’a jamais été aussi forte, cette crise qui est la dernière… comme révolution internationale, l’OCA nous demande d’être à la hauteur de la période, d’accomplir notre tache historique… dans la crise.
Cette mystique de la crise amène en général à des positions peu critiques, peu débattues, et cela aussi se ressent dans la revue « lutter ».
L’OCA estime (comme nous) qu’il est important en ce moment de créer et de faire vivre des structures unitaires, de base, entre les libertaires ;
elle considère enfin les syndicats comme des courroies de transmission et d’intégration des travailleurs au système (comme la lanterne noire et l’OCL).
– O –
Nous allons maintenant passer à un autre aspect du mouvement libertaire organisé, ceux que l’on peut appeler les SYNDICALISTES.
Jusqu’en 1968, et un peu après, les anarcho-syndicalistes qui militaient dans les syndicats réformistes, se regroupaient et se coordonnaient au sein de l’UAS, Union Anarcho Syndicaliste.
Puis, sous l’influence des évènements de 68 et des grèves qui les suivirent, une large partie des camarades abandonnèrent l’étiquette syndicaliste et le journal devint l’anarcho tout court au lieu de l’anarcho-syndicaliste. (Nous reparlerons de l’anarcho, un peu plus loin.)
D’autres fondèrent l’ASRAS, puis Alliance Syndicaliste (AS), à Bordeaux et à Paris principalement. L’accent fut mis sur le travail dans la CFDT, un peu à la CGT, mais pas du tout à FO.
D’autres, enfin, récemment, refondèrent l’UAS, en faisant comme critique à l’AS que la CFDT n’est pas une organisation ouvrière. Ces anarcho-syndicalistes privilégient F.O et des alliances avec l’organisation trotskyste, l’OCI.
Pour terminer, la CNT, Confédération Nationale du Travail, existe depuis 1945, et regroupe ceux qui pensent que les anarchistes doivent s’organiser syndicalement entre eux, dès maintenant.
Nos lecteurs savent que nous ne sommes pas syndicalistes, voir à ce sujet nos « points communs » où il est dit que tous les syndicats sont des éléments de stabilisation du régime.
Nous pensons que même une organisation syndicale révolutionnaire, porte en elle-même ses limites réformistes, et qu’en conséquence elle ne peut pas être l’élément unique ou central du changement social (Voir à ce sujet la polémique du début du siècle entre Monatte et Malatesta).
Pour la critique du syndicalisme on lira avec profit une brochure éditée par Spartacus : « capitalisme, syndicalisme même combat ». Pourtant, il nous semble que toutes ces critiques, aussi justes soient-elles, laissent de côté le problème de l’organisation ouvrière, et ceci est l’un des aspects que nous devons discuter avec les camarades syndicalistes.
Nous ne reviendrons pas sur ces différences de fond dans la présentation de ces organisations.
L’UNION ANARCHO-SYNDICALISTE (UAS)
Elle est certainement celle de qui nous sommes le plus éloignés. En effet, si la CFDT ne nous paraît pas être une organisation ouvrière, FO l’est encore moins, qui est un repère de libéraux de la pire espèce, de francs-maçons, de pro-américains. Les révolutionnaires qui sont à FO servent de caution de gauche à l’anticommunisme primaire de Bergeron et de sa clique. En outre, l’UAS pousse très loin l’acceptation de l’intégration dans le syndicat, puisqu’elle accepte que ses membres deviennent de hauts responsables locaux ou régionaux de FO ou de la FEN, et même des permanents (une bonne partie des adhérents sont d’ailleurs des permanents de longue date.)
Enfin l’alliance privilégiée avec l’OCI nous fait un peu dégueuler car, nous considérons cette fraction comme la plus caricaturale et odieuse des organisations gauchistes.
LA CONFÉDÉRATION NATIONALE DU TRAVAIL (CNT)
La CNT française vit nous semble-t-il, sur un mythe.On n’est pas un syndcat avec quelques dizaines d’adhérents ; la CNT n’est qu’un groupe qui fait du syndicalisme. L’argument avancé par les camarades de la CNT que tout pourrait changer si tous les anars entraient à la CNT est peu convainquant pour trois raisons :
- Cela fait appel à la grande famille anar ce qui est très ambigu, vu les grandes différences qui existent.
- C’est oublier que de nombreux anarchistes sont contre tout syndicat.
- Même si un grand nombre se résignaient à y entrer, cela ferait une organisation de quelques centaines de membres, c’est-à-dire, toujours pas un syndicat.
L’ALLIANCE SYNDICALISTE (AS)
Permanence région parisienne : 21 rue Jean Robert, Paris 18e.
La grosse différence avec les deux autres, c’est qu’elle est composée de camarades qui font un travail à la base mais sans s’illusionner sur la possibilité de créer un syndicat anarcho-syndicaliste. Cela n’a pas empêché que forts de certains succès, la tentation bureaucratique s’est fait sentir : acceptations de postes, défense de l’appareil, perte de temps dans des bagarres d’appareil etc.
En outre, l’AS ne peut sortir d’une contradiction : vouloir devenir un mouvement de masse, c’est-à-dire attirer en son sein des non-anars, tout en voulant rester anarchistes et révolutionnaires. Quand des non-anars recrutés dans des luttes, adhèrent, ils finissent soit par se barrer soit par le devenir eux-mêmes.
À l’heure actuelle, l’AS et l’UTCL (voir plus haut) ont approximativement les mêmes stratégies dans les syndicats.
Conclusions
Voilà, nous en avons terminé pour nos grandes et belles organisations nationales. Nous en avons certainement oublié, qu’on nous excuse et qu’on nous écrive et l’on rectifiera la prochaine fois.
Mais de toutes les manières, ce qu’il faut dire maintenant, c’est que le mouvement libertaire ou anarchiste spécifique, ce n’est pas seulement ces organisations, tant s’en faut.
C’est aussi par exemple les camarades regroupés autour de l’ANARCHO (M. Bossard, 8 rue de Berlin. 72190 Coulaines) dont nous avons situé tout à l’heure l’origine. Il s’agit d’un bulletin mensuel et depuis un bon bout de temps, ce qui est rare qui sert de liaisons, d’information, et de discussion, entre des camarades qui se trouvent surtout dans l’ouest et le centre ouest, c’est-à-dire dans une région où justement les organisations précitées sont dans l’ensemble absentes.
Dans la même veine, il faut citer, Informations rassemblées a Lyon (IRL) qui de simple journal de conte-information (simple, n’est pas péjoratif), est devenu un journal d’expression libertaire, qui participe et anime les débats qui le traverse, tout en continuant a être « local ».
Enfin, mais dans un même genre, BASTA pour la région toulousaine, est certes local, mais exprime d’abord les positions politiques d’un groupe essentiellement attaché à combattre les formes quotidiennes de la domination. Nous avons publié les positions de ce groupe dans notre numéro 6⁄7 sur « l’organisation comme conséquence de la pratique. »
Il est à noter que là encore, Lyon ou Toulouse, les organisations nationales, comme dans l’Ouest, sont peu présentes ; y a‑t-il un rapport de cause à effet ? Si oui, quel est-il ?
Nous remarquons aussi, que là où une organisation est bien présente, les autres ne le sont pas, sauf si elles se meuvent dans des milieux, ou avec des préoccupations très différentes. Il est certain, qu’outre des différences politiques réelles, IL EXISTE BEL ET BIEN DES RAPPORTS DE CONCURRENCE, DE CHAPELLES ENTRE EUX. Mais qu’on se rassure, les groupes autonomes libertaires n’échappent pas non plus à ce phénomène et ont eux aussi tendance à se concurrencer, quand par exemple ils sont dans la même ville. Ce sont des phénomènes de pouvoir contre lesquels on ne lutte pas en étant contre l’organisation (voir notre numéro sur ce sujet).
Ce qui est souhaitable, à notre avis, c’est que se mettent sur pied, localement, des collectifs libertaires sur une pratique large, sans que cela puisse gêner des regroupements ou des liaisons plus spécifiques. Mais il est clair que pour que cela puisse se faire (et il y a des exemples ou cela fonctionne, surtout en province), il ne faut pas que les organisations s’y conduisent en avant-garde chiantes, et que les anars « autonomes » cessent d’être à tout vent contre les organisations même s’ils sont contre l’organisation.