La Presse Anarchiste

La Lanterne Noire et le mouvement libertaire français

Depuis le début de la péri­ode com­prise entre les deux guer­res, le mou­ve­ment anar­chiste français se défi­ni, en grande par­tie comme « syn­thè­siste » ou « archi­no­viste » (du nom de la plate-forme d’Archinof).

La pre­mière posi­tion, mise en forme par Sébastien Fau­re, con­sid­ère qu’il est pos­si­ble d’or­gan­is­er avec des principes très sou­ples et fédéral­istes, les trois ten­dances tra­di­tion­nelles de l’a­n­ar­chisme français : les anar­chistes-com­mu­nistes, les anar­chistes syn­di­cal­istes, et les anar­chistes individualistes.

Le point com­mun de ces deux posi­tions est d’avoir été élaborées entre les deux guer­res, c’est-à-dire à un moment de recul général­isé, au niveau mon­di­al, de la classe ouvrière, du mou­ve­ment révo­lu­tion­naire et anarchiste.

La plate-forme est élaborée par des anar­chistes russ­es exilés en France, et qui expliquent la défaite subie en Russie, par une inor­gan­i­sa­tion des anar­chistes face a celle, supérieure, des bolcheviks.

La syn­thèse, élaborée quelques années plus tard, tente de réu­nir, de rec­oller les divers­es vari­antes de l’a­n­ar­chisme pour ten­ter de le faire exis­ter de nou­veau, chaque ten­dance à elle seule n’é­tant rien à cette époque de reflux généralisé.

Ce sont donc deux solu­tions organ­i­sa­tion­nelles, bâties sur une con­stata­tion de défaite, de reflux.

Elles représen­tent toutes les deux un désir d’ex­is­ter, un refus de mourir, mais, mar­quées par la défaite, c’est-à-dire par l’ab­sence en per­spec­tive, en fil­igrane, d’un mou­ve­ment autonome des mass­es.

Sur les deux, ce qui déteint, c’est inévitable­ment des traces de l’idéolo­gie des vainqueurs :
Le bolchevisme lénin­iste (vain­queur en Russie) sur la plate-forme, avec ses principes :

  • majorité-minorité
  • respon­s­abil­ité collective 
  • organ­i­sa­tion centralisée.

Le libéral­isme franc-maçon (vain­queurs en Europe occi­den­tale) sur la syn­thèse, avec ses principes : 

  • homme abstrait au-dessus des classes.
  • lib­erté abstraite
  • inter­clas­sisme
  • human­isme

Out­re le fait que ces deux ten­dances por­tent les traces de l’idéologie du vain­queur suiv­ant le principe con­tre-révo­lu­tion­naire qui pré­tend qu’il faut adopter les principes de l’ennemi pour le vain­cre, elles n’ont eu comme résul­tat pra­tique que de cristallis­er l’activisme des uns et l’inaction des autres, que de se définir les unes par rap­port aux autres, suiv­ant des sché­mas trop stéréo­typés et donc en par­tie faux : les organ­i­sa­tion­nels con­tre les anti-organ­i­sa­tion­nels, les purs et durs con­tre les libéraux, etc., etc.

Il nous sem­ble quant à nous, que par­fois, les plate­formistes sont entrés en juste réac­tion con­tre le libéral­isme bour­geois, l’idéalisme qui peut car­ac­téris­er les syn­thè­sistes, mais que ces derniers entrent fort juste­ment en lutte con­tre les car­ac­téris­tiques bolchevisantes des premiers.

Quoi qu’il en soit, nous pen­sons que la plate-forme et la syn­thèse ne sont plus (si elles l’ont jamais été) d’actualité. En effet, les idéolo­gies dom­i­nantes qui ont déteint sur l’une et l’autre sont en crise et en voie de dépérisse­ment : le libéral­isme et le marxisme-léninisme.

Ce qu’il faut savoir en out­re, c’est que cette polar­i­sa­tion entre ces deux ten­dances, est très spé­ci­fique du mou­ve­ment français, et très prob­a­ble­ment liée à la dou­ble tra­di­tion libérale et blan­quiste du mou­ve­ment social­iste en France ain­si ensuite que de l’importance du syn­di­cal­isme révolutionnaire.

Il n’en fut pas de même dans d’autres pays rich­es en tra­di­tions révo­lu­tion­naires et anar­chistes : l’Espagne, l’Italie, l’Argentine ou les États-Unis. Dans ces pays, le mou­ve­ment anar­chiste, lié plus directe­ment à la lutte des exploités, s’est tou­jours situé en dehors de cette prob­lé­ma­tique pour se retrou­ver plus directe­ment sur une posi­tion de classe ; les prob­lèmes qui se posaient étaient alors davan­tage entre l’or­gan­i­sa­tion spé­ci­fique et le syn­di­cal­isme (ou l’or­gan­i­sa­tion des exploités) avec les divers­es répons­es apportées. 

C’est donc plutôt dans cette tra­di­tion que nous nous situons (Malat­es­ta, la FORA, la frac­tion anti­min­istérielle de la CNT et de la FAI, les IWW etc.) sans que pour cela nous ne nous priv­ions pas de cri­ti­quer telle ou telle connerie.

Dans la péri­ode actuelle, cette « ligne » s’ac­tu­alise par nos adden­da aux points com­muns, que nous pub­lions dans ce numéro, et qui déter­mineront en par­tie, nos rap­ports avec les dif­férentes com­posantes du mou­ve­ment anar­chiste et libertaire.
Nous nous pro­posons main­tenant de présen­ter au lecteur ces dif­férentes com­posantes en les situ­ant par rap­port à nos pro­pres options.

Le mouvement libertaire français

LA FÉDÉRATION ANARCHISTE (F.A) (3 rue Ter­naux 75011 Paris)

Créée en 1954 ce fut longtemps l’une des seules organ­i­sa­tions exis­tante. C’est encore aujour­d’hui la plus impor­tante ; elle pub­lie un heb­do­madaire : Le Monde lib­er­taire.

La F.A. fonc­tionne sur l’idée que l’on peut rassem­bler au sein d’une même fédéra­tion toute la famille anar : indi­vid­u­al­istes, syn­di­cal­istes, anar­chistes com­mu­nistes, sans compter les vari­antes mod­ernes. Le groupe y est autonome, et l’or­gan­i­sa­tion n’a en com­mun que les principes de base, le jour­nal, et bien sûr les débats qui tra­versent l’or­gan­i­sa­tion. C’est donc la syn­thèse telle que nous l’avons cri­tiquée plus haut. Mais out­re cette diver­gence que nous avons sur le fond avec les cama­rades de la F.A., il y a quelque chose que nous cri­tiquons égale­ment : il existe des pro­prié­taires légaux de la fédéra­tion anar­chiste : l’As­so­ci­a­tion pour la dif­fu­sion des idées ratio­nal­istes. À l’o­rig­ine créée pour défendre l’or­gan­i­sa­tion con­tre de pos­si­bles infil­tra­tions, ou com­plots de type lénin­iste comme il s’en était pro­duit dans un passé récent (voir pour ceux que ça intéresse l’his­toire du mou­ve­ment anar­chiste de Roland Biard, p. 117, aux édi­tions Gallilées), cette asso­ci­a­tion a elle-même joué le rôle de ceux qu’elle voulait pourchasser.

Il nous paraît incom­pat­i­ble avec notre con­cep­tion de l’a­n­ar­chisme et de l’or­gan­i­sa­tion, que le garant d’une ligne quel­conque puisse être une insti­tu­tion légale, et non la cohérence et le bon vouloir des militants.

De plus, cette asso­ci­a­tion est large­ment com­posée de franc-maçons ce qui a pour résul­tat une ten­dance a ramen­er per­pétuelle­ment la F.A. sur une posi­tion libérale et human­iste (pro­pre a la pen­sée franc-maçonne), et con­tra­dic­toire avec notre pro­pre con­cep­tion de l’a­n­ar­chisme où la lutte des class­es tient une place fondamentale.

Pour­tant, lors de son dernier con­grès, la F.A a affir­mé son attache­ment à la lutte des class­es dans le même temps qu’elle ten­tait de s’ac­tu­alis­er en se plongeant dans les luttes qui sont celles de notre temps ; signe selon nous que la F.A n’est pas sans con­tra­dic­tions, signe d’une cer­taine bonne san­té comme l’est aus­si l’amélio­ra­tion du Monde lib­er­taire hebdo. 

Mais nous savons aus­si que l’his­toire de la F.A, c’est aus­si celle des départs suc­ces­sifs de ceux qui ten­tèrent de don­ner un con­tenu révo­lu­tion­naire, et s’y cassèrent les dents.
Ce fut l’u­nion des groupes anar­chistes com­mu­nistes, créés en 1961, comme ten­dance dans la FA, et qui dût la quit­ter à par­tir de 1964, et dont beau­coup de mil­i­tants se retrou­vent aujour­d’hui dans le groupe qui édite Tri­bune Anar­chiste Com­mu­niste (TAC).

Ce fut ensuite la scis­sion du con­grès de Bor­deaux, en 1967, puis la créa­tion de l’O­RA, qui don­na nais­sance à la récente OCL (nous présen­terons ensuite la TAC et L’OCL).

La sit­u­a­tion à l’heure actuelle :

beau­coup de mil­i­tants et de groupes qui sont sur des posi­tions anar­chistes com­mu­nistes ou com­mu­nistes lib­er­taires et qui impulsent une dynamique pos­i­tive comme celle du ML hebdo.

Nous ver­rons bien ce qui se passera avec l’as­so­ci­a­tion. Mais qu’il y ait de nou­velles scis­sions, ou que la FA se trans­forme réelle­ment, cela ne sera pas sans effet sur la recom­po­si­tion néces­saire d’un nou­veau mou­ve­ment anarchiste.

LA TRIBUNE ANARCHISTE COMMUNISTE (TAC) (Paul Denais 22 bis rue de la Réu­nion Paris 20)

Il ne s’ag­it pas à pro­pre­ment par­ler d’une organ­i­sa­tion, mais d’un lieu de regroupe­ment et d’ex­pres­sion de cama­rades ayant une cer­taine spé­ci­ficité, une cer­taine his­toire, qui les a con­duits à lut­ter con­tre l’im­mo­bil­isme et la sclérose, pour ne pas s’isol­er de la pen­sée poli­tique mod­erne et pour lut­ter partout ou des thèmes qui sont les nôtres sont abor­dés, en par­ti­c­uli­er celui d’autogestion.

Cela a amené les cama­rades de la TAC (avant, de l’U­GAC) à se faire beau­coup d’il­lu­sions, jadis sur l’au­to­ges­tion en Yougoslavie et en Algérie, puis sur les pos­si­bil­ités de tra­vail avec une gauche marx­iste qui se voulait en rup­ture de lénin­isme (PSU, CIC). 

Il est cer­tain que mal­gré cela cette pra­tique a per­mis ça et là de décloi­son­ner la pen­sée lib­er­taire et de la sor­tir d’un superbe isole­ment ; mais en même temps elle la can­ton­nait à un monde quelque peu politi­cien, proche du fron­tisme que nous avons sou­vent cri­tiqué. À l’heure actuelle, la revue, (qui a peut-être eu rai­son de choisir une forme plus mod­este que la Lanterne Noire, et qui a donc plus de facil­ité à sur­vivre), nous four­nit des infor­ma­tions sur dif­férents lieux où l’au­to­ges­tion appa­raît et se dis­cute. De plus elle s’ef­force d’analyser les sit­u­a­tions poli­tiques actuelles avec une cer­taine rigueur. 

Pour ce qui con­cerne l’or­gan­i­sa­tion, la Tac est bien sûr favor­able à l’or­gan­i­sa­tion spé­ci­fique des anar­chistes révo­lu­tion­naires, mais nous ne savons pas si c’est tou­jours suiv­ant le principe de la plate-forme d’Archi­nof, comme jadis l’UGAC.
Pour ce qui con­cerne les syn­di­cats, la TAC est loin de partager les « analy­ses anti­syn­di­cales » qui pointent leur nez à notre époque. Témoins la dis­cus­sion pub­liée dans la revue, entre eux et « a‑narchismo », revue ital­i­enne, et plus proche de nous, la cri­tique faite aux cama­rades d’archives qui ont quit­té la CFDT (voir TAC N° 21 de juil­let 1977 et Front lib­er­taire N° 68 de mai 1977). 

L’ORGANISATION COMMUNISTE LIBERTAIRE (OCL ; 33 rue des vig­noles Paris 75020)

C’est la deux­ième organ­i­sa­tion anar­chiste française [[Nous dis­ons « anar­chiste », bien que les cama­rades de l’O­CL, par soucis d’ effi­cac­ité, et pour se démar­quer des ana­nars et des ploums (ces mêmes qui sont d’ailleurs en par­tie dans le mou­ve­ment autonome en ce moment) aient aban­don­né l’é­ti­quette. Il n’en demeure pas moins que mal­gré eux ils le sont, et qu’ils sont vécus par les autres comme tels. Il ne faut pas se cacher der­rière des boites d’al­lumettes. Par ailleurs, le terme lib­er­taire n’est pas moins entaché de dévi­a­tion et de récupéra­tion que celui d’a­n­ar­chisme ; témoins les récentes déc­la­ra­tions de Jérome Mon­od, de Bernard Hen­ry Lévy, ou de bonzes de la CFDT, qui c’est bien con­nu, sont tous aus­si lib­er­taires que Jean Paul Sartre, ou des bonzes anar­cho-syn­di­cal­istes sont anar­chistes.]] après la FA, de par le nom­bre (très faible cepen­dant) de ses militants. 

Elle est issue de l’or­gan­i­sa­tion révo­lu­tion­naire anar­chiste (ORA), elle-même scis­sion de la FA. 

L’ORA n’avait réus­si à scis­sion­ner de la FA, qu’en étant son con­traire, c’est à dire en singeant le gauchisme tri­om­phant dans l’ex­trême gauche, après 1968. Pour cela, l’O­RA avait récupéré, dans la tra­di­tion anar­chiste, la tou­jours même pous­siéreuse plate-forme, (oui tou­jours celle d’Archi­nof) en pen­sant que cela suf­fi­rait à redonner une crédi­bil­ité révo­lu­tion­naire à l’a­n­ar­chisme français, englué dans le réformisme. Le souci était louable, mais la méth­ode mau­vaise. L’ORA ne réus­sit à devenir qu’un appen­dice des gauchistes après avoir été celui des francs-maçons.

Pour­tant, la scis­sion ne se fit pas seule­ment sur des points idéologiques mais sur des pra­tiques con­crètes dans dif­férents lieux de luttes.

C’est sur cette base que de nou­veaux mil­i­tants entrèrent a l’O­RA, qui fut de ce fait même ren­due très per­mis­sive aux crises et aux débats du gauchisme après 68. Une évo­lu­tion se fit donc, mais tou­jours en fonc­tion de deux axes : la crise du gauchisme et sa con­séquence, la mon­tée des idéolo­gies ultra gauche (qui sont au gauchisme ce que ce dernier est au lénin­isme), et la con­fronta­tion sur des pra­tiques con­crètes avec des gens extérieurs au mou­ve­ment spé­ci­fique­ment libertaire.

Pro­gres­sive­ment, les principes défi­nis dans la plate-forme volèrent en éclat (au grand dam de cer­tains), au prof­it du débat et de la pra­tique col­lec­tive. Ceci se pro­duit, phénomène curieux et unique, sans réel éclate­ment ni aucune décom­po­si­tion vers des idéolo­gies indi­vid­u­al­istes et anti-militantes.

L’ORA devint OCL ; en ce moment, l’O­CL est un corps vivant tra­ver­sé par de vives con­tra­dic­tions, mais qui sont celles du mou­ve­ment révo­lu­tion­naire (com­ment ne pas être une avant-garde, en étant organ­isé, homme femmes, Paris-Province, activisme – réflex­ion, étudiants-travailleurs…). 

L’in­térêt, c’est que ces con­tra­dic­tions ne se posent pas trop en rap­port de force, mais en débat, sans qu’une cer­taine cohé­sion ne dis­paraisse, sans aus­si que le débat ne devi­enne qu’un pur débat d’idées.

L’OCL a su recon­naître et faire recon­naître aux autres l’ex­is­tence d’un nou­veau mou­ve­ment lib­er­taire, il lui reste encore vraisem­blable­ment à se défaire d’un cer­tain tri­om­phal­isme (issu du gauchisme) et à redéfinir (avec d’autres) le rôle d’une organ­i­sa­tion spé­ci­fique dont les mil­i­tants sont par­ties prenantes d’un mou­ve­ment plus large.

Il est à sig­naler mal­gré tout, que bien que la pra­tique de l’O­CL n’ait plus rien à voir avec elle, la plate-forme n’est pas aban­don­née comme référence organisationnelle.

Deux aspects de cette pra­tique, nous parais­sent impor­tants en ce moment ; d’une part ten­ter de regrouper et de coor­don­ner les lib­er­taires par secteur de tra­vail, d’en­tre­prise, pour don­ner une con­sis­tance a la zone de l’au­tonomie ouvrière qui com­mence d’ex­is­ter (moins peut être que les cama­rades le pensent cepen­dant) ; et d’autre part s’in­ve­stir dans des jour­naux de con­tre infor­ma­tion, dans lesquels il est clair que c’est la que s’ex­pri­ment d’autres aspects du nou­veau mou­ve­ment, de l’au­tonomie si l’on veut, ceux qui ne sont pas directe­ment pris dans les rap­ports de pro­duc­tion, mais dans tous les aspects de la vie.

Pub­lie Front lib­er­taire des luttes de class­es, même adresse.

Tout le pou­voir aux travailleurs

(édi­tions L BP 51902, 75067 Paris), pub­lie : Tout le pou­voir aux tra­vailleurs.

Il s’agis­sait d’une frac­tion de l’O­CL qui en a été exclue récemment.

Si l’UT­CL fait de gros efforts pour dévelop­per la pra­tique et l’or­gan­i­sa­tion lib­er­taire par­mi les tra­vailleurs, elle n’en tombe pas moins, selon nous dans un dou­ble tra­vers : celui du tri­om­phal­isme, et celui de l’avant-gardisme.

Elle aus­si a cri­tiqué (encore plus verte­ment que la TAC) le départ des cama­rades d’archive de la CFDT.

L’UTCL pense que c’est encore dans les syn­di­cats que se trou­ve la par­tie la plus con­sciente de la classe.

Par ailleurs, l’UT­CL rem­plit l’e­space lais­sé vide par l’O­RA, de cau­tion lib­er­taire aux ges­tic­u­la­tions gauchistes et fron­tistes (appels communs…). 

Mais ce qui nous sépare le plus de ces cama­rades, c’est l’idée de pro­gramme reven­di­catif pro­posé aux tra­vailleurs dans le cadre de la société cap­i­tal­iste. La logique est la même que celle de la ligue com­mu­niste qui demande un peu plus que le PC pour bien mon­tr­er qu’elle est plus à gauche ; et bien l’UT­CL en rajoute encore un peu pour bien faire voir qu’elle est encore plus révolutionnaire.

L’ORGANISATION DE COMBAT ANARCHISTE (OCA)

(116 rue mont­martre 75002 Paris) Pub­lie une revue : Lut­ter (BP 1902 45009 Orléans Cedex).

De créa­tion récente, cette organ­i­sa­tion rassem­ble par­mi les anciens cama­rades de coor­di­na­tion anar­chiste, ceux qui étaient le plus « organisationnels ». 

Nous ne con­nais­sons pas la pra­tique con­crète, locale, de ces cama­rades, mais ce qui est cer­tain, c’est que la revue, out­re un gros effort de présen­ta­tion, est bien doc­u­men­tée et présente claire­ment cer­tains problèmes.

Mais selon nous, l’O­CA sac­ri­fie trop au tri­om­phal­isme, et ne se démar­que pas de la vielle con­cep­tion de la révo­lu­tion selon laque­lle c’est de la crise du cap­i­tal­isme que vient le salut.

Cette crise qui n’a jamais été aus­si forte, cette crise qui est la dernière… comme révo­lu­tion inter­na­tionale, l’O­CA nous demande d’être à la hau­teur de la péri­ode, d’ac­com­plir notre tache his­torique… dans la crise. 

Cette mys­tique de la crise amène en général à des posi­tions peu cri­tiques, peu débattues, et cela aus­si se ressent dans la revue « lutter ». 

L’OCA estime (comme nous) qu’il est impor­tant en ce moment de créer et de faire vivre des struc­tures uni­taires, de base, entre les libertaires ;

elle con­sid­ère enfin les syn­di­cats comme des cour­roies de trans­mis­sion et d’in­té­gra­tion des tra­vailleurs au sys­tème (comme la lanterne noire et l’OCL).

– O –

Nous allons main­tenant pass­er à un autre aspect du mou­ve­ment lib­er­taire organ­isé, ceux que l’on peut appel­er les SYNDICALISTES.

Jusqu’en 1968, et un peu après, les anar­cho-syn­di­cal­istes qui mil­i­taient dans les syn­di­cats réformistes, se regroupaient et se coor­don­naient au sein de l’UAS, Union Anar­cho Syndicaliste. 

Puis, sous l’in­flu­ence des évène­ments de 68 et des grèves qui les suivirent, une large par­tie des cama­rades aban­don­nèrent l’é­ti­quette syn­di­cal­iste et le jour­nal devint l’anarcho tout court au lieu de l’anarcho-syndicaliste. (Nous repar­lerons de l’anarcho, un peu plus loin.)

D’autres fondèrent l’AS­RAS, puis Alliance Syn­di­cal­iste (AS), à Bor­deaux et à Paris prin­ci­pale­ment. L’ac­cent fut mis sur le tra­vail dans la CFDT, un peu à la CGT, mais pas du tout à FO.

D’autres, enfin, récem­ment, refondèrent l’UAS, en faisant comme cri­tique à l’AS que la CFDT n’est pas une organ­i­sa­tion ouvrière. Ces anar­cho-syn­di­cal­istes priv­ilégient F.O et des alliances avec l’or­gan­i­sa­tion trot­skyste, l’OCI. 

Pour ter­min­er, la CNT, Con­fédéra­tion Nationale du Tra­vail, existe depuis 1945, et regroupe ceux qui pensent que les anar­chistes doivent s’organiser syn­di­cale­ment entre eux, dès maintenant.

Nos lecteurs savent que nous ne sommes pas syn­di­cal­istes, voir à ce sujet nos « points com­muns » où il est dit que tous les syn­di­cats sont des élé­ments de sta­bil­i­sa­tion du régime. 

Nous pen­sons que même une organ­i­sa­tion syn­di­cale révo­lu­tion­naire, porte en elle-même ses lim­ites réformistes, et qu’en con­séquence elle ne peut pas être l’élé­ment unique ou cen­tral du change­ment social (Voir à ce sujet la polémique du début du siè­cle entre Monat­te et Malatesta).

Pour la cri­tique du syn­di­cal­isme on lira avec prof­it une brochure éditée par Spar­ta­cus : « cap­i­tal­isme, syn­di­cal­isme même com­bat ». Pour­tant, il nous sem­ble que toutes ces cri­tiques, aus­si justes soient-elles, lais­sent de côté le prob­lème de l’or­gan­i­sa­tion ouvrière, et ceci est l’un des aspects que nous devons dis­cuter avec les cama­rades syndicalistes.

Nous ne revien­drons pas sur ces dif­férences de fond dans la présen­ta­tion de ces organisations.

L’UNION ANARCHO-SYNDICALISTE (UAS)

Elle est cer­taine­ment celle de qui nous sommes le plus éloignés. En effet, si la CFDT ne nous paraît pas être une organ­i­sa­tion ouvrière, FO l’est encore moins, qui est un repère de libéraux de la pire espèce, de francs-maçons, de pro-améri­cains. Les révo­lu­tion­naires qui sont à FO ser­vent de cau­tion de gauche à l’an­ti­com­mu­nisme pri­maire de Berg­eron et de sa clique. En out­re, l’UAS pousse très loin l’ac­cep­ta­tion de l’in­té­gra­tion dans le syn­di­cat, puisqu’elle accepte que ses mem­bres devi­en­nent de hauts respon­s­ables locaux ou régionaux de FO ou de la FEN, et même des per­ma­nents (une bonne par­tie des adhérents sont d’ailleurs des per­ma­nents de longue date.) 

Enfin l’al­liance priv­ilégiée avec l’O­CI nous fait un peu dégueuler car, nous con­sid­érons cette frac­tion comme la plus car­i­cat­u­rale et odieuse des organ­i­sa­tions gauchistes.

LA CONFÉDÉRATION NATIONALE DU TRAVAIL (CNT)

La CNT française vit nous sem­ble-t-il, sur un mythe.On n’est pas un syn­d­cat avec quelques dizaines d’ad­hérents ; la CNT n’est qu’un groupe qui fait du syn­di­cal­isme. L’ar­gu­ment avancé par les cama­rades de la CNT que tout pour­rait chang­er si tous les anars entraient à la CNT est peu con­va­in­quant pour trois raisons : 

  • Cela fait appel à la grande famille anar ce qui est très ambigu, vu les grandes dif­férences qui existent. 
  • C’est oubli­er que de nom­breux anar­chistes sont con­tre tout syndicat. 
  • Même si un grand nom­bre se résig­naient à y entr­er, cela ferait une organ­i­sa­tion de quelques cen­taines de mem­bres, c’est-à-dire, tou­jours pas un syndicat.

L’ALLIANCE SYNDICALISTE (AS)

Per­ma­nence région parisi­enne : 21 rue Jean Robert, Paris 18e.

La grosse dif­férence avec les deux autres, c’est qu’elle est com­posée de cama­rades qui font un tra­vail à la base mais sans s’il­lu­sion­ner sur la pos­si­bil­ité de créer un syn­di­cat anar­cho-syn­di­cal­iste. Cela n’a pas empêché que forts de cer­tains suc­cès, la ten­ta­tion bureau­cra­tique s’est fait sen­tir : accep­ta­tions de postes, défense de l’ap­pareil, perte de temps dans des bagar­res d’ap­pareil etc.

En out­re, l’AS ne peut sor­tir d’une con­tra­dic­tion : vouloir devenir un mou­ve­ment de masse, c’est-à-dire attir­er en son sein des non-anars, tout en voulant rester anar­chistes et révo­lu­tion­naires. Quand des non-anars recrutés dans des luttes, adhèrent, ils finis­sent soit par se bar­rer soit par le devenir eux-mêmes.

À l’heure actuelle, l’AS et l’UT­CL (voir plus haut) ont approx­i­ma­tive­ment les mêmes straté­gies dans les syndicats.

Conclusions

Voilà, nous en avons ter­miné pour nos grandes et belles organ­i­sa­tions nationales. Nous en avons cer­taine­ment oublié, qu’on nous excuse et qu’on nous écrive et l’on rec­ti­fiera la prochaine fois.

Mais de toutes les manières, ce qu’il faut dire main­tenant, c’est que le mou­ve­ment lib­er­taire ou anar­chiste spé­ci­fique, ce n’est pas seule­ment ces organ­i­sa­tions, tant s’en faut.

C’est aus­si par exem­ple les cama­rades regroupés autour de l’A­N­AR­CHO (M. Bossard, 8 rue de Berlin. 72190 Coulaines) dont nous avons situé tout à l’heure l’o­rig­ine. Il s’ag­it d’un bul­letin men­su­el 𔃌 et depuis un bon bout de temps, ce qui est rare 𔃌 qui sert de liaisons, d’in­for­ma­tion, et de dis­cus­sion, entre des cama­rades qui se trou­vent surtout dans l’ouest et le cen­tre ouest, c’est-à-dire dans une région où juste­ment les organ­i­sa­tions préc­itées sont dans l’ensem­ble absentes. 

Dans la même veine, il faut citer, Infor­ma­tions rassem­blées a Lyon (IRL) qui de sim­ple jour­nal de con­te-infor­ma­tion (sim­ple, n’est pas péjo­ratif), est devenu un jour­nal d’ex­pres­sion lib­er­taire, qui par­ticipe et ani­me les débats qui le tra­verse, tout en con­tin­u­ant a être « local ».

Enfin, mais dans un même genre, BASTA pour la région toulou­saine, est certes local, mais exprime d’abord les posi­tions poli­tiques d’un groupe essen­tielle­ment attaché à com­bat­tre les formes quo­ti­di­ennes de la dom­i­na­tion. Nous avons pub­lié les posi­tions de ce groupe dans notre numéro 6/7 sur « l’or­gan­i­sa­tion comme con­séquence de la pratique. » 

Il est à not­er que là encore, Lyon ou Toulouse, les organ­i­sa­tions nationales, comme dans l’Ouest, sont peu présentes ; y a‑t-il un rap­port de cause à effet ? Si oui, quel est-il ? 

Nous remar­quons aus­si, que là où une organ­i­sa­tion est bien présente, les autres ne le sont pas, sauf si elles se meu­vent dans des milieux, ou avec des préoc­cu­pa­tions très dif­férentes. Il est cer­tain, qu’outre des dif­férences poli­tiques réelles, IL EXISTE BEL ET BIEN DES RAPPORTS DE CONCURRENCE, DE CHAPELLES ENTRE EUX. Mais qu’on se ras­sure, les groupes autonomes lib­er­taires n’échap­pent pas non plus à ce phénomène et ont eux aus­si ten­dance à se con­cur­rencer, quand par exem­ple ils sont dans la même ville. Ce sont des phénomènes de pou­voir con­tre lesquels on ne lutte pas en étant con­tre l’or­gan­i­sa­tion (voir notre numéro sur ce sujet).

Ce qui est souhaitable, à notre avis, c’est que se met­tent sur pied, locale­ment, des col­lec­tifs lib­er­taires sur une pra­tique large, sans que cela puisse gên­er des regroupe­ments ou des liaisons plus spé­ci­fiques. Mais il est clair que pour que cela puisse se faire (et il y a des exem­ples ou cela fonc­tionne, surtout en province), il ne faut pas que les organ­i­sa­tions s’y con­duisent en avant-garde chi­antes, et que les anars « autonomes » cessent d’être à tout vent con­tre les organ­i­sa­tions même s’ils sont con­tre l’organisation.


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