La bergère au bord du bois.
De tout temps, sur leur passage,
Un piège à prendre les rois.
Voici venir – il n’importe
Qu’en ses royaumes mouvants
On dorme sans toit ni porte –
Un prince de dix-neuf ans.
Ce gueux-roi qui se déhanche,
On ne le regarde pas.
Avec de la laine blanche,
L’air grave, on tricote un bas.
Il allait, genoux en terre,
Faire un discours aussi long
Que l’histoire d’Angleterre…
– « Zut ! j’ai raté mon talon. »
– « Et moi, j’ai raté ma vie
À courir par les chemins.
Devant votre bergerie
J’irai me pendre demain. »
– « Tenez, voici de ma laine,
Vous pendre sera plus doux.
Le grand vent de cette plaine
Balance à plaisir les fous.
Tous les jours il en arrive,
À pied ou sur leurs chevaux,
De l’une ou de l’autre rive.
Aurai-je assez d’écheveaux ?
Aidez-moi, qu’on les enroule.
De la sorte, mon ami,
Souverain, le temps s’écoule
Et vous tient à sa merci…
Et je te tiens à la mienne !
Ton cœur aimant, doux bétail,
A trouvé bonne gardienne.
Vagabond, entre au bercail ! »
« – Je vous rends grâce, bergère ! »
Et s’en va, d’azur hanté.
Dans le vent pleurant misère,
Chante un roi de pauvreté.