La Presse Anarchiste

Chansons de route et de déroute

Quand ils viennent au monde,
Ces petits malheureux,
Rien n’assure à la ronde
Qu’ils s’y trouvent chez eux.

Faut-il son­ner les cloches ?
Faut-il se lamenter ?
Est-ce un jour de reproche,
Une date à fêter ?

Le balan­ce­ment grave
Qui agite un berceau !
La crainte que l’on grave,
Et qui marque un trousseau,

Et qui marque une enfance !…
Où va-t-il voltiger
Le trait de feu que lance
Un regard ? Ô, danger !

Une mèche enflammée
Au jar­din des plaisirs,
Et volent en fumée
Panique les désirs.

Loin de la fête on mène
Au plus noir de la nuit
Une danse incertaine,
Un bal où rien ne luit.

Trop cruel est ce doute.
Si tu veux nous irons
Le semer sur la route
À tous les horizons.

Un incon­nu qui passe,
Un point noir et rôdeur
Et, pro­fa­nant l’espace,
La tache du malheur.

Ain­si, tou­jours en marche,
On se cherche, perdu.
Ah ! dor­mir est une arche,
Un monde suspendu.

La Presse Anarchiste