La Presse Anarchiste

Notules

Il est, croyons-nous, de bon ton de dire que « Le Car­rosse d’Or » de Jean Renoir est un excel­lent « petit film ». Que ne nous est-il don­né de voir beau­coup de petits films de cette taille-là. Non seule­ment, à notre sens, « Le Car­rosse » est la per­fec­tion même, mais encore la démon­stra­tion que le plus grand de nos met­teurs en scène, dont on oublie si volon­tiers les ten­ta­tives mal­heureuses de sa pro­duc­tion d’Amérique, et même presque aus­si volon­tiers, bien que tant de gens l’aient porté aux nues, ce « Fleuve » à n’en plus finir qu’il était allé tourn­er aux Indes, n’avait qu’à repren­dre pied sur notre vieux sol d’Europe pour retrou­ver tout son génie. Et que ces acteurs ital­iens sont donc adorables, – adorables, comme tout le film, de naturel dans l’artifice. Quant à la Mag­nani, sans doute aucun acteur aujourd’hui, sinon peut-être Fres­nay, ne l’égale pour la pro­théenne fac­ulté d’être à chaque fois une autre sans cepen­dant jamais cess­er de rester fidèle à soi-même.

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Tout le monde a suff­isam­ment dit les qual­ités – exquis­es – du film anglais « Geneviève » (c’est le nom d’une auto), pour qu’il soit besoin de nous y éten­dre. Mais en out­re : cette déli­catesse dans l’humour, cette pro­preté, aus­si, peut-on rêver meilleur test sur l’une des rares civil­i­sa­tions – la bri­tan­nique – qui, de nos jours, n’a pas encore tout à fait démérité de ce nom-là ?

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Le fait de don­ner un titre aus­si bêta que « The Band Wag­on » au dernier film de Fred Astair, laisse sup­pos­er que les pro­duc­teurs d’Amérique ne se ren­dent pas exacte­ment compte de la valeur de cet artiste, qui est bien plus qu’un poète de la danse. Il est vrai que l’un de nos amis, songeant à cette his­toire d’acteur vieil­li, nous dis­ait : « Ce n’est pas son “Lime­light”» Voire. (Toutes pro­por­tions gardées). Quant à la par­tie du film traitée dans le style « école de Paris », bal­lets de New-York et art abstrait – plus un doigt d’humour noir –, elle est bien car­ac­téris­tique des actuelles modes cérébrales d’outre-Atlantique. Fort réussie, d’ailleurs. Encore que nous met­tions bien au-dessus, quant à nous, ces non-abstrac­tions : l’art et la per­son­ne d’un Fred Astair.

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Il paraît que « Tant qu’il y aura des hommes » est si excel­lent que le seul moyen, pour le jury de Cannes, de ne pas couron­ner une fois de plus, en cette œuvre, un film améri­cain, fut de la class­er hors-con­cours. Nous dou­tons cepen­dant qu’il n’y ait pas eu au moins un autre film qui égalât cette, à notre hum­ble avis, trop fameuse pro­duc­tion. Sans doute, c’est admirable­ment joué, et la vie mil­i­taire n’y est pas peinte en rose. Mais ce manque de rose-là n’est fait, sem­ble-t-il, que pour mieux nous faire admir­er, sinon la vie, du moins la mort en uni­forme. Est-ce à cause de cette « bien-pen­sance » cam­ou­flée (la pire) que même les très bonnes scènes, et il y en a beau­coup, gar­dent quelque chose de truqué ? Il n’y a jusqu’à Burt Lan­cast­er qui ne soit d’un cran au-dessous de cette déchi­rante human­ité qu’il nous avait fait tant aimer en lui dans « Come back lit­tle Sheba ».


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