La Presse Anarchiste

Mensonges de jésuites

Fourbes, faus­saires, menteurs, ils ont été, ils sont et ils res­teront. Ces gens-là sont impéni­tents, voyez-vous. Il n’y a pas jusqu’aux choses dont ils devraient être les pre­miers instru­its qu’ils ne fal­si­fient sciemment.

Avez-vous jamais enten­du un jésuite par­ler sur l’É­vangile ? Il vous affirmera qu’on y men­tionne le Pape, la messe, les indul­gences, le Pur­ga­toire, les scapu­laires, les chapelets, les béni­tiers et les mille super­sti­tions absur­des dont le clergé catholique se sert pour main­tenir les naïfs sous son joug abrutis­sant. Y a‑t-il quelque chose de plus faux ? Ouvrez le vol­ume vous-même, lisez-le sans par­ti pris et je mets au défi n’im­porte quel capucin de soutenir que la Vierge Marie, par exem­ple, doive être l’ob­jet d’un culte particulier !

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Un exem­ple suf­fi­ra. La dia­tribe du R. P. Coubé a fait le tour de la France. Il se trou­vait, là, à Lour­des, je ne sais com­bi­en de mil­liers de cléri­caux et de réac­tion­naires, prêt à applaudir toutes les insan­ités sor­tant de la bouche du pre­mier igno­ran­tin venu. Dans une péro­rai­son enflam­mée, voici que notre bon Père opposant Christ à Barab­bas se met à qual­i­fi­er ce dernier de surnoms qu’il ne mérite sûre­ment pas. Barab­bas est le type de l’an­ti­cléri­cal, du franc-maçon, du révo­lu­tion­naire, du com­mu­nard, d’où haro sur Barabbas !

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Il n’y a, vous dis-je, qu’un R. P. pour proclamer sem­blables inex­ac­ti­tudes. Barab­bas, au con­traire, est loin d’être un social­iste ou un anti­cléri­cal. C’est un homme qui entraîne les israélites dans une sédi­tion, y cher­chant bien plus son prof­it per­son­nel, que celui des mal­heureux qui l’ont suivi. Les Romains s’en sont emparés, et ils vont l’exé­cuter. Tel est le per­son­nage qu’on ne peut mieux com­par­er qu’à tel politi­cien de nos jours, essayant de se créer une sit­u­a­tion en prof­i­tant des souf­frances du prolétariat.

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En même temps que Barab­bas, le Christ se trou­ve dans les cachots de Jérusalem. Le Christ s’est attiré l’inim­i­tié des phar­isiens, les cléri­caux d’alors ; il a stig­ma­tisé leur hypocrisie : « Vos ver­tus, s’est-il écrié, mais ce sont des vices affreux ; le peu de bien que vous faites, c’est par osten­ta­tion, par orgueil ; votre assiduité à la syn­a­gogue (comme on dirait aujour­d’hui à l’Église) c’est un trompe-l’œil. Au fond du cœur, vous êtes aus­si mau­vais, aus­si méchants que le plus bas tombé de la voy­ou­cratie de Jérusalem. La vraie reli­gion con­siste dans une trans­for­ma­tion intérieure, dans un renou­velle­ment de la vie morale, dans un accord inces­sant entre ce qu’on dit être et ce qu’on est réelle­ment, dans une ten­ta­tive sincère pour y par­venir tout au moins, et non dans un vête­ment de forme spé­ciale ou une réc­i­ta­tion machi­nale de prières ou de textes sacrés. »

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Et les cléri­caux lui jurent une haine à mort. Ils le haïssent d’au­tant plus, ce Char­p­en­tier de Nazareth, qu’on le trou­ve sans cesse en com­pag­nie des pro­lé­taires, des mis­érables, des bas-tombés, des lépreux, des mal­heureux de toute sorte mis au ban de la Société. On lui a amené, un jour, une pau­vre femme adultère et les phar­isiens, le sachant un Homme pur et juste, se promet­tent bien de l’embarrasser. « Nous allons bien voir ! se dis­ent entre eux ces vieux cléri­caux ; celle-là, elle a fait mal ; il ne pour­ra pas l’ex­cuser. » Et voilà que lev­ant les yeux sur le groupe qui l’en­toure, la mal­heureuse et lui, le Christ demande à celui de la com­pag­nie qui est sans péché de jeter la pre­mière pierre sur la coupable, puisque la loi juive con­damnait à la lap­i­da­tion la femme adultère. Nul n’ose le faire, tous se sen­tant repris dans leur con­science, car, à l’in­su de leurs conci­toyens, ils avaient peut-être fait dix fois pire.

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Vous com­prenez main­tenant pourquoi les phar­isiens, les cléri­caux cher­chaient sa perte. Ils réus­sis­sent enfin à ameuter le peu­ple con­tre lui, il a tou­jours existé des jaunes ! Il va être cru­ci­fié ! Quel débar­ras ! Mais la cou­tume étant de relâch­er un pris­on­nier au cours des fêtes de Pâques, voici que le gou­verneur romain Pilate hési­tant à laiss­er mourir un Homme qui n’avait, au fait, com­mis d’autre crime que de prêch­er l’amour, la jus­tice et la fra­ter­nité, pro­pose au peu­ple de relâch­er le Christ. Les cléri­caux, ter­ri­fiés, envoient leurs émis­saires dans la foule. Toutes leurs sym­pa­thies allaient à Barab­bas. Barab­bas, le type du politi­cien ou du sédi­tieux arriv­iste, n’a jamais effrayé les cap­i­tal­istes ou les jésuites. Il est à ven­dre. C’est un jaune. Mais le Christ, le type du réfor­ma­teur incor­rupt­ible, du réno­va­teur moral, social et spir­ituel qu’au­cune attaque ne peut attein­dre, le Christ, qui a ton­né con­tre les richess­es, flétri les cagots, dénon­cé les hyp­ocrites, soutenu les tra­vailleurs et les pau­vres, le Christ, le vrai rouge, on ne l’achète pas. Il faut qu’il meure. Et il mour­ra. Et Barab­bas, se prêtera au rôle qu’on lui fera jouer. Les émis­saires des phar­isiens et des rab­bins se répan­dent dans la foule. « Somme toute, dis­ent-ils, ce char­p­en­tier de Nazareth n’é­tait pas ten­dre pour nos vices. Il pré­tendait que la réno­va­tion, la réforme indi­vidu­elle doit précéder la réforme générale. Tan­dis que Barab­bas, en un clin d’œil, voulait trans­former la société et vous délivr­er du joug des Romains. » Ils se gar­dent de dire « pour vous replac­er sous le joug des phar­isiens. » Et, mou­ton­nière, la foule crie : « qu’on nous relâche Barabbas !»

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Voici l’ex­acte vérité, mon révérend Père. Aus­si, trans­for­mant votre fameux appel aux électeurs, lais­sez-moi m’écrier aus­si : haro sur Barab­bas, car choisir Barab­bas, c’est se met­tre du côté des cap­i­tal­istes, des cléri­caux, des jaunes, des politi­ciens ; choisir Jésus-Christ au con­traire, c’est pren­dre rang avec les pro­lé­taires, les exploités, les mal­heureux, les rouges. Nous qui dans ce jour­nal, soutenons la cause du Christ, c’est pour eux que nous sommes.

E. Armand


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