La Presse Anarchiste

Mouvement social

Les oubliés de l’am­nis­tie. — La Sociale passe en revue les condam­nés poli­tiques qu’on n’a pas jugé à pro­pos de faire béné­fi­cier de l’am­nis­tie, sans doute à cause de leurs opi­nions anar­chistes. Ce sont : 1° Cyvoct, condam­né à mort, en décembre 1883, parce que le jour­nal dont il était le gérant avait publié un article ni plus ni moins violent que bien d’autres qu’on lit aujourd’­hui. Sa peine fut com­muée en celle des tra­vaux for­cés à per­pé­tui­té et, depuis lors, il fut impos­sible de le faire béné­fi­cier d’au­cune des amnis­ties qu’il y a eu. Mais qu’on se ras­sure, on exa­mine son cas… depuis quatre mois !… Viennent ensuite les « mal­fai­teurs » d’An­gers, Meu­nier, Che­vry, Fou­quet et Phi­lippe, condam­nés à des peines diverses, en ver­tu de la fameuse entente. Les extraits de l’acte d’ac­cu­sa­tion que publie notre cama­rade carac­té­risent la mau­vaise loi qui ins­pire tou­jours les magis­trats dans les affaires ana­logues. Che­vry, par exemple, a été condam­né à cinq ans de tra­vaux for­cés, bien que, dit l’acte d’ac­cu­sa­tion, « aucun fait n’ait été rele­vé contre lui depuis le 22 décembre 1894 ; mais il est cer­tain qu’il était un des habi­tués des réunions tenues chez Phi­lippe, et qu’il a cher­ché à faire, à Angers et à Tré­la­zé, de la pro­pa­gande anar­chiste ». C’est donc bien à cause de ses opi­nions que Che­vry a été condam­né et, à ce titre, il aurait dû être amnis­tié. Quant à Meu­nier, voi­ci ce qu’on lui reproche :

« La cor­res­pon­dance sai­sie au domi­cile de ses parents le repré­sente comme un esprit mau­vais, dévoyé, enne­mi par prin­cipe de toute auto­ri­té, dénué de sens moral, imbu des idées les plus fausses sur tout ce qui touche à l’or­ga­ni­sa­tion de la famille et de la société. » 

Coût : sept ans de tra­vaux for­cés. J’i­gnore si ce docu­ment est appe­lé à sur­vivre aux suc­ces­sifs bou­le­ver­se­ments qui se pro­dui­ront à tra­vers les âges, mais les géné­ra­tions futures seront stu­pé­faites d’ap­prendre, à sa lec­ture, qu’au siècle de Dar­win, d’Ib­sen et de Tol­stoï, on condam­nait un homme à sept ans de tra­vaux for­cés pour avoir l’es­prit mal fait et des idées fausses !

En tout cas, le gou­ver­ne­ment, qui pou­vait allé­guer un oubli, n’a plus aujourd’­hui cette excuse. Qu’at­tend-il pour rendre ces mal­heu­reux à la liberté ?

À signa­ler aus­si le cas de Cour­tois (Liard), condam­né pour délits de réunion publique, à deux reprises dif­fé­rentes. À cette condam­na­tion est venue s’en ajou­ter une autre de quatre ans de tra­vaux for­cés pour faux ! Or, voi­ci quelle est cette affaire de faux : Cour­tois, après sa pre­mière condam­na­tion, condam­na­tion par défaut, s’é­tait caché sous le nom de Liard, qui était celui d’un cama­rade, décé­dé. Condam­né une seconde fois sous ce nom, il fut recon­nu pour être Cour­tois. D’où troi­sième condam­na­tion, et celle-là à quatre ans de tra­vaux for­cés, pour faux ! Le crime était grand, en effet, et le dom­mage cau­sé au défunt, considérable !

En atten­dant « sous l’orme » qu’il soit, lui aus­si, amnis­tié, les cama­rades qui dési­re­raient adou­cir son sort sont priés d’a­dres­ser leurs envois à Mme Alice Cour­tois jeune, 2, rue d’Argent, à Poitiers.

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Dijon — Le 12 mai, une jeune fille de dix-sept ans était trou­vée assas­si­née dans un bois voi­sin de Dijon. Les consta­ta­tions éta­blirent qu’elle n’a­vait été ni volée ni vio­lée. Néan­moins les magis­trats en conclurent que le crime n’a­vait pu être com­mis que par un vaga­bond ! ? On en pro­fi­ta pour faire une rafle de tous les gens sus­pects, mais sans aucun résul­tat… Cepen­dant, et c’est là le comique, après l’o­dieux, le nom de l’as­sas­sin est sur toutes les lèvres des habi­tants du pays. Mais celui-ci serait, paraît-il, un per­son­nage assez puis­sant de la contrée. Aus­si, la jus­tice qui non seule­ment est boi­teuse, mais aus­si sourde et aveugle, n’en­tend-elle rien, ne voit-elle rien !

André Girard (Max Buhr)

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Calais — À la suite de nous ne savons quelles manoeuvres, la police est par­ve­nue à inti­mi­der les ven­deurs de notre jour­nal. Prière aux amis que nous pou­vons avoir dans cette loca­li­té de nous trou­ver un libraire plus indépendant.

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L’af­faire de Cempuis

 — Cette affaire revient sur l’eau. Un nou­veau débat va avoir lieu au Conseil géné­ral. Quoi­qu’il n’y ait à en espé­rer aucune répa­ra­tion de l’acte arbi­traire com­mis par le gou­ver­ne­ment le 31 août 1894, toutes ces dis­cus­sions publiques auront du moins pour effet d’ap­por­ter la lumière sur tous les men­songes et toutes les calom­nies ima­gi­nés par nos maîtres, dans l’es­poir de jus­ti­fier l’in­fa­mie dont a été vic­time le direc­teur de l’or­phe­li­nat Prévost.

On assure que, de ce débat, bien des hauts per­son­nages sor­ti­ront fort amoin­dris, et que le déshon­neur ne sera pas pour celui dont on s’est effor­cé de salir la répu­ta­tion pour com­plaire aux cléricaux.

L’É­du­ca­tion inté­grale consa­cre­ra ses pro­chains numé­ros aux détails de cette histoire. 

La Presse Anarchiste