Le vague humanisme du Grand Orient
Préambule à la déclaration de principes du Grand Orient
La Franc-Maçonnerie institution essentiellement philanthropique, philosophique et progressive, a pour objet la recherche de la Vérité, l’étude de la Morale et la pratique de la Solidarité ; elle travaille à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’Humanité.
Elle a pour principes la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, la liberté absolue de conscience.
La Franc-Maçonnerie a pour devoir d’étendre à tous les membres de l’Humanité les liens fraternels qui unissent les francs-maçons sur toute la surface du globe.
Elle recommande à ses adeptes la propagande par l’exemple, la parole et les écrits, sous réserve de l’observation du secret maçonnique.
Le franc-maçon a pour devoir, en toutes circonstances, d’aider, de protéger son frère, même au péril de sa vie et de le défendre contre l’injustice.
La Franc-Maçonnerie considère le travail comme un des devoirs essentiels de l’homme.
Elle honore également le travail manuel et le travail intellectuel.
Principes moraux du Grand Orient
Dis la Vérité, pratique la justice avec droiture. Agis envers les hommes comme tu voudrais que les hommes agissent envers toi.
Aime ton prochain.
Ne fais pas le mal ; fais le bien pour l’amour de bien lui-même.
Le vrai culte consiste dans les bonnes mœurs et dans la pratique des vertus.
Aime les bons, plains les faibles, fuis les méchants, mais ne hais personne.
Parle sobrement avec les grands, prudemment avec les égaux, sincèrement avec tes amis, doucement avec les petits, tendrement avec les pauvres.
Soulage les pauvres ; chaque soupir que ta dureté leur arrachera sera une malédiction qui tombera sur ta tête.
Écoute toujours la voix de ta conscience, elle est ton juge, laisse parler les hommes.
Ne flatte point ton frère, c’est une trahison ; si ton frère te flatte, crains qu’il ne te corrompe.
Respecte l’étranger voyageur ; aide-le. Sa personne est sacrée pour toi.
Évite les querelles, préviens les insultes, obéis toujours à la raison.
Si tu rougis de ton état, c’est l’orgueil ; songe que ce n’est point la place qui honore ou dégrade l’homme, mais la manière dont il la remplit.
Lis et profite, vois et imite, réfléchis et travaille ; rapporte tout à l’utilité de tes frères, c’est travailler pour toi-même.
Sois content de tout, partout, avec tout, si l’honneur n’y est pas contraire.
Ne juge pas légèrement les actions des hommes ; loue peu et blâme encore moins. Pense que pour bien juger les hommes, il faut sonder les cœurs et scruter les intentions.
Respecte les femmes ; n’abuse jamais de leur faiblesse et meurs plutôt que de les déshonorer.
Si tu deviens père, réjouis-toi. Comprends surtout l’importance de ta mission. Sois pour ton enfant un protecteur fidèle. Fais que, jusqu’à dix ans, il te craigne, que jusqu’à vingt ans, il t’aime, que jusqu’à la mort, il te respecte.
Jusqu’à dix ans, sois son maître, jusqu’à vingt ans son père, jusqu’à la mort, son ami. Pense à donner de bons principes plutôt que de belles manières. Qu’il te doive une droiture éclairée et non une frivole élégance. Fais le honnête homme plutôt qu’habile homme.
Extraits d’une déclaration de Ch. Sthioul de la Grand Loge de Suisse
La Franc-Maçonnerie et la religion
« […] Rien ne se fait dans les temples maçonniques ou dans les assemblées de frères qui soit contraire à la Morale, aux bonnes mœurs, à la Religion, à la Patrie, bien au contraire.
La Franc-Maçonnerie est caractérisée par ses tenues d’initiations, ses rites divers et par l’étude d’un symbolisme particulier, artisanal, métaphysique et religieux.
Son but est permanent.
La Franc-Maçonnerie n’a donc rien de commun avec une quelconque société secrète à but temporaire et profane, recherchant le renversement d’une autorité ou l’instauration d’un nouveau régime, système ou culte. Bien au contraire, la Franc-Maçonnerie pratique la tolérance dans tous les domaines, dans les limites fixées par la morale et la nécessité de vivre en société sans nuire au prochain.
La Franc-Maçonnerie n’est pas une religion ou une église, bien qu’elle respecte la religion et ne puisse s’en passer si l’on prend ce terme dans son véritable sens étymologique désignant ce qui relie l’homme au transcendant.
Tous ses travaux se font à la gloire du Grand Architecte de l’Univers. Dans les loges qui suivent la tradition de la GRANDE LOGE MÈRE ANGLAISE, la Bible ouverte au premier chapitre de l’Évangile de St Jean est placée sur l’autel de ses temples, comme symbole de la loi morale, ce qui ne signifie pas que les frères doivent appartenir obligatoirement à une église chrétienne ou autre. La Bible peut être remplacée par le Coran ou tout autre livre sacré des Indes ou d’ailleurs selon la religion comme il l’entend, dans l’église de son choix ou comme penseur libre.
Il résulte de ce qui précède que, sans être une église et sans en remplacer aucune, la Franc-Maçonnerie ne s’oppose à aucune forme de religion, à aucune église…
À ce prix, la paix et la cohésion règnent dans les ateliers maçonniques, c’est ce qui rend la Franc-Maçonnerie universelle, grâce aussi à son système symbolique. »
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L’auteur poursuit, à ce propos des tentatives de réconciliation entre la Franc-Maçonnerie et l’Église dont le R.P. Bertelot (jésuite) s’est fait le propagandiste, encore que, de sa part, il ne s’agisse non pas d’une réconciliation mais d’une pacification, terme repris depuis, par Maurice COLINON dans un ouvrage ayant reçu le « Nihil Obstat » et « l’Imprimatur », par Daniel ROPS dans un article de « Carrefour » (29 – 9 – 54), et enfin PIE XII soi-même, par la bande, en son discours au Tribunal de la Rote 6 – 10 – 46) invitant les catholiques à la tolérance civile, politique et sociale à l’endroit des fidèles des autres religions.
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« Comment croire à la sincérité des gestes de réconciliation quand les excommunications papales subsistent » se demande M. STHIOUL, « de bonnes paroles d’apaisement, fussent-elles sorties de la bouche d’un R.P. jésuite, ne remplaceront jamais des faits réparateurs, seule attendus par la Franc-Maçonnerie. Justice doit être rendue.
Comment l’attendre d’une autorité qui se dit infaillible et ne peut se dédire ? Cruel dilemme ! Il n’est pas dans le pouvoir de la Franc-Maçonnerie de le résoudre. En attendant l’heure bénie d’une paix réelle, évitons de part et d’autre tout ce qui pourrait contribuer à rallumer les ressentiments. »
Commentaires
Il ne fait aucun doute, bien que la Franc-Maçonnerie n’exige de ses membres aucune profession de foi, que l’origine spirituelle de l’alliance maçonnique est de nature chrétienne et plus spécialement johannite.
À partir de ce johannisme primitif, une double orientation s’est produite, pour l’Église, déviation vers le « pétrisme », pour la Franc-Maçonnerie, déviation vers le Rationalisme. Nous pouvons situer exactement le problème en disant que la Franc-Maçonnerie ― quelque soit les obédiences ― représente l’aspect ÉSOTÉRIQUE DES RELIGIONS, tandis que l’Église représente l’aspect EXOTÉRIQUE. De là, il est parfaitement compréhensible que la lutte entre Franc-Maçonnerie et Église ne peut être que formelle ; il s’agit uniquement d’une opposition de technique religieuse, dont l’une cherche à dominer l’autre. Nous croyons pouvoir avancer que le jour n’est plus loin ou l’Église et la Franc-Maçonnerie se seront complètement avalées chacune par leur propre queue humaniste (les GRANDES LOGES en sont un signe). Processus inévitable quant aux visées intégratistes syncrétistes de la F.M. Nous sommes au bord terminal, à l’échelle des civilisations, de celle que nous nommons chrétienne, situation extrême où la Franc-Maçonnerie parachève l’assimilation des signes du dernier mythe en cours (mythe christique). Le danger de la Franc-Maçonnerie réside dans ce mécanisme car sa forme d’action occulte imprégnée de cet esprit christique, reporte sur l’avenir les notions mêmes de cet esprit. Il est insuffisant d’éliminer l’aspect formel de la société que nous combattons, il faut en arracher les racines. À cet égard, il s’agit donc bien d’extirper les notions qui forment l’Humanisme issu de la collusion Église-Franc-Maçonnerie. Toute option contraire fausse les rapports de la lutte de laquelle seule doit sortir notre morale, et détruit tout avenir.
À l’intention des lecteurs qui pourraient admettre que, précisément, l’orientation rationaliste de certaines loges (GRAND ORIENT, obédience dont on connaît les protestations antireligieuses) serait un signe par lequel elles pourraient être favorables à nos idées, rappelons que la doctrine maçonnique rationaliste n’a rien changé au fond de ses principes ; qu’elle ait reporté le non du GRAND ARCHITECTE sur celui de l’Humanité, le fond reste le même. N’importe quel texte maçonnique en est la preuve renouvelée.
À ce seul titre, nous aurions pu nous passer de toute cette étude, si nous n’avions désiré dégager, du même coup, les quelques grandes lignes d’option éthiques par lesquelles un état d’esprit anarchiste révolutionnaire devait nécessairement passer pour éviter toute contamination qui le dérouterait.
Jacques
Historique de la Franc-Maçonnerie
[/(voir S. Hutin ― « Les Sociétés secrètes QSJ. 515)/]
Les constructeurs qui détenaient des connaissances spéciales, constituaient depuis la plus haute antiquité (où ils se groupaient en collèges sacerdotaux) une sorte d’aristocratie au milieu des autres corps de métiers. Au Moyen-Âge, ces bâtisseurs de cathédrales et de palais bénéficiaient de la part des autorités ecclésiastiques et séculières de nombreux privilèges (franchises et exemptions diverses, tribunaux spéciaux), d’où le nom de « francs-maçons » (littéralement « maçons affranchis ») par lequel ils étaient désignés. L’Architecture constituait alors l’« Art Royal » dont les secrets étaient divulgués seulement à ceux qui s’en montraient dignes, d’où l’idée d’une sorte d’ŒUVRE SUPRÊME : la construction, par un travail incessant d’un TEMPLE IDÉAL, de plus en plus parfait, immense, universel et infini… De plus, toutes sortes de penseurs en plus ou moins mauvaise posture vis-à-vis de l’ORTHODOXIE (lisons l’Église et la Royauté) notamment les ALCHIMISTES cherchaient refuge parmi les constructeurs (ce qui explique la présence de curieuses figures symboliques sur le portail de nombreux édifices religieux). Le passage de la maçonnerie OPÉRATIVE composée de gens de métier, de constructeurs, à la Franc-maçonnerie moderne, dite spéculative s’opéra en Angleterre, grâce au rôle de plus en plus important joué par ces réfugiés.
C’est vers la fin du XVIe siècle, période troublée qui vit un ralentissement très sensible des grandes constructions, où par voie de conséquence les corporations ce sentir péricliter, qu’en Grande Bretagne, elles admirent dans leur sein des membres qui n’étaient pas des hommes de métier (Maçons acceptés) le plus souvent des personnages influents destinés à rehausser le prestige de l’ordre.
Au début du XVIIe siècle ces personnages étaient assez nombreux ; mais ce furent surtout les ROSE-CROIX anglais qui jouèrent un rôle décisif. Vers 1650, les disciples de Robert FLUDD, dont l’alchimiste E. ASHMOLE, se lièrent en loge avec un certain nombre de théologiens et savants avec lesquels ils organisèrent une société ayant pour but de bâtir « LA MAISON DE SALOMON, temple idéal des sciences » et pour laquelle ils obtinrent de se réunir dans le local des maçons. Peu à peu, cette association des ROSES-CROIX prit dans la maçonnerie un rôle prépondérant : ils y introduisirent leurs symboles et modifièrent profondément le rituel initiatique. Ils y créèrent de nouveaux grades, de nouveaux degrés d’initiation inspirés des anciens ordres de chevalerie (dont l’Écosse était la terre l’élection : de là vient le nom de « RITE ÉCOSSAIS » donné au système des hauts grades) et dont le ritualisme HERMÉTICO-CHRÉTIEN reproduisait des initiations rosicruciennes.
Les « maçons acceptés » devinrent alors de plus en plus nombreux car la classe cultivée trouvait dans les loges, dont les membres s’appelaient entre eux « frères », la mise en application des idées de fraternité sentimentale et des sentiments philanthropiques qui étaient les leurs, jointe à l’attrait des cérémonies secrètes, du symbolisme, des signes de reconnaissance et des mots de passe. De plus, tous les nobles adversaires de Cromwell et des puritains ainsi que les catholiques traqués par les autorités protestantes trouvaient dans les loges un refuge assuré. La Maçonnerie était alors hostile au pouvoir établi.
Après la seconde révolution (1688) et le triomphe de Guillaume d’Orange, un mouvement se fit jour pour faire de la Maçonnerie une institution loyale à l’égard du souverain régnant. Les artisans de cette orientation furent surtout deux pasteurs protestants : Anderson et Desaguliers.
Le 24 juin 1717, quatre loges de Londres fondèrent une GRANDE LOGE chargée d’unifier les règlements de la Maçonnerie. Les nobles et les bourgeois s’y firent recevoir en foule et, peu à peu, les simples artisans disparurent des assemblées où ils se trouvaient dépaysés : La Franc-Maçonnerie n’était plus une corporation de maître d’œuvre mais devenait un corps purement SPÉCULATIF.
Les règlements ou « Constitutions » rédigés par le protestant ANDERSON furent publiés en 1723.
Cette Charte relatait dans sa première partie, soi-disant, l’histoire de la Maçonnerie dont les origines étaient fixées à la Création du Monde ! La deuxième partie donnait les statuts. Ces constitutions d’ANDERSON devinrent bientôt la Charte de la plupart des loges qui propagèrent une doctrine surtout humanitaire, déiste, spiritualiste, ouverte à tous les CHRÉTIENS, quelles que soient leurs confessions, et loyalistes à l’égard du pouvoir établi.
La Franc-Maçonnerie fut introduite en France vers 1730 où elle prit aussitôt un grand développement… et ne devait pas tarder à y traverser une grande crise intérieure. En effet, si le nombre des adeptes devenait de plus en plus important, beaucoup ne s’intéressaient guère qu’aux banquets de clôture et les maçons sincères souhaitaient une réforme. Ce fut le discours du chevalier Michel de RAMSAY qui engagea la Franc-Maçonnerie dans un mouvement tournant. Ami de Fénelon, qui le convertit en 1709 au catholicisme, il prononça ce fameux discours en 1736. Il y exaltait surtout les buts philanthropiques de l’Organisation (la Maçonnerie était définie : « un établissement dont le but unique est la réunion des esprits et des cœurs pour les rendre meilleurs, et former dans la suite des temps une nation spirituelle où, sans déroger aux divers devoirs que la différence des états exige, on créera un peuple nouveau qui, en tenant de plusieurs natures, les cimentera toutes, en quelque sorte, par les liens de la vertu et de la science »). Mais surtout Ramsay développait une légende faisant remonter l’Ordre aux CROISÉS : ce fut ce dernier point qui eut le plus grand retentissement par la multiplication des hauts grades qu’elle provoqua.
Ce fut, dès lors, une véritable prolifération de ces grades, une invasion de doctrines ésotériques. On se mit à rechercher le sens caché des emblèmes et des rites, à développer le thème de la « Parole perdue ». Le CHRISTIANISME ÉSOTÉRIQUE des Rose Croix conservé par quelques initiés y trouva un terrain propice prit possession du rituel en y multipliant les symboles hermétiques.
Quelles que soient donc, jusqu’à cette époque, les influences que subit la Franc-Maçonnerie toutes sont indéfectiblement attachées à des notions prenant leurs sources dans les doctrines religieuses inspirées particulièrement des deux St-Jean. (Lors de son avènement en 1717, la Grande Loge d’Angleterre avait adopté d’ailleurs comme patrons ces deux saints.)
C’est en 1813 que les GRANDES LOGES et le GRAND ORIENT promulguèrent une nouvelle déclaration commune destinée à concilier la FOI RELIGIEUSE avec un idéal de FRATERNITÉ UNIVERSELLE très large, dont la règle fondamentale était la croyance au GLORIEUX ARCHITECTE DU CIEL ET DE LA TERRE et la pratique DES DEVOIRS SACRÉS DE LA MORALE.
C’est sur ces bases purement déistes et MORALISTES que la Maçonnerie anglaise s’est développée dans le monde.
En 1865, le GRAND ORIENT, (apparu en I773) renonce à exiger de ses membres une profession de foi déiste et spiritualiste. En 1845, sous l’influence du positivisme agnostique d’A. COMTE, créateur de la « Religion de l’Humanite », beaucoup de maçons avaient cessé de se référer au GRAND ARCHITECTE de L’UNIVERS, notion qu’ils jugeaient indémontrable, pour se tourner vers un simple humanitarisme.
En 1877, cette tendance fait rupture avec la GRANDE LOGE D’ANGLETERRE.
Le GRAND ORIENT décide la suppression des articles concernant la croyance en Dieu. Cette obédience, dès lors, initia ses adeptes au nom de l’Humanité en place d’une initiation placée sous l’égide du GRAND ARCHITECTE DE L’UNIVERS.
Le GRAND ORIENT accentua cette décision de plus en plus. Une assemblée générale du 21 septembre 1950 déclarait : « l’anticléricalisme plus nécessaire que jamais » et le Convent de 1952 condamnait « l’Église apostolique et romaine » qui poursuit la « réalisation de ses projets d’asservissements de l’esprit à ses dogmes, à ses critères moraux et matériels » et attire contre elle « la grande revanche ».
On peut résumer en disant que la Maçonnerie et l’Église dérivent toutes deux d’une doctrine traditionnelle. De celle-ci la Franc-Maçonnerie primitive a surtout retenu l’aspect HERMÉTICO-CHRÉTIEN d’origine johannique. C’est à partir de ce johanisme primitif qu’une double déviation se produisit, l’une vers le « pétrisme », l’autre vers le rationalisme.
Actuellement nous pouvons donc situer la Franc-Maçonnerie en deux grandes tendances doctrinales : Les GRANDES LOGES s’appuyant sur le johanisme (doctrine christique de St Jean) et le GRAND ORIENT dont les principes ne sont que la transposition laïque de l’hermétisme chrétien.