La Presse Anarchiste

La pensée maçonnique et la nôtre

I. L’état d’esprit révolutionnaire

L’é­tat d’e­sprit révo­lu­tion­naire naît, ― quelque soit l’époque his­torique con­sid­érée ― d’un dés­espoir devant la con­di­tion à laque­lle l’homme est réduit sur la terre, et d’une espérance sans bornes en la méta­mor­phose humaine.

La posi­tion ini­tiale du révo­lu­tion­naire est donc un REFUS cap­i­tal de cette con­di­tion misérable.

Ensuite, vient la prise de con­science qui se traduit en volon­té de s’élever au-dessus de cette con­di­tion. Son refus est donc spé­ci­fique­ment dynamique et objectif.

Com­ment s’opère cette prise de con­science ? Inéluctable­ment par la con­stata­tion qu’il existe entre lui et son but un monde de con­tra­dic­tions stu­pides, un monde de répres­sion qui agit à tous les niveaux de son être : économique, social, moral. C’est l’analyse de ce monde qui le met en posi­tion de RUPTURE et d’AGRESSION.

Tout le dynamisme révo­lu­tion­naire provient donc, à sa source, de la ten­sion entre ces deux pôles : vie quo­ti­di­enne et pos­si­bil­ités virtuelles.

C’est ce qu’a très bien dégagé André BRETON dans tel pas­sage des « Pas per­dus » quand il énonce « La vie humaine ne serait pas cette décep­tion pour cer­tains si nous nous sen­tions con­stam­ment en puis­sance d’ac­com­plir des actes au-dessus de nos forces. »

Nous pen­sons saisir ici l’un des points sen­si­bles à par­tir duquel s’opèrent toutes les manœu­vres de diver­sions, nais­sent toutes les aber­ra­tions ; nous y reviendrons.

Mais alors que cette prise de con­science et ce hausse­ment simul­tané à la RÉVOLTE mèn­era le Sur­réal­isme au com­bat dans ses pro­fondeurs mêmes de l’être afin d’en élargir sans cesse les struc­tures par la poésie et l’in­vestisse­ment de la sen­si­bil­ité, l’A­n­ar­chisme reprenant le même début, s’est ori­en­té ― après une péri­ode de recul très nette dont nous ver­rons qu’elle est due à l’in­flu­ence de la Franc-Maçon­ner­ie ― vers son pro­pre domaine qui est le ren­verse­ment de la con­di­tion faite à l’homme dans le domaine économico-social.

Ces deux aspects du com­bat révo­lu­tion­naire sont insé­para­bles, (et c’est tout le mérite du con­grès con­sti­tu­tif des G.A.A.R. de 1955 d’en avoir souligné l’im­por­tance) pour abor­der le prob­lème de notre atti­tude face à la Franc-Maçonnerie.

Sché­ma­tique­ment, le mécan­isme de la pen­sée révo­lu­tion­naire peut donc s’in­scrire de la façon suiv­ante : Dés­espoir de la Con­di­tion humaine ― Con­science des pou­voirs intimes ― refus de cette con­di­tion ― Option éthique, rup­ture et agres­siv­ité (Révolte et Action directe). Il n’est en dernière analyse que l’ex­pres­sion du besoin intime de cha­cun à vouloir se réalis­er pleine­ment ; autrement dit, une volon­té d’ob­jec­ti­va­tion du Désir.

De ce sché­ma, nous en tirons des con­cepts, notions et lois fix­ant les grandes lignes d’un Human­isme lib­er­taire, lequel se référant à ses pro­pres sources déter­mine à son tour un espace pro­pre à son épanouisse­ment, et une méth­ode pour y parvenir.

Nous pou­vons donc con­sid­ér­er que toute propo­si­tion ten­dant à stop­per ou à détourn­er ce proces­sus, ressor­tit à une atti­tude contre-révolutionnaire.

Ceci étant posé, nous constatons :

L’ex­is­tence d’un cer­tain nom­bre de mou­ve­ments dont la démarche et l’analyse cèdent à l’un ou l’autre endroit de ce mécanisme.

Une analyse plus poussée nous démon­tre que cet aban­don est dû dans TOUS LES CAS à la soumis­sion à une forme de pen­sée dont dérive tout l’Oc­ci­dent con­tem­po­rain et dont l’o­rig­ine est la Religion.

Par une tierce analyse, en ver­ti­cale cette fois, nous con­sta­tons que tous les sché­mas plus ou moins var­iés sur lesquels sont basées les doc­trines de ces mou­ve­ments, ne sont que la trans­po­si­tion du grand sché­ma apposé par la Reli­gion sur la Société.

Nous savons, d’autre part, que la Reli­gion s’ex­prime sous deux formes : L’ÉSOTÉRISME[[Ésotérisme : par­tie d’une doc­trine dont l’en­seigne­ment est réservé aux ini­tiés.]] et L’EXOTÉRISME[[Exotérisme : enseigne­ment des­tiné au pub­lic.]], cha­cune d’elle visant à une con­nais­sance du monde par des moyens différents.

Enfin, nous con­sta­tons qu’en fait quelles que soient ces formes ÉSO ou EXOtériques, et bien sou­vent même par une com­bi­nai­son de celles-ci, il s’érige dans le monde un human­isme d’aspect accept­able, mais dont les principes éthiques ne sont rien moins qu’un matériel de cam­ou­flage per­me­t­tant à tout instant aux églis­es et aux états de jus­ti­fi­er leur domination.

S’il s’ag­it donc en con­clu­sion, eu égard à notre titre, d’établir ici quelques recoupe­ments en pro­fondeur per­me­t­tant de dégager l’aspect antirévo­lu­tion­naire de la Franc-Maçon­ner­ie, nous devons essen­tielle­ment nous main­tenir à l’e­sprit qu’une telle cri­tique s’adresse aus­si bien À TOUTE activ­ité dont l’hu­man­isme qui en dépend se fixe à tels de ces ressorts éthiques décadents.

Nous esti­mons que ce sera dans la mesure ou ce type d’analyse cri­tique pour­ra être exer­cé et poussé assez loin dans tous les domaines de l’ac­tiv­ité humaine et par là, dégager nos démarch­es de toute ten­dance à dévi­er ou à retourn­er au vomi religieux, que nous serons à même de con­stru­ire la Société dont nous rêvons.

II

Con­nais­sant ce mécan­isme de la pen­sée révo­lu­tion­naire et sachant que toute ten­ta­tive pour en détourn­er le cours naturel est sig­ni­fica­tive de la con­tre-révo­lu­tion, une ques­tion dès lors se pose : à savoir pour quelle rai­son de tels glisse­ments peu­vent se pro­duire ou quelle est la source d’une telle aber­ra­tion en ce qui con­cerne la Franc-Maçonnerie.

En ce qui con­cerne les for­ma­tions poli­tiques (P.C., S.F.I.O. et F.C.L. y inclus) nous pou­vons sup­pos­er que le mirage tac­tique est inter­venu c’est-à-dire une volon­té de péné­tra­tion qui com­pose avec le Pou­voir, joue et se laisse pren­dre au jeu, puis mène par habi­tude à l’a­ban­don com­plet de la doc­trine elle-même.

En fait si ce genre de cri­tique est juste, elle demeure super­fi­cielle et, nous le voyons d’emblée, ne peut répon­dre de cer­tains cas, tel celui de la Franc-Maçonnerie.

Par con­tre si nous savons pouss­er l’analyse assez loin nous recon­naîtrons vite que de tels aban­dons restent pos­si­bles dans la seule mesure où une cer­taine TENUE morale, une cer­taine rigueur, une cer­taine hau­teur de ton, un cer­tain sens des valeurs, un cer­tain dynamisme allant sans cesse de soi à la com­mu­nauté et, inverse­ment, un cer­tain sens de L’ENRICHISSEMENT de l’être indi­vidu­el et col­lec­tif, sens qui ne saurait s’ac­com­mod­er de tout ce qui est dépré­ci­atif ou dépres­sif, en un mot : d’une cer­taine ÉTHIQUE fait défaut.

Nous n’en voulons pour preuve que l’ab­sence de ce genre de cri­tique, et même de toute approche large de ce genre de prob­lème, durant toute l’époque, où la doc­trine anar­chiste est demeurée SPÉCULATIVE.

III.La spéculation

Cet aspect a joué un rôle défini­tif dans l’ori­en­ta­tion de la maçon­ner­ie et cela dès son orig­ine. Nous n’in­sis­terons cepen­dant pas ici sur ce car­ac­tère. Il suf­fi­ra de se reporter à la par­tie his­torique de cette con­frérie (en fin d’é­tude) pour en saisir la portée.

Dis­ons seule­ment que toutes les options maçon­niques que nous allons analyser dérivent de la forme spécu­la­tive de son enseigne­ment. C’est-à-dire, l’é­tude pure­ment théorique des choses par oppo­si­tion à l’é­tude pra­tique. (Notons toute­fois que nous n’en­ten­dons nulle­ment par là nier le rôle de l’é­tude spécu­la­tive ; nous visons seule­ment à soulign­er le choix uni­latéral de la Franc-maçonnerie.)

IV.La tolérance et le refus

En régime d’ex­ploita­tion, donc de lutte, il ne peut y avoir de TOLÉRANCE vis-à-vis des exploiteurs et pas davan­tage envers ceux qui par leur atti­tude entre­ti­en­nent incon­sciem­ment la con­fu­sion ; tout au plus peut-on ten­ter d’é­clair­er ces derniers sur leurs erreurs, mais toute ten­ta­tive qui aurait pour but de se con­cili­er les uns et les autres quand bien même ce serait à par­tir d’idées com­munes, ne peut qu’at­ten­ter à l’in­tégrité de la Révolte sans laque­lle aucune Révo­lu­tion n’est possible.

Une éthique qui écarterait cette rigueur dis­crim­i­na­tive retombe fatale­ment « à plat » pour se con­ver­tir en un cer­tain human­isme d’au­tant plus dan­gereux qu’il DÉSAMORCE et finit par détru­ire le désir, soit qu’il en ruine l’im­pul­sion pre­mière, soit qu’il en détourne le cours en le dégradant. Nous avons d’ailleurs noté qu’une des phas­es de la pen­sée révo­lu­tion­naire pas­sait par le REFUS qui, s’il demeure intè­gre, devient généra­teur d’AGRESSIVITÉ.

Telles sont les con­clu­sions aux­quelles inéluctable­ment nous sommes amenés par l’é­tude du com­bat quotidien.

Et, à ce seul titre déjà, la Franc-Maçon­ner­ie se situe d’emblée par­mi les mou­ve­ments confusionnels.

En effet, que se passe-t-il ? : d’une part, nous savons que le dynamisme révo­lu­tion­naire en rai­son même de sa genèse doit vis­er sans cesse à accroître une cer­taine ten­sion pro­fonde inhérente à l’homme : ten­sion entre le sen­ti­ment qu’il existe au plus pro­fond de lui un monde de pos­si­bil­ités illim­itées et entre la réal­ité quo­ti­di­enne qui par sa struc­ture morale et économique tend à étouf­fer, détru­ire ou sub­limer en tout cas à ren­dre inef­fi­cace ce besoin d’é­panouisse­ment (désir).

(Ce qui laisse assez enten­dre qu’une action réelle­ment révo­lu­tion­naire si elle doit ten­dre à ren­vers­er le cadre coerci­tif de la société doit aus­si chercher à éclair­er ces domaines intérieurs, à généralis­er leur prise de con­science, et par là, don­ner l’im­pul­sion néces­saire au ren­verse­ment final.)

Or, d’autre part, la Franc-Maçon­ner­ie par­tic­i­pant en cela de l’hu­man­isme chris­tique sup­prime cette ten­sion pri­mor­diale. Avec sa méth­ode con­cil­i­atrice, tolérante, elle ne cherche qu’à créer un MOYEN TERME d’en­tente qui à coup sûr, ne peut être que DÉPRÉCIATIF. Elle n’au­ra de ce fait que réus­si à créer un état con­fu­sion­nel ne pou­vant servir que les intérêts de ceux con­tre qui nous lut­tons et la Franc-Maçon­ner­ic elle-même pré­tend lutter.

La Franc-Maçon­ner­ie a oublié que par l’ex­em­ple, l’ex­al­ta­tion du libre arbi­tre faite sans con­damna­tion rad­i­cale de la reli­gion (et nous savons qu’en dépit de la con­damna­tion qu’elle en fait, elle la per­pétue par son human­isme) ne fait qu’ex­al­ter à son tour la morale religieuse, assure la puis­sance des églis­es, rend indis­pens­able leurs rites et les pra­tiques dont elles font un si bon rapport.

C’est ce rôle CONFUSIONNEL d’une pré­ten­due « tolérance » que nous esti­mons être à la base des erreurs graves qui sont com­mis­es en son nom dans les milieux que nous pour­rions croire les plus aptes à défendre nos opin­ions. Il nous sem­ble donc utile à l’in­ten­tion de ceux qui ne man­queraient pas de vouloir nous oppos­er à nous-mêmes sur cette ques­tion d’en dis­siper tout malentendu.

Nous rap­pellerons donc cette phrase sim­ple et directe d’un empereur romain (per­sé­cu­teur de chré­tiens) qui situe nous sem­ble-t-il assez bien les nuances « il ne doit pas y avoir de lib­erté pour les enne­mis de la Lib­erté » enten­dant par là et par­ti­c­ulière­ment en ce qui con­cerne la lutte antire­ligieuse qu’il ne peut être accordé de tolérance à ceux-là mêmes qui la refusent aux autres.

Ajou­tons que ceci ne doit nulle­ment s’op­pos­er au principe de la libre dis­cus­sion encore que nous soyons net­te­ment con­va­in­cus qu’il ne puisse y avoir libre dis­cus­sion avec des gens qui A PRIORI font repos­er leurs options sur une révéla­tion quel­conque ou une infail­li­bil­ité papale et qui, de ce fait, se refusent et se refuseront tou­jours à met­tre en cause libre­ment telle ou telle de leurs déc­la­ra­tions dog­ma­tiques dont nous savons qu’elles con­stituent le moteur de leur action et enga­gent, par elles, la des­tinée collective.

Nous dirons donc que, vis-à-vis des enne­mis de la Tolérance, il ne peut être opposé qu’un refus agres­sif. Toute autre atti­tude ne con­court qu’à ren­dre plus AMBIGUË l’ac­tion des forces en présence ; et soyons cer­tains que les équiv­o­ques qui en résul­tent fatale­ment ― au stade le plus pure­ment lit­téraire ― sont habile­ment util­isées par ceux-là mêmes qui les recherchent. (Le Jésuit­isme en est une des formes la plus accom­plie). La cor­rup­tion, tant en valeur lin­guis­tique qu’en valeur ontologique des principes maçon­niques bien con­nus : LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ, par­ticipe du même proces­sus. Elle n’est le fait que de cet Human­isme qui frappe d’in­er­tie tout ce vers quoi il se porte, parce qu’il ne sait, ni ne veut pren­dre mesure entière­ment et per­met ain­si les inter­pré­ta­tions les plus con­tra­dic­toires jusqu’à la dilu­tion la plus complète.

V.Source de cette ambiguïté dans la Franc-Maçonnerie

Elle nous sem­ble entière­ment repos­er sur des inter­pré­ta­tions aber­rantes de la dou­ble assise dont se récla­ment les francs-maçons. Rap­pelons, en effet, que ces derniers enten­dent étay­er leur Human­isme à la fois sur une tra­di­tion et sur la sci­ence et que c’est l’a­justage de ces deux courants qu’ils enten­dent tir­er une posi­tion spé­ci­fique­ment et his­torique­ment humaine. Méth­ode qui, n’hési­tons pas à le dire serait excel­lente, si, pour tenir compte encore et tou­jours de sa « tolérance » (dans le sens où elle veut con­cili­er), la Franc-Maçon­ner­ie ne faus­sait sci­em­ment, pour cer­taines « obé­di­ences », incon­sciem­ment pour d’autres, l’in­ter­pré­ta­tion de ces sources.

Nous allons voir com­ment, en analysant plus longue­ment une des déc­la­ra­tions com­munes de toutes les loges, et selon laque­lle la Franc-Maçon­ner­ie, ayant pour elle le temps, ou demeu­rant tou­jours égale à elle-même et cer­taine de son excel­lence parce que forte de sa bonne foi, par­donne éter­nelle­ment à ses enne­mis ; elles sig­ni­fient qu’elles espèrent éten­dre leurs principes à l’Hu­man­ité, peu à peu, par une lente péné­tra­tion, et quelque soit le temps qu’il leur fau­dra. Autrement dit, que la Franc-Maçon­ner­ie entend se situer en dehors du temps. Ce qui, en pas­sant, est la réplique exacte dans le domaine de l’en­ten­de­ment, du réformisme économique et poli­tique pré­con­isé par l’ensem­ble des mou­ve­ments « social­istes » et « com­mu­nistes » et sig­ni­fie la con­damna­tion des con­cepts de lutte de classe, d’ac­tion directe et de Révo­lu­tion. Con­damna­tion net­te­ment pré­cisée, par ailleurs dans dif­férents textes maçonniques.

C’est cette sit­u­a­tion EXTRA TEMPORELLE de la Franc-Maçon­ner­ie qui nous a paru le mieux expli­quer son Human­isme liqué­fi­ant et son renon­ce­ment à toute forme directe de combat.

VI. Le temps et la maçonnerie.

a. L’aspect scientifique

Pen­dant le siè­cle dernier, on a beau­coup insisté sur la nation de trans­for­ma­tion con­tinu de toutes choses. Le Dar­win­isme fut la théorie à la mode et il influa sur les théories poli­tiques et sociales. Chez les indi­vidus, dans les espèces, et par­ti­c­ulière­ment dans l’e­spèce humaine, on mit au pre­mier plan le rôle d’une évo­lu­tion indéfin­i­ment pro­gres­sive. Cette thèse tendait à dimin­uer sinon à nier la valeur des espèces, caté­gories et autres entités dont la réal­ité fut envis­agée comme transitoire.

À tra­vers les aspects momen­tanés émergeait l’idée de la trans­for­ma­tion lente et inces­sante.

Ce n’est qu’un peu plus tard que l’in­ves­ti­ga­tion sci­en­tifique vint prou­ver l’im­por­tance du mécan­isme con­traire essen­tielle­ment discontinu.

Or, la nais­sance d’une civil­i­sa­tion (puisque, en fait, ce à quoi nous ten­dons tous, révo­lu­tion­naire­ment par­lant, est de dégager les ter­mes d’une nou­velle société, donc de con­tribuer à l’élab­o­ra­tion, à la nais­sance d’une nou­velle civil­i­sa­tion) entité définie, et sta­ble, s’in­scrit dans la courbe sans fin du pro­grès humain.

Il suf­fit d’ex­am­in­er quel phénomène naturel pour com­pren­dre le fait par voie d’homologie.

Remar­quons par exem­ple, nous dit le Dr P. MABILLE (Egré­gore, 1938, Ed. Flo­ry), com­ment se com­porte une solu­tion cristalline quel­conque, lorsque l’on change les con­di­tions de l’ex­péri­ence. À la vari­a­tion pro­gres­sive de la tem­péra­ture, de la pres­sion, de la con­cen­tra­tion, cor­re­spond la vari­a­tion cor­réla­tive des pro­priétés de la solu­tion. Mais, à un cer­tain moment il y a RUPTURE de ce par­al­lélisme et CHANGEMENT BRUSQUE D’ÉTAT.

Ain­si, ajoute-t-il, qu’il s’agisse d’un organ­isme ani­mal, d’un régime social ou poli­tique, d’une civil­i­sa­tion, l’évo­lu­tion con­tin­ue ou ryth­mique, ne pour­ra se faire qu’à l’in­térieur de bornes bien pré­cis­es ; au-delà, une muta­tion brusque inter­vien­dra (voir théorie de James Guil­laume citée dans l’ar­ti­cle précédent).

À nos regards, la Franc-Maçon­ner­ie, à la suite de ces con­sid­éra­tions, en est donc restée au stade de la stricte et étroite inter­pré­ta­tion dar­wini­enne de l’évolution.

On com­prend mieux, dès lors, sa répug­nance (con­forme, nous le savons, à tout mou­ve­ment qui veut agir dans le cadre en place, donc red­oute et rejette toute ten­ta­tive de RUPTURE) à con­sid­ér­er la lutte de classe par exem­ple, lit­térale­ment comme moteur à EXPLOSION visant au change­ment brusque d’é­tat, à con­sid­ér­er l’ac­tion directe comme réal­i­sa­tion immé­di­ate du désir con­jugué d’EN FINIR et de CRÉER.

Autrement dit, la Franc-Maçon­ner­ie s’in­spi­rant du car­ac­tère LENT assigné au trans­formisme par les insti­ga­teurs de cette théorie, croy­ant en cela adhér­er du plus près pos­si­ble à la sci­ence et ain­si démon­tr­er (d’une façon après tout assez for­mal­iste) la sûreté de sa démarche, enseigne que tout pro­grès humain est néces­saire­ment, NATURELLEMENT LENT. Ce qui, du coup, jus­ti­fie à ses yeux son option pour l’évo­lu­tion sociale con­tre la Révo­lu­tion. Une phrase lue quelque part situe assez bien cet aspect : Tout se passe pour elle (la Franc-Maçon­ner­ie) en péri­ode d’at­tente et d’instruction.

C’est donc du point de vue sci­en­tifique, à par­tir d’une théorie dont elle tire une con­clu­sion hâtive, qu’elle tend à jus­ti­fi­er sa pensée.

b. l’aspect traditionnel.

Désir­ant ajuster l’en­seigne­ment tra­di­tion­nel avec ses con­clu­sions sci­en­tifiques, nous allons ten­ter de démon­tr­er que pour cela, elle fausse cet enseigne­ment en don­nant une inter­pré­ta­tion visant à la con­fir­ma­tion du car­ac­tère LENT qu’elle a cru décou­vrir dans la science.

Ce vouloir de syn­thé­tis­er les deux courants d’en­seigne­ments, nous ne le cachons pas, est louable. Mais, empres­sons-nous d’a­jouter que nous ne le con­cevons qu’en marche avec le com­bat ; nous voulons par­ler ici, et entre autres de l’aspect INITIATIQUE de ce courant tra­di­tion et en par­ti­c­uli­er de sa forme anci­enne ALCHIMIQUE.

Or, l’ALCHIMIE, au point d’analyse le plus avancé qui nous soit per­mis actuelle­ment, si elle a été avant tout une col­lab­o­ra­tion entre l’homme et la nature, col­lab­o­ra­tion ayant pour but de percer les secrets de cette nature, et d’en tir­er une leçon con­venant à la fois, analogique­ment, à un per­fec­tion­nement sci­en­tifique et moral du prati­cien, il est néces­saire de soulign­er que, par son car­ac­tère d’IN­TER­VEN­TION dans l’œu­vre de la nature, l’alchimiste entendait pré­cip­iter le rythme de cette œuvre.

C’est donc, spé­ci­fique­ment une col­lab­o­ra­tion DYNAMIQUE qui entend ACCÉLÉRER l’œu­vre de la nature, autrement dit, une lutte CONTRE LE TEMPS : Par ces tech­niques, son per­fec­tion­nement, l’homme veut se SUBSTITUER peu à peu au TEMPS ; son désir, toutes ses forces créa­tri­ces tirées de cette leçon, le poussent à rem­plac­er l’oeu­vre du temps (ELIADE, Forg­erons et Alchimistes 1956). Nous voyons com­bi­en cette tra­di­tion alchimiste, reprise dans l’ini­ti­a­tique de la Franc-Maçon­ner­ie, s’op­pose en fait au pos­tu­lat que d’un autre côté, elle a repris des théories sur l’évo­lu­tion darwinienne.

Autrement dit et en résumé, d’une part, son inter­pré­ta­tion sci­en­tifique est dépassée et, d’autre part, son inter­pré­ta­tion du meilleur courant tra­di­tion­nel est faussée.

Il est utile de se deman­der, dans ces con­di­tions, quel est le résul­tat. Il est bien sim­ple : il est la réplique inté­grale des sché­mas util­isés par les églises.

VII. Église et Franc-Maçonnerie.

C’est d’abord et en effet, un fait bien con­nu, que l’Église catholique, (pour ne par­ler que de la plus représen­ta­tive) entend situer elle-même son com­bat sur un plan « extratem­porel ». Pour elle, le temps qu’il lui fau­dra pour arriv­er à con­quérir le monde lui importe peu. Elle a la con­vic­tion d’y par­venir et y emploie tous les moyens, dont le meilleur est incon­testable­ment l’as­sim­i­la­tion tran­si­toire des doc­trines et opin­ions qu’on lui oppose ; c’est pourquoi nous voulons voir dans la méth­ode de lutte antire­ligieuse pra­tiquée par cer­taines loges maçon­niques une espèce de com­bat de dupes d’où L’Église sort et sor­ti­ra tou­jours vic­to­rieuse. Avec elle, on ne peut ATTENDRE et DISCUTER, car cette dis­cus­sion lui sera tou­jours prof­itable. Les exem­ples de ces prof­its ne mar­quent pas : Rap­pelons les débuts du ratio­nal­isme le plus aride, la psy­ch­analyse (psy­ch­analyse chré­ti­enne !), les ten­ta­tives, renou­velées pour annex­er à son prof­it les poètes « révoltés ».

La grande erreur est alors de croire que cette absorp­tion con­tribue à détru­ire la nociv­ité de l’église ; que peu à peu, et ain­si pense la Franc-Maçon­ner­ie, l’Église ne sera plus l’Église, car, avec le temps, toute sa doc­trine aura été mod­i­fiée rad­i­cale­ment par celle qu’on lui aura fait absorber.

L’His­toire nous mon­tre au con­traire que, dès l’in­stant où nais­sent de nou­velles tech­niques, doc­trines, etc. desquelles on pou­vait préjuger qu’elles son­neraient le glas des églis­es, ces dernières ne s’en trou­vaient que mieux por­tantes, ce qui repous­sait sans cesse l’échéance de leur chute. Nous ne pou­vons oubli­er que tous les meilleurs fer­ments antire­ligieux de l’An­tiq­ui­té, ont été pro­pre­ment anni­hilés par l’Église par ce mécan­isme d’as­sim­i­la­tion. Et c’est encore ici que nous devons accuser la Franc-Maçon­ner­ie d’avoir, en quelque sorte, ren­du prop­ice cette sorte de trans­fert au prof­it de sa soi-dis­ant « enne­mie » : en inter­pré­tant tout le sym­bol­isme antique à l’aide du sym­bol­isme chré­tien, dont elle est imprégnée du fait même des influ­ences qu’elle a subies au cours de son his­toire et en rai­son directe de sa con­cep­tion de la tolérance (voir par­tie historique).

C’est ce que nous voulons main­tenant exprimer en par­lant d’un désamorçage en profondeur.

DÉSAMORÇAGE EN PROFONDEUR : voyons un des points sen­si­bles où se rejoignent cette fois-ci absol­u­ment tous les mou­ve­ments poli­tiques et toutes les reli­gions délibéré­ment, ou par une incon­science impar­donnable, à force de vouloir soumet­tre la sym­bol­i­tique humaine à leur code ou à leurs pro­pres sym­bol­es, et peu à peu, de généra­tion en généra­tion, nous assis­tons à une dégra­da­tion de plus en plus pro­fonde des impul­sions, à la créa­tion d’un état d’e­sprit qui a rompu avec toute spon­tanéité, toute fraîcheur, au point d’in­stau­r­er un sec­ond et faux « naturel » que finale­ment per­son­ne n’au­ra plus l’idée de met­tre en cause.

Les méth­odes maçon­niques et religieuses ne dif­fèrent guère sur ce point. Que les loges du GRAND ORIENT aient rem­placé Dieu par la Rai­son pure, que les GRANDES LOGES et les ÉGLISES con­tin­u­ent de tout sub­or­don­ner à DIEU, nous n’y devons voir qu’une dif­férence de vocab­u­laire ; la même, quant à nous, anar­chistes, que nous déga­geons entre la notion de patrie bour­geoise et d’«État pro­lé­tarien » avec tout ce que ces notions entraî­nent d’aber­rant dans tous les domaines humains. C’est une ques­tion formelle, le fond reste iden­tique. Ce par­al­lèle étant tracé et si nous ne nous éton­nons plus de l’échec de la Révo­lu­tion russe vain­cue de l’in­térieur par la sur­vivance de la sym­bol­ique chré­ti­enne, (sur­vivance voulue et dévelop­pée par le P.C. et sans laque­lle, jamais il n’au­rait pu régn­er, jamais dans le monde, devons-nous même dire, aucun principe d’Au­torité ne pour­rait sur­vivre) nous ne devons pas nous éton­ner davan­tage si cer­taines options anar­chistes « sen­ti­men­tales » ont con­tribué à l’ef­fon­drement de la pen­sée lib­er­taire, au rac­cour­cisse­ment de sa portée, à l’é­parpille­ment de son éthique, dont toute sen­si­bil­ité réelle et tout ce qu’elle sous-entend d’ex­i­gence a été reporté dans le domaine de l’ab­strait. (On sait com­bi­en ce trans­fert dans l’ab­strait est utile aux églis­es : toute l’his­toire du par­adis y est incluse ; de même pour la Franc-Maçon­ner­ie qui, nous l’avons vu avec le TEMPS, compte ingénu­ment avec ce dernier.) Nul mieux, puisque nous venons de par­ler « par­adis », ne fix­era ce que nous enten­dons par DÉSAMORÇAGE en pro­fondeur, les quelques con­sid­éra­tions que nous désirons faire main­tenant sur ce seul mot de « paradis ».

Tout être humain porte en soi et ressent cette nos­tal­gie d’un temps, d’une époque ou d’un lieu, jamais bien défi­ni, qui exprime tout ce qui pour­rait être pais­i­ble, de bien-être, d’ex­al­tant, de mer­veilleux, en fin de compte, ce que nous avons nom­mé au début de cette étude : le désir réal­isé, l’é­panouisse­ment max­i­mum des fac­ultés de l’être humain. On s’imag­ine facile­ment la for­mi­da­ble force de RUPTURE que représen­terait cette image du par­adis, si le désir qu’elle con­tient et exprime, dès l’in­stant où elle parvient à la con­science, se propageait à l’é­tat pur dans le monde. Qu’il nous suff­ise de songer à l’élan irré­press­ible qui porte deux êtres qui s’ai­ment l’un vers l’autre. (Les cod­i­fi­ca­tions laïques et religieuses en sont les canal­i­sa­tions). Or, qu’ad­vient-il de cette image ? D’une part, nous voyons l’Église, les reli­gions, la fauss­er délibéré­ment en l’in­ter­pré­tant comme celle d’un par­adis per­du par un pêché orig­inel, par­adis irrécupérable en ce monde, acces­si­ble seule­ment dans la mort et à con­di­tion d’y avoir renon­cé ici-bas. Nous savons ce qui s’en­chaîne à cette for­mule ! D’un autre côté, nous voyons tout un human­isme paré du nom « laïque » dont celui de la Franc-Maçon­ner­ie pré­cisé­ment, piétin­er dans une spécu­la­tion idéal­iste, ten­dre à l’a­juster à des con­cep­tions paralysantes, à l’in­té­gr­er à un idéal vaseux dont on dis­cute éter­nelle­ment ; en un mot, en reculer sans cesse les bornes.

Un autre aspect de la dégra­da­tion de cette image qui n’ap­pelle aucun com­men­taire : celui du par­adis soviétique.

Quant à l’as­sas­si­nat sub­til qu’en fait le Cap­i­tal­isme en général, qu’il suff­ise de penser aux invraisem­blables stu­pid­ités qui nous en parvi­en­nent : la radio par le canal des romances, le ciné­ma avec son faux exo­tisme (le « par­adis océanien ») berceur et pour­ri et qui est encore le meilleur sopori­fique mis au point par la psy­cholo­gie améri­caine. Que l’on se sou­vi­enne des évo­ca­tions du « bon vieux temps », de la « belle époque », de l’at­ti­rance pour les îles, Haïti, princes exo­tiques, Ori­ent roman­tique, vie de mil­liar­daires, monde de rêver­ie désar­mant bien apte à faire accepter les vies, à les accom­mod­er et à jus­ti­fi­er l’idée du par­adis inaccessible.

Est-il besoin de pour­suiv­re pour démon­tr­er le gigan­tesque atten­tat à l’in­tégrité men­tale qui se per­pétue de cette façon ; cet abêtisse­ment du désir humain par les plus abjectes trans­po­si­tions. Or la F.M. par­ticipe à ce tra­vail, non qu’elle propage elle-même les idées que nous venons de relever mais, en rai­son, non seule­ment de son inaltérable besoin « XIXe siè­cle » d’être raisonnable, de syn­cré­tis­er, de tolér­er, pour pou­voir con­cili­er, donc d’ou­vrir toutes les portes à l’en­ne­mi, mais aus­si et surtout de par son attache­ment à la tra­di­tion her­méti­co chré­ti­enne d’au­toris­er les églis­es à opér­er ces trans­ferts dégradants. Nous voulons voir dans ce désamorçage insi­dieux une des atteintes les plus graves qui aient jamais été per­pétrée con­tre l’homme au niveau même de la source où pour­rait se dévelop­per le sens d’une sol­i­dar­ité naturelle.

« Car, en fait, s’il existe une sol­i­dar­ité totale du genre humain, elle ne peut être sen­tie et ACTUÉE qu’au niveau des « images » dit M. ELIADE (Images et Sym­bol­es). Et ceci est telle­ment vrai qu’il « suf­fit de faire appel à l’élan religieux ou patri­o­tique (élans grands con­som­ma­teurs d’im­ages et de sym­bole fal­lac­i­eux, comme on sait) pour que chaque fois la com­mu­nauté inter­na­tionale se trou­ve dis­so­ciée. » (Dr P. MABILLE)

VIII. Conclusions générales

Les dif­férentes philoso­phies offi­cielles, occultes ou non, qui se sont suc­cédé, par­tent toutes de la doc­trine spir­i­tu­al­iste chré­ti­enne. Dieu y est quelques fois rem­placé par la Rai­son pure ; ce n’est qu’une dif­férence de vocabulaire.

En fait, tous les efforts de con­science ten­tés depuis le XVIe siè­cle expri­ment la volon­té bour­geoise d’amé­nag­er le chris­tian­isme en fonc­tion de l’évo­lu­tion sci­en­tifique et des trans­for­ma­tions sociales.

Gar­di­enne des instru­ments rit­uels, des sym­bol­es que l’Église a util­isés au cours de son his­toire, après les avoir repris à l’An­tiq­ui­té, en les adap­tant à son pro­pre usage, la Maçon­ner­ie ne dif­fère en rien, par le fond, des con­cep­tions chré­ti­ennes. Ses con­cep­tions du monde et de l’homme ne dif­fèrent pas de celles de christianisme.

Le même dual­isme y sévit. Toute­fois, on y fait plus con­fi­ance à la lib­erté per­son­nelle et à la pos­si­bil­ité d’une évo­lu­tion morale autonome. Nous devons recon­naître, qu’en fait, cette atti­tude ne peut être val­able en rai­son de la tolérance revendiquée à la base de sa démarche, tolérance qui en défini­tive, autorise par le biais, la péné­tra­tion religieuse dans les con­sciences et per­pétue son virus.

His­torique­ment la Franc-Maçon­ner­ie, asso­ci­a­tion occulte, a surtout cristallisé les résis­tances aux exac­tions et aux empiéte­ments des jésuites, du moins jusqu’à une cer­taine péri­ode, puisqu’en dernières instances, la plu­part des loges sont sous la coupe de ces derniers (à titre indi­catif, voir en fin de numéro une déc­la­ra­tion d’un « frère » de la Grande Loge suisse).

Pour cela, elle a lut­té dialec­tique­ment con­tre l’om­nipo­tence des dits jésuites, c’est-à-dire qu’elle a été amenée à employ­er sou­vent les mêmes armes et à rechercher la maîtrise religieuse à son profit.

Toute cette lutte s’est bornée à une rival­ité de clans, à un affron­te­ment d’ap­pétits (lutte de l’en­seigne­ment eso ou exotérique.)

De ce point de vue, l’is­sue de cette bataille labyrinthique ne peut faire aucun doute (enten­dons : dans les pro­fondeurs). Elle con­sacr­era inévitable­ment la vic­toire de l’Église. Car, nous esti­mons (et cela est la base même de la pen­sée anar­chiste qui s’est tou­jours démon­trée his­torique­ment) qu’il n’est pas pos­si­ble de pré­par­er une Révo­lu­tion réelle et d’asseoir une nou­velle civil­i­sa­tion en reprenant les tra­di­tions, les sché­mas (mythes, sym­bol­es, images) sur lesquels ont reposé les précé­dentes struc­tures. Ten­ter de mod­i­fi­er ces dernières par un « social­isme » de l’e­sprit, c’est à dire en comp­tant avec le temps, ne con­tribue qu’à les per­pétr­er sous un autre aspect, à les enracin­er de plus en plus large­ment en les gref­fant sur des formes laïques, donc à les généralis­er d’au­tant plus dan­gereuse­ment, car la teinte d’u­ni­ver­sal­ité que l’on con­tribue ain­si à leur don­ner, tend à les faire admet­tre comme essen­tielle­ment val­ables et jette la con­fu­sion, ce qui, par un retour nor­mal des choses raf­fer­mit inévitable­ment les posi­tions des églis­es dans le monde et main­tient leur pérennité.

À une telle atti­tude, nous ne pou­vons oppos­er qu’un refus caté­gorique et agres­sif, c’est à dire, en ter­mes dynamiques, la RUPTURE et la LUTTE.

La tache d’une maçon­ner­ie qui voudrait rester un mou­ve­ment de francs-maçons, c’est à dire par une reval­ori­sa­tion mod­erne de l’é­ty­molo­gie de ce terme, autrement dit, par une re-sit­u­a­tion dans le temps de son accep­ta­tion, devrait être un Mou­ve­ment de CONSTRUCTEURS (maçons) AFFRANCHIS (de tous préjugés) dont la fonc­tion serait, par la voie occulte qu’elle s’est choisie, et dans le sens de la lutte, d’ini­ti­er les indi­vidus à une vie AUTRE, à leur don­ner plus de con­science de leurs pou­voirs intimes, à dif­fuser les ondes prop­ices à la mise à jour d’un mythe nou­veau. Qu’est-ce à dire, sinon qu’à choisir une telle atti­tude, elle devrait se situer par rap­port à la néces­sité de la lutte sur tous les fronts, sub­stituer à la tolérance-clé de son réformisme académique le REFUS donc à l’in­ter­pré­ta­tion qu’elle fait de l’évo­lu­tion, une dynamique qui puis­erait ses forces dans le com­bat d’ac­tion directe (ce qui pré­sume la recon­nais­sance de la lutte de class­es) action ne pou­vant être inter­prétée ou déviée hors de la ligne rapi­de et courte que trace le désir vers son objec­ti­va­tion à une cer­taine tra­di­tion ini­ti­a­tique l’en­seigne­ment puisé dans ce com­bat, dans la sol­i­dar­ité et la volon­té d’é­panouisse­ment, illim­ité de la vie. En un mot en sub­sti­tu­ant, d’emblée, à la racine et face aux forces coerci­tives religieuses ou autres L’AGRESSIVITÉ à la tolérance.

En fait, nous le voyons bien, une telle démarche sig­ni­fierait sa trans­for­ma­tion en un mou­ve­ment révo­lu­tion­naire, donc, sa dis­pari­tion inévitable en tant que Franc-Maçon­ner­ie spéculative

C’est évidem­ment ce con­tre quoi s’élève plus haut, par la voix de celui qui l’a mar­qué jusque dans ses fonde­ments tout au cours de son his­toire, le Christianisme.

Que celui-ci emploie, pré­cisé­ment le même ton de protes­ta­tion hor­ri­fié envers ce qui con­stitue l’é­tat d’e­sprit révo­lu­tion­naire, et ce sera notre con­clu­sion, ne peut que nous apporter con­fir­ma­tion du nuis­i­ble total de l’Hu­man­isme qui en dépend.

Jacques

Post-Scriptum

Nous jugeons utile d’ap­porter quelques pré­ci­sions au sujet de L’AGRESSIVITÉ à l’in­ten­tion des F.M. eux-mêmes. Car c’est bien de ce principe, une fois recon­nu le car­ac­tère désolant de la con­di­tion humaine d’où part la révolte con­tre les formes sociales et men­tales qui con­stituent et main­ti­en­nent ce car­ac­tère, que naît la ten­sion néces­saire au ren­verse­ment de l’or­dre subi. Nul mieux, en effet, ne s’op­pose au TEMPS dans le sens où nous l’avons enten­du au cours de cette étude, que l’én­ergie d’a­gres­sion qui est source d’u­nité et de vitalité.

« Le temps de l’a­gres­sion est tou­jours droit, tou­jours dirigé, aucune, ondu­la­tion ne la courbe, aucun obsta­cle ne le fait hésiter, il est tou­jours homogène à l’im­pul­sion première. »

« Le temps de l’a­gres­sion est pro­duit par l’être qui attaque sur le plan unique où l’être veut affirmer sa vio­lence. L’être agres­sif n’en­tend pas qu’on lui DONNE LE TEMPS, IL LE PREND, IL LE CRÉE. » (G. Bachelard, « Lautréa­mont », Cor­ti Éd.)

Et ce qui nous sem­ble tout aus­si impor­tant, « l’a­gres­siv­ité apporte », ajoute le Pr, Bachelard, « des instru­ments d’at­taque adap­tés », elle nous parait ain­si, une des jus­ti­fi­ca­tions de l’ac­tion directe, car elle est pos­i­tive­ment ren­ver­sante et objec­tive. C’est unique­ment à par­tir d’elle que l’on peut dire que l’ac­tion crée sa forme et est donc essen­tielle­ment METAMORPHOSANTE à la fois de l’in­di­vidu qui ain­si se réalise et de l’ob­jet-but qu’il s’est choisi selon son désir. 


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