La Presse Anarchiste

À travers les livres

L’hy­giène du loge­ment, par PAUL JUILLERAT. — Petit vol­ume de 222 pages, 1 fr. 50, de la Col­lec­tion d’hy­giène pra­tique et famil­iale. Librairie Delagrave.

M. Paul Juiller­at, chef
de bureau des loge­ments insalu­bres de Paris, nous donne dans ce
vol­ume des ren­seigne­ments pré­cieux sur l’état
d’en­com­bre­ment dont souf­frent cer­tains immeubles de la « Ville
lumière » et il apporte de bons con­seils sur ce que
devrait être un loge­ment hygiénique. Il attaque avec
infin­i­ment de rai­son tout ce qui dans une mai­son soulève,
recèle de la pous­sière, il décou­vre avec
per­spi­cac­ité les moin­dres caus­es de l’hu­mid­ité, et
pré­conise avec con­vic­tion le règne de la lumière,
du soleil en tout et partout. Tout cela ne serait rien de bien
nou­veau si l’au­teur s’en était tenu à faire une
cam­pagne de salubrité pure­ment théorique, à
car­ac­tère général, comme le font à peu
près tous les hygiénistes. Non, M. Juiller­at examine
tour à tour, avec minu­tie et sans vaine sci­ence, ce qui
con­stitue un apparte­ment, tout ce qui per­met d’y vivre … ou d’y
tomber malade. Ori­en­ta­tion, ven­ti­la­tion, chauffage, eau, éclairage,
éloigne­ment des matières usées, chambres,
cuisines, lit, meubles, tapis­series, rideaux, par­a­sites de l’homme et
du logis, fleurs, etc., etc., tout est passé en revue et,
encore une fois, fort judicieusement.

Nous ne retien­drons dans
cette petite notice qu’un point plus spé­ciale­ment intéressant
pour nous.

Paris compte 80.000
maisons. Toutes ces maisons, depuis une quin­zaine d’années,
ont leur casi­er san­i­taire. Un pre­mier dépouille­ment du dossier
a per­mis de con­stater, du 1er jan­vi­er 1894 au 31 décembre
1904, que plus du tiers des décès par tuber­cu­lose se
pro­dui­saient dans 5.263 maisons, c’est-à-dire que 6,58 %
des habi­ta­tions don­naient à elles seules 38 % des décès
par phtisie pul­monaire, autrement dit une pro­por­tion six fois plus
forte que la moyenne générale des maisons. La
tuber­cu­lose est net­te­ment local­isée, ajoute Juiller­at, dans
les ruelles som­bres, dans les quartiers pau­vres, et cela prou­ve une
fois de plus que le peu­ple est fauché lente­ment et sûrement
dans ses turnes mal­saines, en par­ti­c­uli­er par le manque de soleil et
d’air, tan­dis que la bour­geoisie prospère et évite
presque totale­ment la tuber­cu­lose dans ses belles vil­las, construites
pour­tant par ce même peu­ple de pro­duc­teurs. La vie des ouvriers
sera respec­tée, non pas à force de réglementer
les con­di­tions d’habi­ta­tion, mais lorsqu’ils garderont pour eux les
pro­duits de leur tra­vail, les belles maisons bien situées et
con­fort­a­bles, et qu’ils auront procédé à
l’ex­pro­pri­a­tion de ce que leur ont enlevé les dirigeants
parasites.

Chi­canerai-je pour finir
M. Juiller­at, en lui dis­ant en out­re que ses avis éclairés
sur l’arrange­ment des cham­bres à couch­er, cab­i­nets de
toi­lette, fumoirs, cab­i­nets de tra­vail, salles de bains, sur la
néces­sité d’as­sur­er l’é­vac­u­a­tion des buées
et des gaz délétères, et ain­si de suite,
n’au­ront de valeur que pour des gens aisés ; et que pour
nous, le droit à l’ai­sance est encore à conquérir,
qu’on ne nous le don­nera pas, mais qu’il fau­dra l’en­lever de haute
lutte ? Les hygiénistes ne savent pas encore que c’est la
révo­lu­tion sociale qui est la solu­tion hygiénique par
excel­lence en appor­tant à tous le bien-être. Au
lende­main de la grève générale, nous reprendrons
le livre de M. Juiller­at, et la Fédéra­tion des
tra­vailleurs du bâti­ment saura s’en inspirer. 

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Jean Wintsch.


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