nous tardait de savoir quel accueil recevrait la Vie Ouvrière.
Au bout de quinze jours, nous commençons à être
fixés. Pas mal de camarades sont venus cogner à notre
porte de la rue Dauphine nous apporter leur abonnement, et nous
donner en même temps leur opinion sur la revue. Le courrier
nous a fait connaître ce que pensaient nombre de camarades de
province. Chaque jour, nous avons pu inscrire une bonne dizaine
d’abonnés. Loin de s’appauvrir, à l’approche du
deuxième numéro, le courrier n’a fait que grossir.
C’est dire que nous sommes contents.
Comment ne
le serions-nous pas ? Comme un refrain, cette phrase revient
dans la plupart des lettres : Vous trouverez le millier
d’abonnés, ayez confiance !
Nous avons
confiance. Mais nos abonnés comment se classent-ils ?
Toucherons-nous les militants ouvriers et cette revue que nous leur
destinons la liront-ils ?
Parfaitement.
Le gros des abonnés déjà venus est formé
de militants des syndicats ; d’un coup, nous avons reçu
douze abonnements de typos parisiens, parmi lesquels ne se trouvait
pas, vous pouvez, m’en croire, celui de Keufer.
On
nous avait dit : Vous ne ramasserez d’abonnements que parmi les
instituteurs, les professeurs, parmi les avocats, les médecins,
parmi les intellectuels syndicalisants. Sur 150 abonnés, nous
n’en avons pas plus de quinze qu’on puisse mettre dans cette
catégorie. Et pas plus de dix qu’on puisse ranger dans celle
des « hommes désireux de s’informer ».
Ce
classement ne doit pas être commode, allez vous objecter. N’en
croyez rien ; on dirait que nos abonnés tiennent
eux-mêmes à se classer. Jugez-en : Le citoyen
Raymond Lavigne, le vieux militant du Parti ouvrier, en nous envoyant
ses 5 francs, ne nous mâche pas qu’il n’aime guère les
antiparlementaires… « Si cependant je m’abonne à
votre revue, ajoute-t-il, c’est parce que, parmi les catégories
dont vous escomptez l’abonnement, je suis de celle de ces « hommes
désireux de s’informer » qui cherchent des
renseignements partout où il y a quelque chance d’en rencontrer.
Vous en promettez beaucoup, je me laisse tenter, pour voir. Mais par
exemple, si les mille abonnements qui vous sont nécessaires
vous parvenaient de la même façon que le mien, vous
conviendrez qu’il ne serait pas de la plus parfaite probité de
vous en vanter comme de sympathies antiparlementaires, n’est-ce
pas ? »
Nous
en conviendrons si bien, citoyen Lavigne, que dès aujourd’hui
nous tenons à vous donner acte de l’esprit dans lequel vous
vous êtes abonné.
Mais
sur les 150 abonnements qui nous sont parvenus à l’heure
actuelle, sur les 160 que nous aurons demain, sur les 170
d’après-demain, sur les 1.000 qu’il nous faut et que nous
aurons — dans combien de semaines ou de mois ? — il n’en
reste pas moins les huit dixièmes dont nous ne nous vanterons
pas comme de sympathies antiparlementaires mais à qui nous
serons vraiment heureux d’envoyer la revue tous les quinze jours,
sachant qu’elle leur sera utile et que la propagande révolutionnaire
en bénéficiera.
N’empêche
que nous tenons à votre abonnement, citoyen. Lavigne, nous
tenons à ce que vous nous lisiez, à ce que vous nous
écriviez de pareilles lettres. Vous avez droit à des
renseignements ; nous en avons promis beaucoup. Notre désir
comme notre volonté est de tenir cette promesse.
Nos Rubriques
Alors
que l’attention générale des hommes qui écrivent
est presque exclusivement tournée vers les choses de la
politique ou de philosophie, nous, nous nous attacherons à
regarder la vie économique. Aussi, l’on trouvera dans la Vie
Ouvrière des renseignements que l’on n’a trouvés
jusqu’ici dans aucune autre revue, même parmi les plus
attachées théoriquement au matérialisme
historique.
Et
soyez tranquilles ! Nous ne passerons pas pour cela à
côté des événements importants. On n’étale
souvent le côté politique que pour détourner les
regards du côté économique, des dessous
financiers, des scandales et des trahisons. Nous regarderons la vie à
l’envers pour mieux voir.
Dans
le premier numéro, nous avons inauguré notre rubrique :
À travers les
journaux patronaux. Voirin et Picart ont dépouillé les
derniers journaux de la Cordonnerie et du Bâtiment. Ils
continueront ce travail pour leurs corporations ; d’autres
camarades les suivront : A. Merrheim, pour les journaux de la
Métallurgie ; G. Dumoulin, pour ceux des Compagnies des
mines ; L. Vignots, pour ceux des Armateurs ; H. Normand,
pour ceux. du Livre ; E. Laval, pour ceux de l’Alimentation,
etc., etc.
Dans
ce numéro, nous donnons un À
travers les Livres où nous nous attachons particulièrement
aux livres qui intéressent directement nos lecteurs. Cette
rubrique n’a pas été confiée à un unique
camarade. Chacun, selon la nature de ses lectures particulières
et de son effort de propagande prendra sa place.
Nous
aurons aussi un À
travers les Revues où nous examinerons les principaux articles
publiés tant dans les revues bourgeoises que dans les revues
socialistes, articles que les militants ouvriers auraient intérêt
à lire.
Mais,
organiser ces rubriques, les mettre en train n’est pas mince besogne.
Aussi avons-nous préféré n’en pas parler dans
notre Lettre familière du premier numéro. Aujourd’hui,
nous le faisons, parce que tout est prêt ou à peu près.
Les éditeurs et les administrateurs de journaux et de revues,
seuls, se font tirer l’oreille ; Mais s’ils s’obstinent, nous
ferons les dépenses que nous pourrons ; puis… les
bibliothèques n’ont pas été faites pour les
chiens.
Notre Permanence
Depuis
le premier numéro il y a régulièrement quelqu’un
au bureau, 42, rue Dauphine, tous les jours de 9 heures à midi
et de 2 à 6 heures, et le dimanche pendant la matinée
seulement. À partir
de la semaine prochaine, afin de permettre aux camarades qui
travaillent de venir sans dérangement, il y aura quelqu’un les
lundi, mardi, jeudi et samedi soir, de 9 à 11 heures. Chacun
peut y venir apporter son abonnement et ses réflexions sur la
Revue.
P.
Monatte