La Presse Anarchiste

Pensée, formes et sons

Pensée…

la mort de Varlin.

Les « nouveautés »
nous lais­sant encore quelque répit de par leur inexistence
même, nous préférons à des analyses
inutiles repro­duire un extrait de Lis­sagaray, « Histoire
de la Com­mune de 1871 », p. 179, sur Var­lin dont nous
par­lons par ailleurs.

Le Mont des Mar­tyrs n’en
a pas de plus glo­rieux. Qu’il soit, lui aus­si, enseveli dans le grand
cœur de la classe ouvrière ! Toute la vie de Var­lin est
un exem­ple. Il s’é­tait fait tout seul, par l’acharne­ment de la
volon­té, don­nant, le soir, à l’é­tude les maigres
heures que laisse l’ate­lier, apprenant, non pour se pouss­er aux
hon­neurs comme les Cor­bon, les Tolain, mais pour instru­ire et
affranchir le peu­ple. Il fut le nerf des asso­ci­a­tions ouvrières
de la fin de l’Em­pire. Infati­ga­ble, mod­este, par­lant très peu,
tou­jours au moment juste, et, alors, éclairant d’un mot la
dis­cus­sion con­fuse, il avait con­servé le sens révolutionnaire
qui s’é­mousse sou­vent chez les ouvri­ers instru­its. Un des
pre­miers au 18 mars, au labeur pen­dant toute la Com­mune, il fut aux
bar­ri­cades jusqu’au bout. Ce mort-là est tout aux ouvriers. »

…Sons

La Musique à la
Radio.

La radio est le meilleur
moyen dont on puisse dis­pos­er pour faire goûter aux auditeurs
les plus isolés ce que leur éloigne­ment de la cité
les met dans l’im­pos­si­bil­ité de voir de près. Cependant
que tel rur­al, bien qu’éloigné de la ville, peut avoir
des goûts aus­si élevés que le citadin qui a le
priv­ilège de pou­voir assis­ter à des manifestations
musicales.

Excel­lent moyen, donc,
de faire con­naître à un vaste pub­lic les plus belles
œuvres et de sat­is­faire, voire même d’é­du­quer, celui-ci
de façon peu onéreuse.

C’est en ten­ant compte
de ces con­sid­éra­tions que nous déplorons la pauvreté
des pro­grammes musi­caux actuels de la radiod­if­fu­sion française.
De temps en temps, un con­cert sym­phonique retrans­mis, vient en
relever la qual­ité. L’Orchestre de la Radiod­if­fu­sion donne,
lui aus­si, des con­certs remar­quables, mais en trop petit nombre.

La musique de cham­bre a
droit à une place appré­cia­ble ; et ce n’est pas
d’elle que nous devons nous plain­dre le plus. 

La musique de scène
est loin d’être aus­si bien partagée. Certes, nous ne
nég­li­geons pas cer­taines émis­sions de bon goût
allant de Saint-Saëns (« Sam­son et Dalila »)
à Offen­bach, dont la musique légère et
volon­tiers bouf­fonne est pleine de saveur. Mais, dans l’ensem­ble, on
pour­rait faire beau­coup mieux.

Où la radio est
au-dessous de tout, c’est en matière de musique de charme. À
croire que ceux qui sont chargés d’établir les
pro­grammes ont pour mis­sion de dévelop­per dans le pub­lic les
goûts les plus dou­teux. Dans le but évi­dent de lancer
des vedettes, on impose aux audi­teurs les voix les plus déplaisantes
qui se puis­sent enten­dre. André Claveau, que nous ne
regret­tons pas, a beau­coup d’é­mules ; et cela est
triste…

La mélodie est
très à la mode actuelle­ment à la radio, un peu
trop pour nous — du moins dans la qual­ité que l’on nous
sert. 

Les ama­teurs de jazz
sont servis ; beau­coup, pour eux, d’interprètes
améri­cains ou anglais et surtout beau­coup de disques…

Mais, n’ig­no­rant point
ce qui dif­féren­cie le jazz dit pur du jazz com­mer­cial, et
sachant que l’un et l’autre ont des par­ti­sans farouch­es, nous ne
pren­drons pas parti.

…Formes

Le Cham­pagne coule à
flot sur les Rétrospectives.

Il s’ag­it de faire
mon­ter les prix de cette « pein­ture dégénéré »
que repous­saient les Alle­mands. À la Galerie de France, le tableau
payé à Sou­tine 5.000 fr. avant guerre, ce qui, de son
vivant, suff­i­sait à ce qu’il ne meure pas de faim, est à
300.000. Cha­cun sait, à part de rares excep­tions, que la
courbe ascen­dante des prix de la pein­ture va de pair avec la
putré­fac­tion de l’artiste mort, le tout chan­té par une
lit­téra­ture mythique où le mot génie foi­sonne à
toutes les pages.

Quand donc les peintres
com­pren­dront-ils qu’ils peu­vent avan­tageuse­ment se débarrasser
de cette ver­mine pro­vi­soire : le marchand ?


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