La Presse Anarchiste

Armand et la violence

“ Le prob­lème qui se pose à cha­cun de nous est le
suiv­ant. Ou l’on est, ou l’on n’est pas l’adversaire du
règle­ment par la vio­lence des désac­cords ou des
dif­férends qui peu­vent sur­gir entre les hommes. ”

E. Armand

E. Armand (E.-L. Juin dit), 1872–1962, est issu d’un milieu
anti­cléri­cal, son père avait par­ticipé à
la Com­mune de Paris. Après une sérieuse crise morale,
il s’engage et milite de 1889 à 1899 dans l’Armée
du Salut. C’est pour le compte de celle-ci qu’il rédige,
en Suisse, “ le Cri de guerre ” et “ Jeune Sol­dat ”. Vers
1895–1896, il entre en con­tact avec les milieux
com­mu­nistes-anar­chistes notam­ment “ les Temps nou­veaux ” et
l’animateur de ceux-ci : Jean Grave. Dès lors son évolution
l’amène à col­la­bor­er à quelques feuilles
lib­er­taires de l’époque “ le Cri de révolte ” et
“ la Mis­ère ”, ain­si qu’au “ Lib­er­taire ” de
Sébastien Fau­re en 1897, sous les pseu­do­nymes de Franck ou
Junius. Il col­la­bor­era par la suite à de très nombreux
autres jour­naux anar­chistes. Il se réclame à cette
époque du com­mu­nisme anar­chiste. Dès 1900, il s’oriente
de plus en plus vers l’individualisme, fréquente les “
causeries pop­u­laires ” de Lib­er­tad et Paraf-Javal, col­la­bore à
“ l’Anarchie ” et en devient bien­tôt le responsable.

Entre-temps, dès 1901, il lance son pro­pre organe, “ l’Ère
nou­velle ” rédigé par des “ dis­ci­ples du Christ ”,
aidé dans cette besogne par sa com­pagne et collaboratrice
d’alors : Marie Kugel. “ L’Ère nou­velle ”, première
et deux­ième série, dur­era de 1901 à 1911. Puis,
par ordre chronologique, suiv­ront : “ Hors du troupeau ”
(1911–1912), “ les Réfrac­taires ” (1912–1914), “ Pendant
la mêlée ” (1915–1916), “ Par-delà la mêlée
” (1916–1918), “ l’En-Dehors ” (1922–1939) et, enfin, “
l’Unique ” (1945–1956). À cette époque, le travail
devenant trop lourd pour lui, il con­fia son bul­letin de “ l’Unique
” à la revue “ Défense de l’homme ”, se
réser­vant de faire paraître périodiquement
quelques sup­plé­ments sous forme de brochure.

Au cours de sa vie, il pub­lia de nom­breux ouvrages tant littéraires
que théoriques, et notam­ment con­cer­nant l’individualisme
anar­chiste, dont il devient sans con­teste le prin­ci­pal théoricien.

Choix de textes

Con­traire­ment à cer­tains anar­chistes, tel B. de Ligt, Armand
n’a jamais fait de la vio­lence ou de la non-vio­lence la pierre
angu­laire de son action. Néan­moins, à tra­vers toute son
œuvre écrite, à tra­vers sa longue vie mil­i­tante – 70
années –, il a rejeté la vio­lence, la haine, la
bru­tal­ité, la vengeance comme impro­pres à l’évolution
et à l’émancipation de l’homme.

En 1904, dans ses “ Notes et réflex­ions pour servir à
la rédac­tion d’une auto­bi­ogra­phie ”, il écrit : “
Parce que je ne con­sid­ère ni la bru­tal­ité, ni la
vio­lence, ni la haine, ni la vengeance comme des facteurs
d’émancipation indi­vidu­elle, je passe volon­tiers pour un “
anar­chiste chré­tien ” ou un “ tolstoïsant ”.
Pro­fondé­ment idéal­iste, la vérité est que
je me sens aus­si loin du dog­ma­tisme “ anar­chiste chrétien ”
ou “ tol­stoïen ” que du sec­tarisme des “ anarchistes
révo­lu­tion­naires ” […]. Pour dire vrai, ajoute-t-il, les
ter­mes “ tol­stoïen ”, “ anar­chisme chrétien ”, “
anar­chisme non vio­lent ”, “ anar­chisme paci­fique ” ne rendent
qu’imparfaitement ma pen­sée bien que, par différents
côtés, ils répon­dent bien à mes sentiments
actuel ”.

“ Je le demande encore, écrit-il ensuite, quelle fatalité
a donc décrété que la vio­lence, la haine ou la
vengeance fussent l’unique tac­tique à employ­er pour amener
l’avènement d’une société lib­er­taire où
les hommes pen­sant par eux-mêmes, l’expérimentation
sociale, morale, philosophique, serait ren­due pos­si­ble, une société,
en un mot, où l’on ne con­naî­trait ni exploita­tion de
l’homme par l’homme, ni autorité de l’homme sur l’homme
 ? La vio­lence organ­isée a fait, jusqu’ici, que les hommes
subis­sent l’autorité d’autrui, le nom­bre gran­dis­sant de
men­tal­ités lib­er­taires, l’éducation des indi­vidus, la
révolte con­sciente et non vio­lente (c’est-à-dire sans
haine, bru­tal­ité ou effu­sion de sang inutile) con­tre tout ce
qui tend à per­pétuer ce régime autori­taire et
exploiteur, la pro­pa­gande par l’exemple, les actes d’initiative
col­lec­tifs en matière économique, finiront par détruire
l’édifice social érigé par l’autorité
et la violence.

“ Je pro­fesse une con­vic­tion pro­fonde dans le tri­om­phe final de la
lib­erté, dans la con­science indi­vidu­elle, de l’impartialité,
de l’amour, de la libre entente entre les hommes, sur l’autorité,
l’inconscience col­lec­tive, la haine, la vio­lence, le men­songe et
les exploita­tions de toutes sortes. C’est cette con­vic­tion qui me
pousse à œuvr­er dans le sens indiqué et à
m’allier avec ceux qui agis­sent dans le même sens que moi,
n’importe les qual­i­fi­cat­ifs d’ordre social, moral ou
philosophique dont ils revê­tent leurs aspi­ra­tions, leurs
mobiles intérieurs, qui les poussent à agir. Je n’ai
point à m’en inquiéter, pas plus que de leur passé.
Leur sincérité actuelle est mon unique souci. ”

Mauri­cius, un de ceux qui l’ont le mieux con­nu et com­pris, note,
dans l’ouvrage col­lec­tif “ E. Armand, sa vie, sa pensée,
son œuvre ” (Paris, 1964) : “ Même quand il se sépare
de Tol­stoï, il reste fidèle à la thèse
tol­stoïenne de résis­tance pas­sive, de l’opposition
morale à l’oppression, au refus de par­ticiper à des
fonc­tions admin­is­tra­tives à la fab­ri­ca­tion d’objets inutiles
au développe­ment de l’homme : armes, orne­ments d’églises,
uni­formes, etc., aban­don du tra­vail dans les usines ou ateliers
patronaux, refus de pren­dre part à la con­struc­tion d’églises,
de casernes, de pris­ons, refus d’être sol­dat, juré,
refus de l’impôt, etc. ”.

En 1904, il décide de présen­ter un rap­port sur
l’antimilitarisme au con­grès de l’Association
inter­na­tionale anti­mil­i­tariste à Ams­ter­dam. Ne pou­vant y
par­ticiper, il pub­lie celui-ci en brochure de pro­pa­gande. En 1925, à
l’occasion d’une réédi­tion de celle-ci, il déclare
 : “ Un abîme sépare notre con­cep­tion anar­chiste du
refus du ser­vice mil­i­taire de l’idée bour­geoise de faire
légitimer par l’État, en temps de guerre comme en
temps de paix, le refus de porter les armes, de “servir” pour
l’individu à qui ses opin­ions philosophiques, morales ou
religieuses inter­dis­ent un tel acte. Alors, comme aujourd’hui, le
refus de ser­vice mil­i­taire n’était pour nous qu’un aspect
de l’activité anti­au­tori­taire, c’est-à-dire de
l’activité qui tend à réduire en poussière
les étais qui sou­ti­en­nent la société dominatrice
et exploiteuse, les préjugés moraux et intel­lectuels, à
réduire à néant le pou­voir étatiste. Et
ce, pour la plus com­plète autonomie indi­vid­u­al­iste. Certes,
nous ne con­sid­éri­ons pas le refus de ser­vice mil­i­taire comme
un moyen de se tir­er d’affaire, sous le con­trôle et la
béné­dic­tion de l’État, en accom­plis­sant un
ser­vice civ­il des­tiné à ren­forcer sa puissance. ”

Lignes com­bi­en prophé­tiques et lucides, si l’on songe
soix­ante ans plus tard aux prob­lèmes actuels des objecteurs de
con­science anar­chistes face au ser­vice civ­il légal en France.

Dans ce rap­port, définis­sant sa méth­ode d’action, il
ajoutait : “ Sur le ter­rain de l’activité pra­tique, deux
méth­odes se présen­tent : la pre­mière con­siste à
retourn­er con­tre les oppresseurs et acca­pareurs l’arme dont ils se
sont servis de tout temps pour plac­er sous le joug et exploiter les
plus faibles : la force bru­tale ; la deux­ième fait appel à
la révolte indi­vidu­elle et con­sciente, à la conviction
pro­fonde et personnelle. ”

Inten­sé­ment opposé à la vio­lence dans tous les
domaines, ses posi­tions ne vari­ent guère, et, que ce soit en
1901 ou en 1914–1918, ses opin­ions sont identiques.

“ Dans tous les temps la majorité de mes congénères
ont eu recours à la vio­lence, à la coerci­tion, à
la dis­sim­u­la­tion, à la fourberie. Je ne juge pas, je constate.
Mais je regrette ces modes de procédés. Ils répugnent
pro­fondé­ment à mes aspirations. ”

“ Je suis resté et je demeure l’irréconciliable
enne­mi de la guerre, de toutes les guer­res, et cela non seule­ment en
me retran­chant der­rière des motifs d’ordres philosophique,
sen­ti­men­tal, moral, économique ou autres (dont je suis loin de
mécon­naître la valeur), mais parce que je suis
individualiste-anarchiste. ”

“ Je suis con­va­in­cu que la guerre ne cessera que lorsque la
men­tal­ité uni­verselle sera telle qu’il sera devenu
impens­able, incon­cev­able, qu’un être humain prive de la vie
l’un quel­conque de ses semblables. ”

Et il pour­suit, réfu­tant l’excuse trop facile, de
l’impuissance indi­vidu­elle face à l’État et à
l’autorité : “ Il y a la guerre et il y a ceux qui la
font. Il serait mal­hon­nête de nier la respon­s­abil­ité de
ceux sans la par­tic­i­pa­tion desquels la guerre n’aurait pas lieu,
alors qu’ils sont le nombre. ”

C’est dans le même esprit qu’au plein de la grande tuerie
de 1914–1918, il écrira encore, restant lui-même
par-dessus la mêlée et refu­sant de ral­li­er les sirènes
de l’insurrection : “ Ce n’est point à une insurrection
ou à une révo­lu­tion que nous vous appelons pour le
“lende­main de la guerre”. Nous savons qu’aucune société
n’est supérieure à la somme de ses com­posants et que
si, par impos­si­ble, un mou­ve­ment pop­u­laire réus­sis­sait, il
abouti­rait tout sim­ple­ment à un déplace­ment de
dirigeants. ”

Dans un autre domaine de ses activ­ités, trai­tant dans un
ouvrage théorique du prob­lème de la trans­gres­sion, du
trans­gresseur dans un régime lib­er­taire, il déclare : “
Com­ment résoudre sans vio­lence, sans loi, sans autorité,
le prob­lème de la trans­gres­sion : il y a un moyen, une action
qui sup­primerait le recours aux sanc­tions légales, pénales
ou dis­ci­plinaires, qui rendrait inopérante, inutile, superflue
l’existence de cours de jus­tice ou tri­bunaux quel­con­ques, des
pris­ons ou autres insti­tu­tions de répres­sion, etc. L’existence
d’une men­tal­ité courante, d’un état d’esprit
général et par­ti­c­uli­er qui fasse que le transgresseur
recon­naisse volon­taire­ment, de soi-même, sa trans­gres­sion ou sa
faute et qu’il s’inflige, de son pro­pre gré, la punition
ou plutôt la répa­ra­tion qui lui paraît apte à
com­penser le crime qu’il a per­pétré, à
équiv­al­oir au délit qu’il a com­mis. C’est dans
cette voie qu’il faut chercher l’idée purement
indi­vid­u­al­iste de la répa­ra­tion des infrac­tions, du
redresse­ment des torts que les humains sont sus­cep­ti­bles de commettre
ou de se causer les uns aux autres. ”

Là encore, dans ce domaine comme dans les autres, Armand
rejette la vio­lence et en l’occurrence la facil­ité et la
van­ité de l’imposition du châ­ti­ment. Son rejet de la
vio­lence n’est pas comme chez Gand­hi ou Lan­za del Vas­to amour et
con­fi­ance totale dans l’adversaire. Anar­chiste, il connaît
les hommes et leurs faib­less­es, les autorités, l’autorité,
aus­si refuse-t-il leur “ mai­son de verre ”. Indi­vid­u­al­iste, il
adapte sa non-vio­lence à sa morale, son éthique. Au
sujet de la ruse, par exem­ple, il écrit : “ La ruse comme
arme défen­sive : on a reproché aux
indi­vid­u­al­istes-anar­chistes de se servir de la ruse comme arme de
préser­va­tion indi­vidu­elle à l’égard de la
société. Mais sans la ruse, il y a beau temps que
l’autorité les aurait anni­hilés et que l’ambiance
les aurait absorbés. Pour sub­sis­ter, c’est-à-dire
pour con­serv­er, pro­longer, ampli­fi­er, extéri­oris­er sa vie,
l’individualiste, l’“ en-dehors ” ne peut, sous peine de
sui­cide, récuser aucun moyen de lutte, la ruse y compris –
aucun moyen dis-je, sauf l’emploi de l’autorité. Et cela
sous peine de se trou­ver en état d’infériorité
à l’égard du milieu social, lequel tend tou­jours à
empiéter sur ce qu’il est et sur ce qu’il a. ”

Et suiv­ant les posi­tions de Tuck­er de qui il se réclame dans
cer­tains domaines, il en vient, dif­fi­cile­ment d’ailleurs et de
façon pas­sagère, à accepter l’emploi de la
vio­lence en cas de légitime défense :

“ Ain­si dans le cas de restric­tion de la lib­erté d’exprimer
ses opin­ions – toutes ses opin­ions – par la plume aus­si bien que
par la parole – en cas d’entraves insur­monta­bles opposées
ou apportées à la pro­pa­gande des idées et à
l’expérimentation des théories, on se tromperait si
on croy­ait trou­ver en l’individualiste un résigné,
faisant bon marché de sa fierté, prêt à “
encaiss­er ” sans mot dire affronts et lim­i­ta­tions. Lorsque ces
con­di­tions se présen­tent, bon nom­bre d’individualistes sont
au con­traire d’avis d’opposer une résis­tance énergique,
une action pro­longée et irré­ductible – clan­des­tine si
elle ne peut être publique – sus­cep­ti­ble d’aboutir
finale­ment à un soulève­ment à main armée.
Il n’est pas du tout cer­tain que la con­quête de la possession
inal­ién­able et per­son­nelle du moyen de pro­duc­tion et de la
libre et entière dis­po­si­tion du résul­tat de l’effort
indi­vidu­el, il n’est pas du tout cer­tain que la réalisation
de l’autonomie pour de vrai de la per­son­ne humaine puisse
s’effectuer sans heurts, sans un choc avec les monopoles et les
priv­ilèges qui s’opposent à cette émancipation,
à cet affran­chisse­ment véri­ta­ble de l’unité
humaine. On ne peut ni prévoir ni établir d’avance à
quelle tac­tique s’adonneront alors les indi­vid­u­al­istes pour obtenir
le respect absolu de leurs per­son­nes, de leurs opin­ions, de leurs
pra­tiques – pour recevoir sat­is­fac­tion à leurs
reven­di­ca­tions. Quelle qu’elle soit, elle sera le résultat
d’une dis­cus­sion et d’un exa­m­en préal­ables par tous les
indi­vid­u­al­istes qui s’y ral­lieront, qui s’associeront pour la
met­tre en exé­cu­tion. Cela ne veut pas dire qu’un soulèvement
d’origine indi­vid­u­al­iste ne puisse éclater spontanément
– certes non – mais cette spon­tanéité sera le fruit
mûr qui n’attend pour tomber qu’un coup de vent ou une
sec­ousse un peu ferme. ”

Ce sera là un des rares moments où il acceptera, bien
que du bout des lèvres, d’accorder une cer­taine valeur à
la vio­lence comme fac­teur d’évolution pos­si­ble. Revenant à
une façon plus habituelle de voir, il écrira en 1926
dans “ Fleurs de soli­tude et points de repères ” : “
L’emploi de la vio­lence ne résout rien : il est un signe de
supéri­or­ité bru­tale, un procédé
absol­u­ment con­tre-indi­vid­u­al­iste, puisqu’il nécessite
l’emploi de l’autorité physique ”, d’ailleurs “ la
ques­tion de la vio­lence n’est pas résolue du tout en ce qui
con­cerne sa valeur comme fac­teur d’anarchisme. Il est indubitable
que la vio­lence a servi les des­seins de l’anarchisme sous divers
aspects. Mais on ignore absol­u­ment si elle servi­ra les buts de
l’anarchisme. Voilà le prob­lème. Il faut le creuser à
fond. Aucun anar­chiste ne saurait nier que la vio­lence engen­dre la
vio­lence, et que l’effort néces­saire pour se met­tre à
l’abri des réac­tions, des repré­sailles des violentés,
per­pétue un état d’être et de sen­tir qui n’est
pas favor­able à l’éclosion d’une mentalité
anti­au­tori­taire. Faire vio­lence, c’est faire autorité. Il
n’y a pas à sor­tir de là. Un milieu sans autorité
ne peut se con­cevoir et exis­ter que s’il est accepté
volon­taire­ment et de bon cœur par ceux qui le con­stituent ; dès
qu’il y a con­trainte et oblig­a­tion, il n’y plus d’anarchie. ”

La guerre de 1939–1944 et le déchaîne­ment bru­tal des
forces de destruc­tion devaient ancr­er plus encore, s’il était
pos­si­ble, en Armand, la haine de la vio­lence. Et dès la
paru­tion de “ l’Unique ” par­mi les prin­ci­pales revendications
et con­sid­éra­tions nous trou­vons en bonne place “ … la
vio­lence (domin­isme, impo­si­tion, exploita­tion), brutalité,
usage de la force physique ou des armes comme source des maux qui
acca­blent l’individu ”.

Dans une série d’articles sous forme de dia­logue, “ les
Entre­tiens avec mon­sieur Zèbre ”, il écrit en 1956 :
“ Nous sommes con­tre l’emploi de la vio­lence, l’usage de la
bru­tal­ité, la sup­pres­sion physique de l’individu, con­tre les
repré­sailles et la peine de mort. Nous sommes con­tre toutes
les guer­res – extérieures ou civiles – comme nous sommes
con­tre l’emploi de toutes les armes. Nous regar­dons comme procédés
abom­inables ter­ror­isme et contre-terrorisme. ”

Et il pour­suit dans un entre­tien ultérieur : “ …
adver­saire de tout recours à la vio­lence, je n’envisage plus
les événe­ments et les actions “éman­ci­patri­ces”
comme je les con­sid­érais alors que j’ai pu à de rares
moments attribuer à l’emploi de la force une quelconque
valeur libératrice ”.

Il coupe court ain­si à toute fausse inter­pré­ta­tion de
sa pen­sée et s’engage totale­ment dans la voie pacifique.
Con­fir­mant encore sa pen­sée à l’occasion du congrès
inter­na­tion­al anar­chiste de Lon­dres en 1958, il écrit : “
Pour nous, indi­vid­u­al­istes à la façon de “l’Unique”,
qui reje­tons l’usage de la vio­lence (humiliante d’ailleurs pour
qui y a recours), l’emploi de tout sys­tème d’agression
comme moyen de résoudre les con­flits entre indi­vidus ou
col­lec­tiv­ités, notre atti­tude demeure celle des résistants
à toutes les formes de guerre. ”

Dans un de ses ultimes sup­plé­ments de “ l’Unique ”
con­sacré à l’utopiste anglais Win­stan­ley le Piocheur,
il pré­cise encore une fois et, hélas, la dernière
avant sa mort, dans l’introduction à cette étude :

“ Quand on me demande com­ment dans l’“humanité future”,
telle que la veu­lent les indi­vid­u­al­istes, l’on solutionnera
exacte­ment tel point litigieux, il est clair que le questionné
n’en sait rien. Mais pour impar­faite­ment qu’elles soient
esquis­sées, les con­sid­éra­tions qui précèdent
per­me­t­tent de répon­dre à l’interrogateur qu’en
aucun cas il ne sera résolu par la méth­ode d’autorité.
[…] Il est un point acquis, et sans con­teste, c’est qu’on
n’aura pas recours à la con­trainte, à la force, à
la vio­lence pour tranch­er le différend. ”

— O —

Pour con­naître la pen­sée d’Armand lire : “ E.
Armand, sa vie, sa pen­sée, son œuvre ” par les amis d’E.
Armand, La Ruche ouvrière édit. (10, rue de
Mont­moren­cy, Paris 3e). En vente à la librairie Pub­li­co, 3,
rue Ter­naux, Paris 11e.

Ce livre est com­posé de larges extraits des écrits
d’Armand, des essais, des com­men­taires de divers auteurs, de
nom­breux doc­u­ments, pho­tos, etc., ain­si que d’une bibliographie
très intéressante.

L. Grelaud


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