La Presse Anarchiste

Paul Léautaud, « Journal littéraire », tome II…

Paul Léau­taud, « Jour­nal lit­té­raire », tome II (Mer­cure de France)

J’ai dit ma décep­tion du pre­mier tome du « Jour­nal », et n’en suis que plus heu­reux de consta­ter le plai­sir pas­sion­né avec lequel je viens de lire le second. De bons amis me disent : Léau­taud, c’est sur­tout une atti­tude. Pos­sible qu’avec les années il ait trop « fait » son per­son­nage, – et encore je n’en suis pas sûr. En tout cas, comme déjà depuis « Le Petit Ami », « Passe-Temps », « Le Théâtre de Mau­rice Bois­sard » et les « Pro­pos d’un jour », ce second volume du « Jour­nal » confirme à quel point il y a dans le « cas » Léau­taud, quelque chose d’irremplaçable, je dirai même d’exemplaire. Comme me l’écrivait Monatte : quelle réac­tion contre tout le ver­ba­lisme des temps sym­bo­listes ! Et certes, à force de craindre de se lais­ser blou­ser, il arrive à l’ami des chats (puis-je avouer moi-même en pas­sant ma « reli­gion » de ces ani­maux ?) de ne pas voir ou de nier bien des grandes choses (la cathé­drale de Rouen, Hugo, etc.). Mais n’aimez-vous pas mieux, vous aus­si, une franche lacune bien avouée, que les extases des snobs devant n’importe quoi ? Lorsque j’écrivais « exem­plaire », je pen­sais d’ailleurs sur­tout à l’histoire du prix Gon­court, qu’il ne tenait qu’à lui d’avoir ; mais voi­là, il n’était pas en train d’écrire les quelques pages qu’il eût fal­lu pour com­plé­ter son livre. Alors, non. Il ne s’en vante même pas : rien, ici, d’une atti­tude. Il n’est même pas loin de se trou­ver idiot. Sim­ple­ment, comme il dit, plai­sir passe inté­rêt. C’était sa maxime, et elle l’est res­tée. Il fau­drait être bien peu conscient des mœurs d’aujourd’hui pour le prendre de haut avec cet esprit libre. Le Léau­taud de ce tome second, qui vient de se trou­ver lui-même (les fameuses « Chro­niques » com­mencent), a écrit là un beau livre de vérité.

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